Au pays des oiseaux galets
Entre Alpilles et Camargue, la steppe semi-aride de la Crau étend ses cailloux à perte de vue. Ce paysage unique en Europe abrite le plus énigmatique des oiseaux, le ganga cata.
Entre Alpilles et Camargue, la steppe semi-aride de la Crau étend ses cailloux à perte de vue. Ce paysage unique en Europe abrite le plus énigmatique des oiseaux, le ganga cata.
Imaginez un fleuve puissant, tout droit venu des Alpes. Nourri de pluies généreuses et de la fonte des neiges, il a arraché ses pierres à la montagne pendant cinq millions d’années. Dans sa course inéluctable vers la Méditerranée, il a façonné et roulé sans cesse les cailloux dérobés, jusqu’à les déposer dans un immense delta. Telle est l’histoire de la Durance, avant qu’elle ne dévie son cours pour devenir un affluent du Rhône il y a 18 000 ans.
Aujourd’hui, l’embouchure tarie de la Durènço provençale présente un tout autre visage. L’eau saumâtre fait place à un semi-désert, fossile géant de 60 000 hectares d’une platitude absolue. Bienvenue dans l’incomparable plaine de la Crau.
Paradis austère
Soyez prévenus, la première rencontre avec cet étrange paysage provoque des sensations confuses. D’abord, une impression de vide, de silence et d’horizon perdu. Puis, l’oreille perçoit un bruit de fond routier et l‘œil s’arrête, perplexe, sur les grandes cheminées d’une industrie pétrochimique. Faisant fi de cette pollution visuelle, le regard se pose au plus proche puis s’arrête sur quelques asphodèles aux fleurs blanches. Et là, la Crau vous séduit immanquablement.
Le souffle du vent, le parfum des aromatiques et la palette de couleurs saisissent les sens. Regardez les galets, il n’y en a pas deux identiques ! Ocre, jaune, rouge ou charbon, tous s’ornent de dentelles de lichens aux mille teintes. Dans ce dédale minéral, chaque interstice est investi par une pâquerette, un bouquet de thym ou un brin de brachypode rameux, la graminée typique du lieu. Cette flore délecte chaque printemps 100 000 brebis de la race Mérinos d’Arles.
Pour trouver meilleure pâture en été, les moutons transhument vers les Alpes et abandonnent la steppe, grillée par le soleil. « C’est ça le coussoul : un habitat unique, fruit d’une histoire géologique singulière, d’un climat aride et d’un pâturage ancestral », s’émerveille Axel Wolff, du Conservatoire des espaces naturels de Provence. Ici, les galets de la Durance soudés par un ciment calcaire forment le poudingue, une couche compacte qui empêche l’implantation d’arbres à l’exception de rares amandiers.
Steppe en danger
Située à deux pas de Marseille, la vaste plaine est dangereusement convoitée. Irrigation, industrialisation, urbanisation et vergers intensifs grignotent la Crau. « Aujourd’hui, il ne subsiste qu’un quart des quarante kilomètres carrés de coussouls originels », renseigne l’écologue. En plus des menaces classiques, celle des rave party illégales où déferlent des milliers de teufeurs, présente un nouveau péril. Déchets, dérangements, piétinement des habitats naturels, les conséquences de ces fêtes sont dramatiques pour un environnement fragile.
Espérée de longue date, la Réserve naturelle des coussouls de Crau a enfin vu le jour en octobre 2001. « L’espace protégé couvre 7411 ha d’habitats importants pour la faune et la flore », précise Axel Wolff, conservateur du site. Faucon crécerellette, alouette calandre, outarde canepetière, lézard ocellé ou encore criquet rhodanien, ces spécialités parfois endémiques attirent les naturalistes de toute l’Europe.
Plumes réservoirs
Le ganga cata intéresse particulièrement Axel Wolff. « En France, on ne le trouve qu’ici ! Sinon, il vit en Espagne ou en Afrique. » Entre la perdrix et le pigeon, cet oiseau évolue au sol et se dissimule parmi les galets. Adaptés aux conditions arides, les mâles possèdent des plumes qui retiennent l’humidité. Cette particularité leur permet, au retour de vols crépusculaires vers de précieux points d’eau, d’abreuver leurs poussins restés au nid.
