Le Causse Méjean, la Mongolie française
Le Causse Méjean déroule son immensité nue jusqu’aux Cévennes. Et quelque part dans la steppe galopent des chevaux sauvages.
Le Causse Méjean déroule son immensité nue jusqu’aux Cévennes. Et quelque part dans la steppe galopent des chevaux sauvages.
Pour atteindre le vaste plateau calcaire du Causse Méjean, il faut d’abord quitter les somptueuses Gorges de la Jonte au niveau de Meyrueis, puis sinuer sur une route accrochée à des falaises vertigineuses. Une fois là-haut, nous avons passé les 1 000 m d’altitude. La vallée encaissée a disparu, comme engloutie par une étendue infinie de pierres et d’herbes jaunies. Un bout de Lozère aux accents d’Asie centrale s’ouvre au regard et invite à une marche ravigotante. En avant !
Blizzard et liberté
Le calendrier indique décembre, mais le paysage est plus ambigu. Encore un début d’hiver sans neige sur le causse… Le vent, lui, est bien au rendez-vous. Puissant, quasi permanent et froid. L’absence d’arbres et la végétation rabougrie ne trompent pas : Eole règne ici en maître. Fleurs, insectes et alouettes, si nombreux en été, ont fait place à une nature vide en apparence. Cette désolation est à elle seule une raison de visite. La solitude et la liberté aussi. Pas étonnant que des chevaux sauvages vivent en ces lieux. Pour tenter de les voir, gardons le cap en direction du hameau du Villaret où Sébastien Carton de Grammont nous attend. Entre deux bourrasques de bise, marquons le pas pour écouter… le silence absolu. Ce luxe moderne que le vol d’un vautour moine n’altère pas. Le géant réinvestit les lieux depuis 1996. En reprenant la marche, trèfles et fétuques desséchés craquent sous nos pas, rythmant la cadence.
Les oiseaux noirs
Au loin, des cris stridents percent le vacarme du vent. En cherchant leurs auteurs en direction du nord-est, le regard croise un sommet enneigé, ou seulement givré, difficile à dire. La chaîne de l’Altaï ? Non, revenons en France. C’est le mont Lozère, point culminant des Cévennes, ratant de peu les 1 700 m d’altitude. La bande de braillards débarque enfin dans le champ des jumelles. Ils sont noirs avec deux longues mandibules écarlates et courbées. Des craves à bec rouge ! Presque 120 vagabonds qui alternent entre virevoltes habiles et picorages goulus dans les pelouses sèches. Les bâtisses en pierres du Villaret sont cette fois à portée de chaussures.
De Pré… val… qui ?
Takh, ça veut dire cheval sauvage en mongol. « L’association a été créée en 1990 pour élever en nature et réintroduire le cheval de Przewalski », souligne Sébastien, responsable technique et sanitaire du projet. Cet équidé mythique au nom imprononçable peuplait l’Eurasie au temps des dernières glaciations, il y a dix mille ans. Puis, il a quasiment disparu avant d’être redécouvert à la fin du XIXe siècle en Mongolie.
Captures malheureuses, croisements avec le cheptel domestique et hivers trop neigeux auraient eu raison des survivants. « Notre projet a commencé en 1993 avec onze animaux fondateurs originaires de zoos, six étalons et cinq juments que la captivité avait éloignés des conditions naturelles. » Les mots de Sébastien traduisent le défi qui s’annonçait. « Il nous a fallu dix ans pour recréer en nature et en liberté de solides liens sociaux entre mâles et femelles, entre jeunes et moins jeunes », précise-t-il. Enfin aguerris, enveloppés de poils épais, moins stressés et moins malades, les beaux chevaux du causse étaient prêts à affronter les rudes conditions, les prédateurs et les - 50 °C de la steppe mongole. Douze pionniers en 2004 puis dix suivants en 2005, l’incroyable migration des Przewalski au pays de Genghis Khan est alors un succès. « Une véritable aventure, en avion-cargo russe au départ de Nîmes avec ravitaillement en pleine Sibérie, le tout sans anesthésie. » La mission de Takh en Mongolie se limite aujourd’hui à l’appui de l’ONG mongole qui reprend le flambeau. Un groupe viable de 76 individus vit sur le site mongol de lâcher et peut potentiellement produire une quinzaine de poulains par an.
En se remémorant cette épopée, Sébastien montre un troupeau de chevaux à l’horizon, à l’est du Villaret. Lui et ses collègues scientifiques continuent leur mission de sauvegarde du cheval de Przewalski sur le Causse Méjean. Et l’organisation diversifie ses actions avec la conservation des pelouses sèches par le pâturage, l’éducation à l’environnement ou encore l’éthologie équine. L’équipe a même pour projet une sorte d’école de la vie sauvage. Curieux d’en savoir plus ? Alors bienvenue au Villaret !
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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