Les mousses sous la loupe
Et si nous mettions le nez dans les mousses, ces végétaux qui ne craignent pas la fraîche saison ? Cap sur le Bugey, la pointe méridionale du massif du Jura.
Et si nous mettions le nez dans les mousses, ces végétaux qui ne craignent pas la fraîche saison ? Cap sur le Bugey, la pointe méridionale du massif du Jura.
Dans la cluse de Préau, au cœur du massif du Bugey, la forêt prend des allures étranges. Dès la lisière, la végétation tisse un décor de conte de fées. « Il était une fois au fond d’un bois... » et notre imaginaire fait le reste. On se surprend à voir des barbes de sorcier, des guirlandes de Noël, d’abominables hommes des bois et même des concombres de mer.
Notre guide Thomas Legland, bryologue au Conservatoire botanique national alpin, nous tire doucement de nos rêveries. Il connaît mieux que quiconque les êtres qui confèrent son charme merveilleux à cette forêt et accepte de nous les présenter. Bienvenue dans le monde des mousses.
Derrière le voile
Tout au long du chemin, ces végétaux pionniers sont très abondants. Thomas Legland nous explique leur développement : « Les mousses, ou bryophytes, n’ont pas de racines. Elles absorbent les particules de l’air et la vapeur d’eau simplement par leurs feuilles et leur tige. »
Elles n’ont pas besoin de terre pour pousser et peuvent s’ancrer sur l’écorce des arbres ou sur la roche, donnant naissance au sol et à l’humus des forêts.
Les espèces les plus communes observables ici vont même jusqu’à former de petits rideaux, comme des manches qui prolongent les branches des arbres. Loupe à la main, le botaniste identifie promptement ces bryophytes qui le passionnent : « Neckera complanata et Neckera crispa — on dit crispa parce qu’elle a les feuilles qui frisent un peu, elles sont comme crispées. »
Une élégante qui rougit
A côté des Neckera, l’expert repère une autre espèce de mousse qui égaye son regard : « L’Orthotric élégant ! Celle-ci, on peut dire que c’est une espèce rare, et elle a des exigences de vie strictes. » Selon Thomas Legland, la plante pousse seulement sur les troncs des ripisylves, c’est-à-dire dans les forêts riveraines des cours d’eau. Elle présente des feuilles légèrement ondulées et une capsule qui renferme les spores essentielles à sa reproduction. « Regardez le petit pédicelle, c’est cette particularité qui lui donne un air élégant d’après moi. Et puis sa coiffe, bigarrée et striée de rouge, est vraiment jolie », s’enthousiasme le biologiste.
L’écume des mousses
Arrivé à la cascade de la Fouge qui descend d’un petit canyon calcaire en formant des dépôts de tuf, le fou de mousses pointe du doigt celle qui adore les douches en eau dure — Palustriella commutata : « Ici c’est son domaine, elle pousse très vite et elle se dissémine par fragmentation. » Le tuf se dépose continuellement, les plantes doivent alors se développer plus rapidement que le calcaire. Sur la falaise, on peut aussi trouver Eucladium verticillatum et Seligeria, une des plus petites mousses que l’on peut rencontrer dans cette contrée.
Combien de variétés de bryophytes nous entourent ? Vingt ? Trente ? Bien plus ! Environ 130 espèces différentes dans toute la cluse, d’après l’inventaire de Thomas Legland. Une diversité qui, selon lui, témoigne de la maturité et de l’équilibre écologique de la forêt.
Cette richesse n’a pas échappé à nos ancêtres. Dans la cluse de Préau, de l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle, les hommes venaient récolter de la Neckera qu’ils utilisaient pour calfeutrer leurs bateaux. D’autres mousses ont servi à garnir les oreillers en raison des pouvoirs hypnotiques qui leur étaient attribués. Et encore aujourd’hui, elles n’ont pas fini de nous faire rêver !
Au col, guettez le chamois, le chevreuil et la chevêchette. Et puis osez rêver du lynx !
Ancienne chartreuse du XIIIe. Attention, propriété privée.
Sur le pierrier, cherchez Ptilium crista-castrensis, une mousse qui pousse habituellement au-dessus de 1 500 m d’altitude.
La cascade de la Fouge est le havre du cincle plongeur.
Revivez le passé océanique du massif jurassien en admirant les fossiles d’éponges et de coraux dans la petite falaise.
Le tuf créé un jardin féérique puis le ruisseau se faufile dans un étroit canyon.
Dans le val d’Enfer
Distance : 9,8 km Dénivelé : +410 m Durée : 7h
- (1) Depuis le centre de Cerdon, remonter la rue du Marquis (circuit des cascades). Puis couper la D1084 pour prendre à droite le chemin qui monte vers les vignes.
- (2) Au col de Crêt du Jour, prendre un petit chemin à gauche dans le pré (balisage jaune).
- (3) Arrivé à l’entrée de l’ancienne abbaye, passer le petit pont en pierre et remonter le sentier le long du cours d’eau.
- (4) Aller jusqu’à la cascade de la Fouge avant de revenir sur ses pas et suivre le chemin qui monte (balisage jaune et rouge jusqu’à la fin de la boucle, direction Cerdon).
- (5) Remonter la départementale sur 400 m, avant de prendre une large piste sur la gauche.
- (6) Traverser le ruisseau, avant une dernière montée.
- (1) Au pont, traverser la D1084 et descendre par un sentier dans le val d’Enfer.
Distance : 2,4 km (aller et retour) Dénivelé : +75 m Durée : 1h
- Variante : Partir du village de Préau, en remontant la D11, dépasser l’arête rocheuse qui surplombe la route, prendre le premier chemin à gauche, suivre le balisage jaune jusqu’à la cascade et revenir sur ses pas.
Accès en transports publics
Les bus de la compagnie Car. Ain (ligne 137) desservent le village de Cerdon
La gare d’Ambérieu-en-Bugey est accessible depuis Lyon ou Genève (trajet direct). La gare de Nantua l’est aussi via Bellegarde-sur-Valserine.
Matériel & règles d’or
- Des chaussures de randonnée imperméables.
- Une veste de pluie (humidité importante en fond de vallée).
- Une bonne loupe et une paire de jumelles.
Manger & dormir
Compléments week-end
A) Grottes du Cerdon
Située au nord du village, cette cavité est un parc dédié à la préhistoire qui permet d’en apprendre plus sur les premiers hommes qui ont habité la vallée et le Jura méridional.
B) La Valserine
Premier torrent de France labellisé « Rivière sauvage » par l’association European Rivers Network. Un sentier aménagé part depuis
Bellegarde-sur-Valserine.
C) Les marais de Vaux
Cet espace naturel sensible de 132 ha est la plus grande zone humide du Bugey. Près de 160 espèces végétales ont été répertoriées.
D) Etangs de la Dombes
Ce plateau aux mille étangs, situé à l’ouest du massif du Bugey, est idéal en automne pour observer les oiseaux migrateurs.
E) Marais de Lavours
Riche réserve naturelle de 480 ha à la jonction du Jura et des Alpes.
En Valais, le nivologue Robert Bolognesi vous apprend à lire la neige.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
Catégorie
Ces produits pourraient vous intéresser
Poursuivez votre découverte
La Salamandre, c’est des revues pour toute la famille
Plongez au coeur d'une nature insolite près de chez vous
Donnez envie aux enfants d'explorer et de protéger la nature
Faites découvrir aux petits la nature de manière ludique
merci de ne pas les utiliser sans l'accord de l'auteur