Le ganga préserve ses mystères. A commencer par ses effectifs. « Il en reste quelque 400 en Crau. Leur population est totalement isolée et consanguine », déplore le scientifique. Autre source d’inquiétude, les oiseaux se reproduisent avec difficulté. « On note une raréfaction des jeunes. Ils naissent de plus en plus tard dans la saison, comme si les premières pontes échouaient systématiquement », s’alarme Axel Wolff. Les ornithologues trouveront-ils à temps les clés de la conservation du ganga ? Inféodé à la Crau qui se réduit comme peau de chagrin, ce symbole de la steppe semble en sursis.
Vous rêvez de voir cet oiseau incomparable ? Alors tentez votre chance le long du sentier de Peau de Meau, au cœur de la réserve naturelle. Une occasion unique de découvrir les trésors préservés de la Crau.
Les rares buissons sont convoités par les coucous-geais, rolliers, pies-grièches, pipits rousselines.
Parmi les nombreux faucons crécerelles, chercher le rare crécerellette ou un kobez migrateur.
Au sol, une végétation unique qui fourmille d’insectes. En l’air, peut-être un circaète ou un vautour percnoptère.
Une énorme alouette ? C’est la calandre.
Scruter le coussoul à la recherche des oiseaux des steppes : œdicnème criard et outarde canepetière.
Au crépuscule ou à l’aube, attendre l’envol des gangas depuis l’observatoire.
Le long du canal, admirer l’incroyable diversité des libellules et guetter la couleuvre vipérine.
Distance : 4,3 km
Dénivelé : 4 m de montée
Durée : 1h45
Variante :
Distance : 7,3 km
Dénivelé : 6m de montée
Durée : 3h
Votre itinéraire
- (1) Départ à pied du parking, muni de l’autorisation délivrée par l’Ecomusée de la Crau
- (2) Tourner à droite au niveau du panneau n°4.
- (2) Bergerie de Peau de Meau.
- (4) Aller et retour au panneau n°12 sur l’histoire romaine.
-
(5) Longer le canal jusqu’au parking.
Prolongement
- (6) Rejoindre la bergerie de l’Opéra après avoir quitté la piste principale 380 m après le
- (7) Après 1 km vers le nord-est, prendre la piste à droite.
- (8) Au canal, le longer vers le sud pendant 1650 m.
- (9) Au croisement d’un autre canal, prendre la piste vers le sud-ouest pendant 700 m.
- (10) Tourner à droite, direction nord-ouest, puis suivre la piste pendant 2350 m jusqu’au parking.
Accès en transports publics
En bus depuis Arles
En train
Matériel & règles d’or
- Autorisation nécessaire, délivrée à la maison de la Crau.
- Rester sur les pistes
- N’approcher ni les troupeaux, ni les chiens, ni la faune.
- Prévoir de l’eau en quantité et un chapeau.
- Les points de repère sont rares, se munir d’un plan et d’une boussole.
Manger & dormir
saintmartindecrau.fr/Restauration.html
saintmartindecrau.fr/Hebergement.html
Compléments week-end
A) Maison de la Crau Pour tout savoir sur la Crau et l’histoire de cette plaine provençale, la visite de l’écomusée est incontournable. La nouvelle scénographie est remarquable. C’est ici que vous obtiendrez une autorisation pour randonner dans la réserve.
saintmartindecrau.fr
B) Les Alpilles Oliveraies, pinèdes et collines rocailleuses, plongez au cœur de la Provence. Une balade autour du village d’Aureille et à la tour des Opies vous donnera un aperçu de la nature méditerranéenne des lieux : fauvettes, aigle de Bonelli, traquet oreillard…
C) Marais du Vigueirat Complétez votre visite de la Crau sèche par une immersion dans un concentré de Camargue. Deux mille espèces d’animaux et de plantes à découvrir au sein d’une prestigieuse réserve naturelle.
D) Arles Arènes, théâtre antique, ville de cœur de Van Gogh, marchés, rencontres internationales de la photographie (en été)… le charme de la capitale de la Camargue n’est plus à démontrer.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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