Comment l’aigle défend-il son territoire ?
L'hiver attaque: premiers gels et premières neiges. Chez l'aigle, la saison est à la séduction et aux disputes territoriales.
L'hiver attaque: premiers gels et premières neiges. Chez l'aigle, la saison est à la séduction et aux disputes territoriales.
La bise qui souffle ces jours de fin d'automne déshabille les mélèzes de leur parure jaune. Au-dessus des crêtes découpées au couteau et blanchies par un voile de neige, un couple d'Aquila chrysaetos parade. Piqués, poursuites, virages brutaux, rétablissements: une succession de figures déclenchée au moindre coup de vent ou aux premiers rayons de soleil. Ces scènes de séduction se répètent chaque année à cette saison chez les couples reproducteurs, unis pour la vie. La démonstration amoureuse la plus fréquente est un enchaînement de piqués ailes rabattues et de remontées ailes ouvertes. Ce vol « en festons » pratiqué par les deux sexes permet de renouveler et renforcer les liens unissant les futurs parents.
Des festons pour le show
Mais il a une seconde utilité. C'est un message clair adressé aux congénères , en une formulation explicite: « Ne t'approche pas, ce domaine est habité ! » Un avertissement exprimé en show aérien, nettement préférable à une dangereuse confrontation physique avec les serres. Cette forme de communication visuelle à grande distance est très efficace chez l'aigle, qui est doté d'une vue stupéfiante (> encadré). Un individu qui semble festonner tout seul dans le ciel est ainsi probablement en contact visuel avec un autre individu situé à plusieurs kilomètres.
Un domaine bien gardé
Très territorial, l'aigle royal occupe une superficie comprise entre 30 et 300 km2. Un royaume qui inclut le site de nidification et les territoires de chasse, où le rapace capture les proies pour se nourrir et élever les poussins. Cet environnement bien gardé peut faire des envieux. Il arrive ainsi qu'un couple téméraire à la recherche d'un espace de vie défie des congénères établis.
La réaction des résidents est immédiate. Ils doivent défendre leur domaine et le futur des aiglons. L'un des membres du couple pique sur l'intrus à une vitesse folle, pouvant atteindre plus de 200 km/h. Pour éviter l'impact, potentiellement mortel, le gêneur se retourne en l'air et ouvre les serres.
Les deux adversaires s'agrippent et se laissent tomber en échangeant des coups violents du bec ou des griffes. Pas de quartier: on vise la tête ou les organes vitaux. La dispute se termine en général par la blessure grave ou carrément la mort d'un des deux combattants. Il s'agit souvent du plus jeune et du plus inexpérimenté, ce profil correspondant la plupart du temps à l'importun.
Rarement observés dans les populations clairsemées, comme dans le Massif central, ces impressionnants combats aériens sont plus fréquents dans les Grisons, au cœur des Alpes suisses orientales. La densité en aigles y est particulièrement importante. Ces accrochages illustrent bien le choix difficile des jeunes : soit ils défient la concurrence en se battant avec des adultes, soit ils évitent la compétition et partent chercher un territoire libre ailleurs. Dans les deux cas, le risque d'échec est important.
L'effet télescope
Si nos yeux occupaient la même proportion que chez l'aigle, ils auraient la taille de petits melons ! D'ailleurs, ils prennent plus de place dans son crâne que le cerveau. C'est dire si la vision est son sens le plus développé. La distance entre le cristallin, qui concentre les rayons de lumière, et la rétine est très grande. Cet effet télescope lui permet de percevoir un lagopède parfaitement camouflé à plus de 3 km de distance. La vue du rapace serait huit fois plus précise que la nôtre. Lors de vols à grande vitesse, ou d'impacts violents, ses yeux sont protégés par une arcade sourcilière très épaisse et par une sorte de paupière supplémentaire servant aussi à nettoyer la cornée : la membrane nictitante.
Si la plupart des animaux possèdent une seule fovéa par œil, l'aigle, lui, en possède deux. Ces dépressions sur la rétine où se fait la mise au point des images sont également plus denses en photorécepteurs que chez l'homme. Le rapace bénéficie ainsi comme nous d'une vision binoculaire, mais aussi de deux zones de netteté latérales. Sans bouger les yeux, son champ de vision couvre 220°. En tournant la tête, il voit presque à 360°.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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