Avec l’autour des palombes
Perché dans la canopée, Eric Médard attend l’autour des palombes. Le rapace spectaculaire finira-t-il par se percher sur la bonne branche ?
Perché dans la canopée, Eric Médard attend l’autour des palombes. Le rapace spectaculaire finira-t-il par se percher sur la bonne branche ?
Depuis plus de trente ans, je photographie l’épervier dans les forêts près de chez moi. Mais son grand cousin l’autour des palombes, c’est une tout autre histoire. Ce prédateur d’oiseaux vit dans la discrétion la plus totale. Il n’habite qu’au fin fond des bois les plus denses. C’est un sujet difficile, presque insaisissable. Malgré de nombreux repérages aux alentours des quelques aires que je connais, jamais encore je n’avais trouvé un couple aux habitudes suffisamment régulières pour espérer une photographie… Jusqu’à l’an dernier.
Mi-avril, le printemps chante de partout. Ce soir, je vais contrôler un nid que je n’ai plus visité depuis quelques années. Alors que le soleil baisse, je me glisse discrètement sous ma toile recouverte de branchages, à une cinquantaine de mètres du nid. Face à moi, quelques grosses branches tordues qui pourraient servir de perchoir pour les autours. Tels des doigts noirs squelettiques, les ombres des arbres s’allongent dans le sous-bois. J’attends.
Alors que je suis perdu dans mes pensées, un petit miracle me ramène en forêt. Un oiseau de la taille d’une buse atterrit discrètement sur l’aire, une petite branche au bec. Poitrine barrée, manteau ardoise et surtout un œil jaune inoubliable surmonté d’un sourcil blanc sale. C’est madame autour des palombes, la future maman.
Quinze minutes plus tard, un unique cri puissant retentit dans les bois, paralysant ses habitants. Moi y compris ! L’autour mâle vient de se percher sur la grosse branche d’un chêne tordu, malheureusement invisible depuis ma cachette. Les grives se taisent, la sittelle se fige et même le pic noir, si bavard quelques instants auparavant, semble vouloir se faire oublier.
Aussitôt, la femelle décolle du nid et rejoint son partenaire. Leurs vocalises sont indéchiffrables, mais je devine qu‘elle s’empare d’une proie que le mâle lui a amenée. Des plumes volent en tous sens et tournoient jusqu’au sol. Quel privilège que de pouvoir partager ce moment intime sans être repéré par leurs yeux perçants. Ce soir, j’attends la nuit pour sortir de ma planque.
Quelques jours plus tard, après plus de 30 heures d’affût au sol pour comprendre les habitudes du couple, j’installe une cage métallique camouflée à une dizaine de mètres de hauteur. Parfaitement dissimulée, la structure est immédiatement acceptée par le couple de rapaces. Les semaines qui suivent, je passe plus de 150 heures dans cet abri perché à hauteur du rapace. Au final, ils ne viendront qu’à cinq reprises et seulement pendant quelques dizaines de secondes au perchoir sur lequel je les attends. Juste assez pour réussir quelques clichés.
Le 28 juin, l’envol d’un jeune autour depuis l’aire marque la fin de ces attentes interminables. Et me donne déjà envie de remettre cela l’année prochaine.
Photographier c’est respecter
En période de nidification, les rapaces sont extrêmement sensibles au dérangement. Les prises de vue à proximité du nid sont à proscrire car elles risquent de provoquer l’abandon de la couvée. C’est pourquoi Eric Médard a installé son affût plutôt près du lardoir, un perchoir où les autours viennent dépecer leurs proies. Pour être certain de ne pas être repéré au moment de bouger l’objectif, il a équipé son abri suspendu d’une vitre sans tain. Ses arrivées et départs à l’affût suspendu ont tous eu lieu de nuit.
Appétit sans mesure
L’autour des palombes est un chasseur redoutable. Ses ailes courtes et larges et sa longue queue lui permettent de zigzaguer entre arbres et buissons pour capturer à peu près n’importe quel oiseau. Troglodyte, grives, pics, pigeons ou même des rapaces plus grands que lui, tels le milan noir ou la buse variable, figurent parmi ses proies potentielles. En temps de disette, ou quand l’appétit le pousse vers les villages, il peut occasionnellement devenir un voleur de poules.
Eric Médard
Instituteur reconverti en photographe naturaliste, Eric Médard est né en Sarthe en 1968. Rendu célèbre par ses clichés d’animaux nocturnes en infrarouge, publiés dans notre ouvrage Passeurs de lunes, il livre ici un témoignage inédit sur un oiseau de proie remarquable.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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