© Yvon Toupin

Puffins sans frontières

Menacé d'extinction, le puffin des Baléares voyage toujours plus loin pour survivre, jusqu'en Bretagne. Les secours s'organisent à l'international.

Menacé d'extinction, le puffin des Baléares voyage toujours plus loin pour survivre, jusqu'en Bretagne. Les secours s'organisent à l'international.

Seuls les marins ont le privilège de les côtoyer dans leur errance. Pour les naturalistes continentaux, accéder à leur univers n’est possible qu’en guettant le large, face aux embruns. Leur monde, c’est l'océan, le bleu, le vent. Mais à l'image de l'Albatros du poète, les oiseaux de mer sont vulnérables. Et le puffin des Baléares est l'un des plus menacés. On redoute carrément l'extinction. La chute des populations – il resterait moins de 20'000 individus dans le monde – dépasserait 7% par année !

Surpêche, introductions malheureuses de prédateurs dans les colonies de reproduction, captures accidentelles et marées noires fragilisent cette faune pélagique. Dans le cadre d’une coopération internationale pour le Futur de l'Environnement Marin Atlantique (FAME), scientifiques et ornithologues français se portent depuis 2010 au chevet de cette espèce endémique de l'archipel espagnol dont il porte le nom. Déjà menacé sur ses îles natales, l'oiseau est aujourd'hui déboussolé dans sa migration internuptiale. Entre Ibiza et Ouessant, la mer est drôlement agitée pour lui.

Compter pour mieux protéger

Le puffin des Baléares ne se reproduit que dans l'archipel hispanique, où 3200 couples profitent des cavités de quelques falaises ou îlots préservés. Pour nourrir leur unique jeune, les adultes partent très loin en quête de bancs d'anchois ou de sardines. « On a découvert tout récemment grâce au suivi par satellite qu'ils vont jusque sur les côtes algériennes », note Henri Weimerskirch, chercheur au CNRS de Chizé, dans les Deux-Sèvres. Dès la fin de l’été, les puffins changent de cap et gagnent les côtes atlantiques du golfe de Gascogne, à plus de 2000 km de leurs colonies. Ils y sont très surveillés.

« Des dizaines d’ornithologues observent et dénombrent les puffins le long de la côte atlantique. Cette opération est effectuée au Portugal, en Espagne, en France, au Royaume-Uni et en Irlande, au moins une fois par mois, de façon simultanée » , explique Amélie Boué, coordinatrice française du programme FAME à la LPO. Objectif ? « Définir les zones favorisées par l’espèce, les périodes de stationnement, les échanges entre sites afin d’identifier au mieux les aires marines à protéger. »

« Des dizaines d'ornithoogues observent et dénombrent les puffins le long de la côte atlantique. » / © Julien Gonin

Suis-moi, je te fuis

Un curieux phénomène interroge aujourd'hui les ornithologues : le puffin des Baléares colonise l'Atlantique Nord et stationne en nombre en été et en automne le long des côtes. « Plus de 4000 individus ont été vus en juillet 2010 en baie de Lannion, en Bretagne. C'est une part importante de l'effectif mondial », relève Amélie Boué.
Le glissement progressif des oiseaux vers le nord après la nidification déplace les enjeux et les questions. Ils remontaient autrefois jusqu'en Aquitaine et en Vendée, ils vont aujourd’hui jusqu'en Bretagne et même jusqu'en Irlande ! Le changement climatique est pointé du doigt. Il modifie la répartition et l’abondance du plancton, et donc des sardines et anchois recherchés par les puffins.

Pour confirmer cette hypothèse et protéger l’oiseau, « les dénombrements côtiers ne suffisent pas », prévient la coordinatrice de la LPO. « Il faudra croiser ces informations avec celles sur les ressources halieutiques et sur l'écosystème marin. » Les nouvelles technologies de suivi par satellite, de même qu’une collaboration étroite avec le monde de la pêche sont autant d’appuis essentiels pour la mission d'Amélie Boué. En s'égarant au-delà de leurs latitudes pour s'adapter aux mutations de l'océan, ces oiseaux menacés nous renvoient la réalité d’une nature mondialisée dont la préservation ne peut être que coopérative et réactive.

Pose d'un géolocalisateur solaire sur la patte. / © Henri Weimerskirch / CNRS-CEBC

Puces solaires

Des scientifiques français et espagnols utilisent les technologies de pointe pour suivre les puffins des Baléares. Des balises satellite solaires de quelques grammes, posées sur les plumes du dos, avaient déjà permis d’identifier des zones d’alimentation importantes sur les côtes du Maghreb pendant la période de reproduction. Trois oiseaux ont été équipés en septembre dernier dans le Morbihan (sud Bretagne).
Les chercheurs ont par ailleurs posé des géolocalisateurs sur une trentaine d'autres individus aux Baléares. Ces sortes de puces solaires très légères permettent de retracer les déplacements des puffins après recapture. D'après Henri Weimerskirch, des zones importantes d’hivernage à protéger ont déjà pu être identifiées au large du Portugal et confirmées en Bretagne.

Sillage à risque

A l'instar des goélands et des fous de Bassan, les puffins profitent des activités de pêche en suivant les bateaux pour récolter les déchets de poissons. Comme beaucoup d’oiseaux et de mammifères marins, ils sont hélas victimes de captures accidentelles parfois importantes dans les filets. Pour Amélie Boué, ce problème international majeur est méconnu dans les eaux atlantiques françaises. Cela a incité les ornithologues à se rapprocher du monde de la pêche professionnelle et récréative. Sensibilisés, les pêcheurs renseignent aujourd'hui les organisations ornithologiques sur leurs activités et la nature de leurs interactions avec les oiseaux de mer. Ils sont également formés à effectuer les bons gestes en cas de capture accidentelle.

Couverture de La Salamandre n°213

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 213  Décembre 2012 - Janvier 2013
Catégorie

Sciences

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