Les armillaires et autres champignons tueurs d’arbres
La rencontre entre un arbre et un champignon n’est pas toujours idyllique. Découvrez les armillaires et les polypores prédateurs.
La rencontre entre un arbre et un champignon n’est pas toujours idyllique. Découvrez les armillaires et les polypores prédateurs.
Certains champignons lignivores n’attendent pas que les arbres gisent à terre pour s’attaquer à leur bois… ils les dévorent vivants. Polypore soufré, ungiline marginée, ganoderme ou stérée hirsute sont passés maîtres dans la conquête de ligneux âgés ou affaiblis. Leur mycélium agressif profite de la moindre faille du système immunitaire ou d’une blessure, infligée par un insecte, la foudre ou un engin de débardage, pour s’insinuer au cœur de l’arbre. Très vite, les filaments progressent en décomposant la lignine et la cellulose de leur victime, un peu à la manière de leurs cousins nécrophages.
Les champignons tueurs peuvent compter sur l’appui de diverses larves de coléoptères. Elles forent des galeries et produisent des déjections bourrées d’azote, véritable dopant pour le mycélium. Face à ces attaques combinées, le bois devient spongieux ou fibreux et pourrit. Des cavités se créent, rendant l’arbre instable et susceptible de s’effondrer à tout moment. Quant au parasite, repu, il érige des fructifications. Les polypores créent des chapeaux en console qui peuvent rester collés au tronc plusieurs dizaines d’années après sa mort.
Contagion par les armillaires
Loin de se contenter de crimes occasionnels, ces champignons parasites sont de vrais serial killers. Ainsi Armillaria ostoyae, répandue en Europe centrale, est capable de détruire des forêts entières de pins. Grâce à ses cordons mycéliens hyperrésistants, les fameux rhizomorphes, le parasite se loge dans les racines du résineux, le tue et passe à la racine de l’arbre voisin.
Certaines maladies propagées par des champignons provoquent elles aussi des hécatombes, un peu comme des virus informatiques qui détournent le web de la forêt à leur avantage. L’orme a bien failli disparaître des campagnes européennes au XXe siècle, décimé par la graphiose dont est responsable le champignon Ophiostoma ulmi originaire d’Asie. A la même époque, aux Etats-Unis, quatre milliards de châtaigniers sont tombés sous l’assaut du chancre venu d’Extrême-Orient. Ces pathogènes peuvent profiter d’une blessure pour se développer sous l’écorce ou progresser par contact racinaire. Le chancre se transmet par l’intermédiaire d’un petit coléoptère. Ces fléaux gagnent continent après continent, accompagnant l’homme et ses marchandises. Une fois implantés, ils sont presque impossibles à éradiquer.
La riposte des arbres
La vie d’un pirate n’est toutefois pas des plus simples, car l’arbre se défend. Le parasite doit d’abord déjouer le système d’alarme de sa victime, notamment une panoplie de récepteurs protéiques sophistiqués capables d’identifier la présence de champignons. Puis, il faut déjouer diverses réactions de défense : substances antifongiques, renforcement des barrières cellulaires ou sacrifice de la partie déjà infectée du végétal. Malgré tout, les champignons les plus virulents parviennent le plus souvent à leurs fins.
La présence sur le tronc de rhizomorphes, ces redoutables cordons noirs typiques des armillaires, signifie que l’arbre est condamné.
3 questions à Francis Martin
Directeur du laboratoire d’excellence ARBRE à l’INRA de Nancy.
Les champignons parasites sont-ils toujours néfastes pour les forêts ?
A court terme, il est clair que l’effet d’un champignon comme le Chalara fraxinea, responsable de la maladie du flétrissement du frêne qui fait des ravages en Europe, ne peut être que négatif. Mais à long terme, les parasites jouent un rôle aussi important que les symbiotes et les décomposeurs. A l’image du loup qui s’attaque à un chamois blessé, l’armillaire par exemple cible les arbres sénescents, affaiblis ou inadaptés, tels que les monocultures plantées par l’homme.
Cet effet reste-t-il positif avec le réchauffement qui affaiblit davantage d’arbres ?
Les sécheresses successives encouragent les insectes ravageurs et les pathogènes fongiques. Ces maladies émergentes qui risquent de faire disparaître des forêts entières sont un vrai problème sociétal. Les champignons parasites vont s’en donner à cœur joie, de même que les décomposeurs. En revanche, les symbiotes vont souffrir, car lorsque des arbres disparaissent, tous leurs champignons associés meurent aussi.
Les symbiotes pourraient-ils sauver les arbres ?
Des tests, actuellement réalisés en Valais, montrent par exemple que le champignon Cenococcum résiste très bien à la sécheresse et protège les racines de l’arbre avec lequel il vit en symbiose, souvent un pin. Donc oui, ça peut aider.
En vidéo, Francis Martin vous explique que les armillaires et autres champignons sont indispensables à l’écosystème.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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