A la lumière du noisetier
Un arbrisseau illumine la haie du jardin de ses minuscules lampions jaunes. Surprise, c’est déjà le printemps du noisetier !
Un arbrisseau illumine la haie du jardin de ses minuscules lampions jaunes. Surprise, c’est déjà le printemps du noisetier !
Il s’opère en ce début février comme un virage imperceptible dans la nature. La clarté prend vigueur, l’obscurité abdique. Le rougegorge et la grive draine chantent désormais sans retenue. Il est vrai que c’est le printemps dit astronomique, à mi-chemin entre le solstice d’hiver et l’équinoxe. Cette période de renouveau et de fertilité est d’ailleurs honorée de maintes façons avec la fête celtique d’Imbolc, puis la Chandeleur ou encore le printemps chinois.
Justement, il y a un signe qui ne trompe pas à la lisière du jardin. Porté par un petit souffle de bise, un nuage de poussière d’or s’envole vers la forêt. C’est le noisetier qui offre sa semence au vent. Voyez comme les chatons mâles sont ouverts et généreux. Une simple pichenette et leur poudre de pollen part à l’aventure, défiant les lois de la probabilité et du hasard pour rencontrer une fleur femelle. Approchons…
Nom de nom !
A l’origine, il s’appelait coudrier, dérivé du grec korys qui signifie casque, eu égard à la forme très particulière de son fruit, du latin corulus – ou colurus – puis du vieux français coudre. La noisette – petite noix – est désignée sous ce terme dès le XIIIe siècle, mais l’arbrisseau n’hérite du nom de noisetier que trois siècles plus tard. Aujourd’hui, les forestiers qualifient encore de coudraie une plantation ou un bois de noisetiers.
Ces fins chatons sont réunis par groupes de deux à quatre à l’extrémité des rameaux de l’année précédente. Une véritable chevelure d’ange ! Chacun de ces épis est constitué de 100 à 300 fleurs qui ont l’apparence de doubles écailles. Avec une loupe, leur surface poilue se distingue aisément. A l’abri de chacun de ces minuscules calices qui n’en sont pas tout à fait, huit étamines et leurs chambres polliniques. Ainsi pourvu, le chaton du noisetier hébergerait cinq millions de grains de pollen prêts à s’envoyer en l’air à la moindre bourrasque. La plupart finiront au sol, quelques-uns accompliront leur destinée.
A ce propos, où sont les fleurs femelles ? Ne vous attendez pas à du grand spectacle, notre fruitier sauvage a choisi la discrétion. A la différence de ses voisins le sureau, le prunellier ou encore l’aubépine qui charment les insectes pollinisateurs avec leurs bouquets immaculés et nectarifères, le noisetier dissimule ses atouts féminins. Vous les trouverez sur les mêmes arbres que les chatons mâles. Approchons encore… Voyez-vous ce petit bouton brun coiffé d’un chapeau de fou du roi entièrement rouge ? L’essentiel de la fleur est protégé dans ce bourgeon mi-feuillé mi-floral et n’en sortira jamais. Les tentacules carmin qui dépassent sont l’extrémité des stigmates de l’organe femelle… Prêt à recevoir le pollen. L’affaire sera d’autant plus fructueuse si la semence dorée provient d’un voisin plutôt que du même noisetier. Car notre hermaphrodite n’est pas doué pour l’autofécondation.
A bien observer ce coudrier, plus imposant que le chèvrefeuille, mais modestement abrité sous les grands frênes, on ne saurait dire si c’est un arbre ou un arbuste. Ni l’un ni l’autre en réalité : sa propension à ne pas développer de véritable tronc et à se ramifier dès la base fait du noisetier un arbrisseau. Quel enfant des campagnes n’a jamais profité de cette morphologie pour tailler un arc, une gaule de fortune ou une canne pour son aïeul ? Qui se souvient encore de l’ancien du village qui fagotait le généreux noisetier à la serpe pour se chauffer ? Aujourd’hui, on y taille tout au plus un échalas pour tuteurer un frêle pêcher ou la charpentière d’un pommier trop chargé.
Et que dire de ses noisettes ? Ce n’est pas la saison, mais si vous grattez la litière, vous trouverez les coques brunes ou noircies de l’année précédente. Abandonnées par l’écureuil, grignotées par le mulot ou finement percées par la larve du balanin.
Il ne fait aucun doute que des générations de nos ancêtres se sont régalées de ces petites billes croquantes. Par temps de disette, elles leur auraient même sauvé la vie à maintes reprises ! C’était bien avant l’avènement plus ou moins heureux de la pâte à tartiner. Bien avant que le châtaignier soit planté au nord de ses terres d’origine ou que le noyer soit introduit dans nos contrées.
Passé l’âge… de glace
Le noisetier est une essence très ancienne en Europe tempérée, connue dès l’ère tertiaire et tout au long du quaternaire. Ce pionnier s’installe rapidement sur les steppes découvertes par le retrait des glaces. Des fouilles autour de cités lacustres jurassiennes vieilles de 4 500 ans révèlent la grande abondance de ses pollens, suggérant que nos ancêtres favorisaient cet arbrisseau pour leur consommation. On retrouve même de véritables lits de noisettes dans ces niveaux archéologiques.
Il n’en faut pas moins pour qu’un tel compagnon trouve une place de choix dans les mythes et les légendes. Dans ce domaine, l’arbrisseau n’a rien à envier au chêne ou à l’olivier. De la baguette du sorcier à celle du sourcier, en passant par la houlette du berger, les pouvoirs maléfiques ou au contraire bienfaisants attribués au rameau de coudre sont innombrables.
Passé la saison des amours vernales du noisetier, revenez en avril guetter le bourgeonnement de ses feuilles dentées et velues, réjouissez-vous en juillet du jaillissement des noisettes fraîches, puis savourez en septembre le mûrissement de ces offrandes. Et enfin, pourquoi ne pas perpétuer la connivence ancestrale qui nous lie au vénérable noisetier en taillant un bâton de marche dans une de ses branches vigoureuses ? Tel un trait d’union entre votre main et la terre.
Perce-noisette
Le suspense ne dure qu’une fraction de seconde, le temps de faire tourner la noisette entre ses doigts. Trou ou pas ? La sensation de vide et la légèreté de la coquille donnent souvent un indice avant le contrôle visuel. A la vue du minuscule orifice, confirmation et déception. L’espoir se reporte sur la noisette suivante. Le responsable de ce pillage, le balanin des noisettes – ça ne s’invente pas – est un menu coléoptère. L’insecte pond son œuf dans le jeune fruit et l’asticot se développe en consommant le contenu de la coquille.
A maturité, la larve fait un trou et sort. Gratter la litière au pied de l’arbrisseau et l’exposer au gel et aux oiseaux limiterait la survie des vers de balanins qui y vivent.
Amateur de Havane
Contrairement au balanin qui pond dans le fruit, l’apodère du noisetier exploite le feuillage. La femelle de cet astucieux coléoptère découpe une feuille à moitié, l’enroule et modèle une sorte de cornet. Elle dépose ses œufs à l’intérieur. Les cigares ainsi formés dépérissent plus vite que les feuilles saines et se remarquent aisément. Pour observer cet insecte rouge vif, secouez un noisetier à la belle saison au-dessus d’un drap ou d’un parapluie retourné.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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