L’ascalaphe, un étrange insecte sous l’oeil du photographe Simon Bugnon
Ascalaphe, Diablotin, magicienne, ces noms ne vous disent rien ? Découvrez ces insectes des milieux chauds et secs immortalisés par le photographe Simon Bugnon.
Ascalaphe, Diablotin, magicienne, ces noms ne vous disent rien ? Découvrez ces insectes des milieux chauds et secs immortalisés par le photographe Simon Bugnon.
Situé en bordure orientale des Cévennes ardéchoises, le plateau des Gras est un vaste ensemble karstique entrecoupé de gorges. Ces étendues de pelouses sèches et de taillis épineux ont souvent une image austère pour les locaux. Façonnées par le pastoralisme et quadrillées de murets blancs, elles échappent aussi à l’afflux touristique. Elles regorgent pourtant d’une biodiversité insoupçonnée qui se dévoile à condition que l’on retrouve son âme d’enfant et que l’on y revienne à de nombreuses reprises.
Ce monde austère tout proche de chez moi n’a de cesse de m’attirer et de me fasciner. Dans une chaleur souvent écrasante, je ne me lasse pas de guetter un frémissement dans les herbes qui révèlerait la présence d’une créature fantastique, au nom évocateur. Il suffit de penser à la magicienne dentelée – une grande sauterelle prédatrice – ou au diablotin – la jeune empuse pennée, championne du camouflage.
Ici, le printemps fête sa venue dès février avec les premières orchidées, alors que l’on voit encore la neige sur les sommets cévenols. Puis, au gré des pluies et de quelques belles journées, ce désert verdit et les ruisseaux temporaires chantent dans les petits vallons. Insectes et plantes se hâtent d’accomplir leur cycle, pressés par l’inévitable sécheresse. Car, à peine tombée, l’eau s’infiltre rapidement dans les fissures des roches calcaires. Face à toutes les merveilles qui s’offrent à moi en cette période, je ne sais parfois plus où porter mon attention, chaque jour offrant son lot de fleurs nouvelles et de senteurs. De remarquables papillons méridionaux se rencontrent dès le mois d’avril, à l’instar de la diane et de la proserpine. En mai, la garrigue atteint son paroxysme de couleurs et de vie.
Avant le coucher du soleil, je recherche les secteurs herbeux abrités où se rassemblent les papillons pour passer la nuit. Ce soir, je découvre, accrochée à une herbe, une petite bête pour laquelle j’ai une affection particulière : l’ascalaphe soufré, un superbe insecte à la grâce du papillon et à l’agilité de la libellule. Farouche aux heures chaudes, il se laisse admirer lorsqu’il se pose pour la nuit, avec sa frimousse velue de peluche aux grands yeux et ses antennes démesurées.
La réalisation d’une photo esthétique d’insecte en lumière naturelle n’est pas une mince affaire. Il arrive que toutes les conditions s’alignent de façon inespérée. Comme dans cette image que j’obtiens en approchant l’ascalaphe à plat ventre alors qu’un des derniers rayons de soleil filtre à travers la végétation. Cerise sur le gâteau, une graminée proche de l’objectif détache sa silhouette en ajoutant du relief à cette scène grandiose.
Garrigue généreuse
Du provençal garriga, le terme garrigue se réfère aux terrains calcaires les plus chauds et arides de la région méditerranéenne. Les botanistes emploient ce mot pour définir la formation végétale basse typique de ces milieux parfumés de thym. Au printemps, ce paysage dominé par les genêts scorpions et d’autres arbustes épineux se couvre d’une incroyable robe colorée : cistes, orchidées, iris, tulipes sauvages et autres liliales enchantent le promeneur. Image miroir de cette richesse végétale, les petites bêtes s’épanouissent en nombre dans ce désert au cœur doux.
Charmant prédateur
On dirait des libellules ayant emprunté leurs ailes à des papillons. En réalité, les ascalaphes ne sont ni des odonates ni des lépidoptères, mais appartiennent aux nevroptères. Cet ordre d’insectes aux ailes richement nervurées regroupe également les fourmilions et les chrysopes. Comme ses cousins du même genre, l’ascalaphe soufré est un prédateur qui capture mouches et moucherons en plein vol à la manière des libellules. Cette espèce est largement répandue dans le sud de l’Europe et remonte au nord jusqu’au Jura ou à l’Alsace. Elle affectionne les zones herbeuses ouvertes à semi-ouvertes, les forêts claires et les pentes ensoleillées jusqu’à plus de 2 000 m d’altitude.
Simon Bugnon
Né dans les Alpes-de-Haute-Provence, Simon habite en Ardèche où il vit ses rêves en exerçant son métier de photographe auteur depuis 2008. Ses images d’ici et d’ailleurs racontent sa quête du réel.
Son dernier livre Ardèche - Symphonie de terres sèches (Septéditions, 2015) est un hommage à la garrigue.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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