Les bébés plantes, ces aventuriers de l’extrême
Vie en orbite, ascensions vertigineuses, épreuve du feu ou expédition océanique, les graines sont des championnes insoupçonnées. Florilège.
Vie en orbite, ascensions vertigineuses, épreuve du feu ou expédition océanique, les graines sont des championnes insoupçonnées. Florilège.
Championnes de longévité
Certains bébés plantes défient la mort. Des noyaux de dattes vieux de 2 000 ans ont été découverts dans les ruines de la forteresse de Massada en Israël. On les croyait morts, et pourtant l’un d’eux a germé. Baptisé Mathusalem, c’est aujourd’hui un joli palmier dattier de 3 m. Encore plus fou : de minuscules graines de Silene stenophylla vieilles de 32 000 ans ont été découvertes en Sibérie dans un terrier gelé d’écureuil préhistorique, à 38 m de profondeur. Endommagées, elles ont néanmoins gardé des tissus viables. Cultivés in vitro, ils ont engendré des plantes entières qui ont produit à leur tour une descendance ! Le permafrost est une banque de graines multimillénaires, où des espèces aujourd’hui éteintes pourraient être retrouvées et ressuscitées...
Survivante de l’apocalypse
L’air de rien, le lin est un warrior. Avril 1986, la centrale nucléaire de Tchernobyl explose, laissant échapper un dangereux nuage
radioactif. Sur les décombres contaminés, la verdure reprend vite et se reproduit comme une fleur. Une équipe slovaque et ukrainienne dirigée par Martin Hajduch a voulu comprendre le phénomène. Des graines de lin et de soja plantées non loin de l’épicentre de la catastrophe ont été collectées sur plusieurs générations et comparées à des témoins. Résultat : si les isotopes radioactifs sont presque entièrement absorbés par la plante, ils atteignent peu les graines. Celles-ci mobilisent notamment des protéines dans leur métabolisme qui les protègent des dommages de la radiation.
Alpiniste des 6 000
Le record de la plus longue distance par les airs ? Impossible de le savoir, mais voici un avant-goût de quelques exploits. Un avion radiocommandé équipé de pièges collants a recensé des aigrettes de vergerette du Canada à plus de 120 m de haut, portées jusque-là par des courants ascendants. À cette altitude, le vent les pousse probablement sur des centaines de kilomètres. Et en distance verticale ? Des graines non identifiées ont été découvertes dans des anfractuosités rocheuses de l’Himalaya à 6 700 m d’altitude. Ces malheureuses n’ont pas survécu, mais elles ont constitué la base d’une minuscule chaîne alimentaire : colonisées par des champignons, eux-mêmes mangés par des collemboles, ces derniers prédatés par des araignées.
Exploratrices reconnaissantes
La plupart des 26 000 espèces d’orchidées sauvages relarguent par millions des semences parmi les plus petites au monde. Enveloppés par une seule épaisseur de cellules, les embryons sont sous-développés, dénués de vivres et d’attirail chimique. Si ces aventuriers courageux ont la chance d’atterrir sur un terrain qui héberge LE champignon symbiotique de leur vie, ils se laissent coloniser. Alors ils germent en un petit tubercule, le protocorme, qui sera nourri par le champignon. Après plusieurs mois ou années, il se développe en plantule. Alors, les rôles s’inversent : c’est à son tour de nourrir le champignon partenaire.
Le saviez-vous ?
- 0,3 microgramme : Graine la plus légère, orchidées du genre Anguloa (Amérique du Sud)
- 20 kg : Graine la plus lourde, le coco-fesse (Lodoicea maldivica, Seychelles)
Skipper ultra-longue distance
L’appel du large est fort pour Entada gigas. L’histoire de cette graine surnommée cœur de la mer commence dans les forêts tropicales d’Amérique centrale. Un arbre cousin du mimosa développe des gousses géantes pouvant atteindre 2 m de long. Elles se délitent en loges à maturité, chacune contenant une graine de 4 à 6 cm de diamètre. Ce gros bébé est emporté par les pluies et cours d’eau, parfois jusqu’à l’océan. Tolérant plusieurs années l’eau saline, ce flotteur rempli d’air dérive au gré des courants marins… parfois jusqu’aux côtes européennes en empruntant le Gulf Stream. Pas de bol, la destination n’est pas propice à son implantation.
Astronautes entraînées
Un petit germe pour la plante, une grande poussée pour la folie humaine. En 1946, quinze ans avant le premier humain, des grains de maïs sont envoyés dans l’espace à bord de fusées et retournent vivants sur Terre. En 1966, les premières graines germent dans un vaisseau spatial : laitues, choux et haricots. Puis, en 1982, c’est une arabette qui fleurit et monte en graines. Depuis, les recherches se multiplient pour cultiver des légumes et céréales dans l’espace. Eh oui, le bien-être et la santé des astronautes sont indissociables d’une bonne compagnie verdoyante. À bord de la Station spatiale internationale, la NASA fait du maraîchage en conditions contrôlées. Elle cherche à savoir si les graines résistent assez longtemps aux radiations cosmiques pour rester viables lors d’un voyage Terre-Mars de plusieurs années.
Cascadeuses de feu
Pyromanes ? Non, pyrophytes ! Tel est le nom donné aux plantes capables de résister aux incendies, voire d’en tirer parti. Parmi ces dures à cuire, le pin d’Alep, certains cyprès ou le séquoia géant possèdent des cônes scellés qui s’ouvrent sous l’effet de la chaleur et libèrent leurs graines. En général, le soulèvement des écailles est provoqué par la fonte de la résine qui faisait office de colle. La germination de certaines graines d’espèces méditerranéennes, comme les cistes, est stimulée par des chaleurs extrêmes, dont le choc thermique fait craqueler les téguments, ou par une exposition à de la fumée. Une telle folie offre aux jeunes pousses un sol enrichi par les cendres et nettoyé de toute concurrence.
Aviatrice sous pression
Méditerranéenne de tempérament fonceur, la graine du concombre du diable grandit à l’intérieur d’un fruit où règne une pression de 6 bars, l’équivalent d’une bouteille de champagne scellée ou trois fois celle d’un pneu de voiture. Il suffit d’effleurer ce concombre miniature pour qu’il se détache de son pédoncule et se propulse telle une fusée crachant un puissant jet mucilagineux. L’explosion projette les semences jusqu’à 12 m de distance, parfois à une vitesse ahurissante de 95 km/h.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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