Zoom avant sur le Bec d’Allier
L’hiver métamorphose les fleuves et les rivières. Rendez-vous à la confluence de la Loire et de l’Allier, où rien n’est plus comme en été.
L’hiver métamorphose les fleuves et les rivières. Rendez-vous à la confluence de la Loire et de l’Allier, où rien n’est plus comme en été.
Vu du ciel grâce à Google Earth, le Bec d’Allier fascine. Sa sauvagerie crève l’écran. Nevers, chef-lieu de la Nièvre, est pourtant à deux pas et les cultures intensives dessinent un puzzle compliqué en toile de fond. Mais l’eau a le dessus. La rencontre de L’Allier et de la Loire forme ici un gigantesque Y dont la jambe s’effiloche en îles et sables mouvants. L’eau verte serpente entre des langues de cailloux blancs, creuse mille chemins, adoucit les angles et remodèle les courbes. Inlassablement.
Zoom avant et je survole les plages où nichent les gravelots, devine les berges que creusent les guêpiers, et me perd dans le dédale de la forêt alluviale.
Calme et puissance
Aujourd’hui, place au réel. Je suis là au bord de la Loire et n’y comprends plus rien. En hiver, la géographie du fleuve est d’une simplicité effarante. Les plages ont disparu. Des îlots ne dépasse qu’une maigre chevelure de branches ou d’herbes molles. La rivière est une immense masse mouvante, puissante et apaisante. Du sol remonte une odeur de vase qui colle aux chausses et aux narines. Les guêpiers sont encore en Afrique, mais d’autres cris me font lever les yeux: des grues cendrées s’interpellent de leur voix rauque, en tournant lentement dans les ascendances. Je donnerais cher pour être là-haut avec elles, bercée par le bruit du vent dans leurs ailes soyeuses.
Forêt liquide
Rive gauche, la levée de la Loire dresse un rempart entre nature et civilisation. Et ouvre un chemin facile. Une forêt inondée me sépare du fleuve. Les frênes et les acacias chargés de lichens jaunes se mirent avec aplomb dans le sous-bois liquide. Le pic noir se manifeste. Quelques mésanges à longue queue décoiffent les clématites. Je n’y tiens plus et me fraie un passage par les souches et les buttes pour rejoindre la Loire. Un trésor m’y attend, échoué sur le limon : une longue branche claire et luisante au soleil. Le castor l’a sans doute écorcée cette nuit. On y voit encore les marques de son appétit. En rentrant, je l’ai posée à côté de mon clavier, et j'ai refermé Google Earth. Je n'en avais plus besoin pour me trouver connectée au Bec d'Allier.
Des grues sur Mars
Depuis une dizaine d’années, le village de Mars-sur-Allier se couche et se réveille en hiver aux trompettes des grues cendrées. Située à une douzaine de kilomètres du Bec d’Allier, cette petite commune de la Nièvre est devenue une escale et un lieu d’hivernage privilégié pour ces grands échassiers. De novembre à mars, quelque 600 à 1000 grues se rassemblent chaque soir de part et d’autre de la rivière. Au petit matin, elles se déploient dans les pâturages, les champs et les bocages alentour, où elles se nourrissent de tubercules, racines, graines, jeunes pousses ou vers de terre.
Au printemps, les grues cendrées repartent vers les marécages boisés du nord de l’Europe, où elles se reproduisent. Elles cèdent alors la place à une quarantaine de cigognes qui apprécient également la tranquillité du Val d’Allier.
Eclairage par Christophe Page
Christophe Page est un enfant du pays. Né à Nevers, il rôde au bord de la Loire depuis qu’il sait marcher et s’en est épris une canne à pêche à la main. Guide naturaliste professionnel, il transmet sa passion depuis dix ans aux écoliers et aux touristes qui s’attardent dans la région. Dès la belle saison, il les emmène pêcher à trousse-culotte, pister les castors, observer les guêpiers et bivouaquer au chant de la chouette sur les plages du fleuve sauvage.
A) Le sentier du Passeur « Aménagé par le WWF et le Conseil général de la Nièvre, ce sentier longe l’Allier jusqu’à sa confluence avec la Loire. Il aboutit à un observatoire d’où l’on peut découvrir la forêt alluviale et, en été, les oiseaux caractéristiques des bancs de gravier, comme les sternes et les gravelots. Onze bornes pédagogiques jalonnent le parcours. Il faut compter 1 h 30 aller-retour. » nievre-tourisme.com
B) Le village du Bec d’Allier « C’est un village typique des bords de Loire avec un port de débarquement et des maisons de mariniers. On peut encore y voir des anneaux d’amarrage, des ancres et des marques de crues, comme autant de témoins du passé du fleuve. »
C) Le sentier des Cigognes « Mars-sur-Allier n'attire pas seulement les grues cendrées hivernantes. En été, des dizaines de cigognes nichent dans les parages et se laissent observer le long du sentier des Cigognes, une boucle de 3 km qui débute à proximité de l’église romane Saint-Julien. Au passage, ne manquez pas d'admirer les fantastiques décors sculptés de cet édifice du XIIe siècle. »
D) Le village d’Apremont-sur-Allier « Situé au bord de l’Allier, Apremont possède de magnifiques demeures moyenâgeuses. Il est d'ailleurs classé parmi les plus beaux villages de France. J’aime particulièrement m’y rendre en hiver, car il y a peu de monde en cette saison. L’ambiance y est paisible et sympathique. »
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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