L’avocat des ailes de la nuit
Photographe, cinéaste et naturaliste passionné, Tanguy Stoecklé sillonne la Provence pour réconcilier hommes et chauves-souris.
Photographe, cinéaste et naturaliste passionné, Tanguy Stoecklé sillonne la Provence pour réconcilier hommes et chauves-souris.
Suspendus tête en bas, les petits rhinolophes s’agitent un peu. L’un d'entre eux étire ses ailes, décrit quelques allers-retours puis s’accroche plus loin au plafond bétonné d’un local du domaine de la Lave, au cœur du Lubéron.
Caméra thermique à la main, Tanguy Stoecklé, naturaliste du Groupe Chiroptères de Provence, vérifie les conditions du gîte. 27°C, c’est parfait ! Le soleil glisse un rayon par le trou créé dans la porte pour le passage des mammifères volants. Dans l’ombre, le visage rond et chaleureux de Chantal, la propriétaire des lieux, est attentif. « Combien y en a-t-il cette année ? » questionne-t-elle. « Quinze avec les petits, autant que l'an passé. » Chantal est rassurée. Jusque-là elle était inquiète, il lui semblait en avoir vu moins.
Le déclin des rhinolophes
Les yeux clairs de Tanguy s’animent eux aussi. Tombé amoureux des chiroptères à 20 ans lors d’un tournage avec le cinéaste animalier Laurent Charbonnier, ce photographe de formation tente de faire connaître ces animaux souvent craints ou persécutés, et ainsi de les protéger. Le petit rhinolophe fait partie des espèces cavernicoles qui peuvent s’installer dans les bâtiments. Présent jusqu'en Irlande et au sud de la Pologne, il devient de plus en plus rare dans la moitié nord du continent.
Entre des ruines peu favorables et des rénovations trop hermétiques, la crise du logement frappe durement. « Dans le Parc naturel régional du Lubéron, nous avons observé une baisse de 10 à 19% de leur population en cinq ans » , explique Tanguy. D'où la nécessité de sensibiliser la population avec laquelle cet animal est susceptible de cohabiter. Un travail de fourmi qui fort heureusement porte ses fruits.
A quelques pas de là habitent Daniel et Marie-Thérèse. Depuis que ces deux retraités ont appris la présence de petits rhinolophes dans leur propriété, ils font eux aussi très attention. Un visage de bon vivant, encore adouci par une belle barbe blanche, Daniel explique humblement : « On sait qu’il ne faut pas trop les déranger, alors on leur a laissé le pigeonnier. »
Tête la première dans l’ouverture entourée de lierre, Tanguy vérifie l’état de la colonie. Cette fois, il y a vingt individus, dont sept jeunes. Les chauves-souris s'épanouissent... et Tanguy se félicite de voir la curiosité et la bienveillance que suscitent ses protégées.
Sauvages, mais acceptés
Pour le chiroptérologue, ces visites de contrôle et de sensibilisation sont le point d’orgue de son métier. « Quand les gens s’approprient les colonies et les protègent, c’est gagné. Je n’ai plus qu’à me retirer. » Les exemples de Daniel et Marie-Thérèse, ou de Chantal et son mari Albert, le motivent à multiplier ses tournées.
Avec le temps, il peut souvent compter sur la participation active des propriétaires. Ainsi Chantal, passionnée jusqu’au fond des yeux, vérifie les arrivées des individus, les compte et envoie ses observations par e-mail ou par téléphone.
Au fil des rencontres se tisse une véritable complicité autour de ces petites bêtes.
Parfois, Tanguy suggère des aménagements. En riant, Albert râle : « Ma vigne vierge y est passée. Pourtant, elle était située plein ouest, et n’empêchait donc pas les pierres d’être chauffées par le soleil… » Et Tanguy de répondre doucement: « Oui, mais nous avons remarqué que les chauves-souris apprécient la chaleur du soleil couchant d’ouest. » Accroché sous une poutre, un rhinolophe tourne doucement sur lui-même en dormant. Sa vie tient à peu de chose. A la bienveillante attention des hommes qui préservent son milieu de vie... tout en gardant une juste distance avec cet animal sauvage.
Tanguy Stoecklé
- 1972 Naissance à Nantes.
- 1990 Entrée à l’école de photographie de Tours.
- 1995 Cofonde le Groupe Chiroptères de Provence.
- 1999 Lauréat de la Fondation Marcel Bleustein-Blanchet.
- 2004 Reportage L’or des chauves-souris publié par GEO.
- 2007 Film Au rythme des chauves-souris primé au Festival international du film ornithologique de Ménigoute.
- 2010 Lauréat du concours Wildlife Photographer of the Year.
Des clés pour agir
Contacter le réseau
Si vous découvrez une colonie chez vous, contactez le groupe chiroptères le plus proche de vous. Les correspondants locaux en Suisse se trouvent sur le site du CCO et en France sur ce réseau d'aide. Ces institutions font référence dans chacun des deux pays. Elles peuvent vous conseiller en cas de rénovation d'un bâtiment.
Autres renseignements pratiques très complets à cette adresse.
Favoriser leur venue
Des aménagements simples sont réalisables dans vos greniers, caves ou bâtiments inhabités. Réduire les lumières trop fortes, créer des ouvertures en hauteur et assez larges, protéger des prédateurs, installer des nichoirs, isoler du froid. Des exemples concrets sur le site du Muséum de Bourges ou sur celui du Groupe Chiroptères de Provence.
Pour construire un nichoir, plans et explications ici ou ici.
En France, depuis 2006, l’opération « Refuges pour les chauves-souris » propose à des particuliers de s'engager par une convention pour améliorer la conservation d’espaces pour les chauves-souris.
Plus d'infos
- www.tanguystoeckle.fr
- Le film Au rythme des chauves-souris, T. Stœcklé, visible en intégralité sur le site de l'auteur et à commander en lui écrivant un e-mail.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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