La bête revenue à la lumière
Du fond des grottes jusqu’aux sommets enneigés, homme et bouquetin lient leur destin depuis des millénaires. En route pour l’Ariège, sur les traces du caprin sauvage.
Du fond des grottes jusqu’aux sommets enneigés, homme et bouquetin lient leur destin depuis des millénaires. En route pour l’Ariège, sur les traces du caprin sauvage.
Quand le faisceau jaune de la lampe révèle enfin la silhouette peinte du bouquetin sur le mur ocre de la grotte, impossible de contenir son émotion. Quelques « ouah » se perdent en écho dans les hauteurs de la voûte. Après les frissons, l’esprit s’égare pour un voyage dans le temps. Direction le paléolithique supérieur, il y a 13 000 ans.
L’artiste inspiré par l’animal
A cette époque reculée, la grotte de Niaux n’est pas habitée. Sans doute y entre-t-on uniquement pour des cérémonies et pour y peindre sur les parois. Dans la vallée de l’Ariège, à 700 mètres d’altitude, le climat de l’époque magdalénienne est froid et le paysage dénudé. En plaine, bisons, aurochs, rennes et autres chevaux peuplent les prairies. Peut-être reste-t-il quelques mammouths malgré le réchauffement progressif des températures ? En montagne, l’ours et le bouquetin des Pyrénées sont omniprésents.
Les hommes qui habitent cette région sont des chasseurs-cueilleurs vêtus de peaux de bêtes. Certains sont chamanes, d’autres artistes. Ils invoquent les esprits de la nature pour que la chasse soit bonne. Les murs de la grotte de Niaux n’abritent aucune représentation de grand prédateur. Le bison domine la galerie d’art rupestre et le cerf n’y apparaît qu’une seule fois. On y voit même une belette, fait rare dans l’art pariétal. Et surtout, quinze bouquetins.
Eclairé par sa torche, un artiste magdalénien a immortalisé son souvenir naturaliste dans une pièce appelée le salon noir. Avec du charbon de bois ou du dioxyde de manganèse pour le noir, du broyat d’hématite riche en fer pour le rouge, la palette du peintre préhistorique était pauvre. Mais treize millénaires plus tard, son œuvre est toujours là qui nous raconte la rude cohabitation entre l’homme et l’animal dans la montagne pyrénéenne.
La chasse ultime
Quittons les cavernes pour le XXe siècle. En 1910, les deux derniers bouquetins vivant sur le versant français de la chaîne sont tués près de Cauterets, dans les Hautes-Pyrénées. Le 6 janvier 2000, la mort d’une femelle à Ordesa, côté espagnol, signe la fin du bouquetin ibérique de souche pyrénéenne. Après pas moins de 80 000 ans de cohabitation, l’éternel gibier a fini par succomber à la traque déraisonnée de l’éternel chasseur. Avec le temps, le fusil a remplacé la lance, le trophée la peinture rupestre.
28 décembre 2016, la dernière glaciation est bien loin et la neige fait même totalement défaut sur les rives du petit étang de Lers, lové à 1275 mètres d’altitude au cœur de l’Ariège. Les pâturages ocre, ponctués de houx innombrables, s’étendent à perte de vue sous le ciel bleu. Tel un mirage, une silhouette robuste se détache sur la crête nord du mont Béas. « Ils sont là », annonce fièrement Jordi Estèbe, antenne satellite à la main. Le jeune biologiste du Parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises est catégorique : « La femelle que l’on voit ici est âgée de 9 ans. Elle est venue se cantonner récemment sur ce site, entraînant avec elle six autres animaux, dont un mâle de 8 ans. »
Mais alors, les bouquetins seraient-ils de retour ?
Revoilà les Capra
L’idée de la réintroduction du bouquetin dans les Pyrénées françaises remonte aux années 1970. « Comme la forme originelle était éteinte, les initiateurs du projet ont porté leur intérêt sur deux variétés proches, toujours existantes dans le cœur de l’Espagne : Capra pyrenaica hispanica et Capra pyrenaica victoriae », précise Jordi Estèbe. C’est la seconde variété qui est choisie pour reconstituer un noyau de population. Des animaux sont prélevés dans le Parque Nacional de la Sierra de Guadarrama, à 30 kilomètres de Madrid.
Depuis 2014, 91 bouquetins ont posé leurs sabots pionniers en Ariège et 84 autres dans le département des Hautes-Pyrénées. Tous sont marqués ou équipés de balises pour suivre leurs déplacements et leur acclimatation. « On a compté trois naissances en 2015, vingt en 2016, dont huit en Ariège », se réjouit le biologiste. Un succès qui s’est confirmé depuis, puisque au moins 33 nouveaux bébés ont vu le jour en 2017. Alors qu’un isard déambule à son tour à flanc de montagne, partons en balade sans plus tarder.
Guetter l’aigle royal, le gypaète barbu et le vautour fauve qui longent les pentes.
Admirer les centaines de houx ornés de leurs fruits rouges.
Chercher les bouquetins et les isards sur les crêtes du Mont Béas.
Observer les affleurements verdâtres de lherzolite. Cette roche du manteau terrestre est rarissime en surface.
Distance : 4,5 km
Dénivelé : 180 m de montée
Durée : 1h30
Variante:
Distance : 7,8 km
Dénivelé : 440 m de montée
Durée : 3h00
Votre itinéraire
- (1) Départ près du café-restaurant.
- (2) Traverser la route et descendre vers le Gour de Liède. Continuer dans les alpages.
- (3) Traverser le Courtal de l’Homme Mort et remonter vers la route après le passage du ruisseau.
- (4) Pont de Lamarda et ses dalles rocheuses.
- (4a) Prendre le sentier de droite vers l’étang de Lers. Sillonner entre houx et genévriers. Remonter la route en coupant les virages et en suivant les balises sur la gauche.
Variante:
- (4b) Prendre à gauche vers le Port de Lers. Suivre les balises à gauche après avoir traversé un ruisseau et remonter vers le Courtal de la Plagnole.
- (5) Après une petite pente, le sentier rejoint deux tracés plus marqués qui descendent légèrement. Traverser le ruisseau et gravir la dernière pente complètement à gauche.
- (6) Arriver au Port de Lers (1520 m), traverser la route et redescendre en face en suivant les balises au-dessus de la route.
- (7) Après avoir suivi la route, remonter vers le Courtal de Lers (cabane). Le sentier suit et coupe alternativement la route jusqu’au parking de départ.
Accès en transports publics
Matériel & règles d’or
- Attention aux orages.
- Ne pas approcher la faune.
- Respecter les troupeaux.
Manger & dormir
Compléments week-end
A) Saint-Lizier
Au pied des montagnes du Couserans, Saint-Lizier est une cité de l’Ariège chargée d’histoire. De nombreux monuments témoignent de ce riche passé.
B) Foix
Située au cœur de l’Ariège, aux portes de Toulouse, du Pays Cathare et de l’Andorre, la ville est dotée de richesses patrimoniales majeures : le Château de Foix, la ville médiévale, les Forges de Pyrène, le village inoublié, la rivière souterraine de Labouiche…
C) Grotte de Niaux
Une des plus belles grottes ornées ouvertes au public dans le monde. A l’aide d’une lampe torche, suivez le parcours souterrain qui vous mènera jusqu’au salon noir et ses trésors.
D) Pic des Trois Seigneurs
Magnifique panorama sur les Pyrénées. Situé à 2200 m d’altitude, ce lieu de randonnée est facile d’accès.
E) Château de Montségur
Au sein d’une nature sauvage et préservée, voici un lieu à l’histoire riche et émouvante.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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