© Gilbert Hayoz

Février, les oiseaux du sentier se réveillent

Jeudi 22 février, départ à 7 h, 0 °C - Premières rencontres et état des lieux sous le chant de la grive et du bruant.

Jeudi 22 février, départ à 7 h, 0 °C - Premières rencontres et état des lieux sous le chant de la grive et du bruant.

J’aime ce moment délicieux où nos pieds quittent le bitume pour emprunter sur la gauche le chemin de terre. C’est là que la balade commence pour de bon, le long d’une vieille haie épargnée par les remaniements parcellaires.

Les passereaux jaunes

Cette haie épaisse, luxuriante, le forestier du coin l’a prise sous sa protection. Il a même allongé le cordon boisé, miraculé au milieu des champs, pour lui faire relier le village à la forêt. Le filet d’eau qui y coule a été remis au jour. L’étang, creusé comme compensation pour toutes les haies arrachées aux environs, nous tend son miroir.

Balade de février, ambiance oiseaux - La Salamandre
La ritournelle crissante du bruant jaune retentit dans la campagne en février déjà. Très visible au début du printemps le long des haies et des lisières, l’oiseau disparaît au moment d’élever ses jeunes. / © Laurent Willenegger

Un refrain grinçant rythme notre marche de noisetiers en aubépines. Têtes de canaris, becs coniques de croqueurs de graines : les bruants jaunes établissent leur territoire à coup de strophes répétitives.

Au loin, sur une butte au profil doux, se glisse un renard. On s’accroupit au bord de l’étang dans l’espoir de le voir de près. Raté ! Mais comme on a bien fait de s’arrêter : deux bolides de plumes nous frôlent. C’est un couple de mésanges qui inspectent les buissons branche après branche, à la recherche d’une cavité où installer leur nid. Absorbés par leur quête, les oiseaux au ventre jaune cravaté de noir ne nous ont pas vus.

C’est tiède, c’est bon

Le soleil réchauffe les herbes mortes. Une énergie nouvelle flotte dans l’air, une tiédeur bienvenue. On continue le long du fossé bordé de broussailles. Encore un oiseau, courtaud, noiraud, à l’épaule blanche : le traquet pâtre, emblème des friches, est perché sur un piquet. Un, puis deux : mâle et femelle ! Ces migrateurs vont-ils plus au nord ou bien s’installeront-ils là où ils sont ce matin, dans ce triangle de graminées ocre et de buissons coincés entre trois champs ?

Balade de février, ambiance oiseaux - La Salamandre
Ami des sources, des fontaines et des ruisselets, le cresson officinal pousse volontiers les pieds dans l’eau. Bien lavées, ses feuilles à l’odeur piquante sont un régal. / © Laurent Willenegger

Lit de cresson

Droit devant, la forêt résonne d’accents flûtés et printaniers. Nous poursuivons avec entrain. En lisière, une eau claire s’élargit en un ruisseau temporaire. Des bouquets de cresson surgissent comme par miracle de la vase brune. Le fond de ce microcosme aquatique est parcouru de petites crevettes et de larves de phryganes dans leurs étuis ouvragés de coquilles. C’est tout beau, tout frais, la cressonnière. Envie de revenir ici en mars, en avril ou en mai ?

Balade de février, ambiance oiseaux - La Salamandre
Les larves aquatiques des phryganes cachent leur corps mou à l'intérieur d'un habitat dur. / © Laurent Willenegger

Reflets tremblants

Dans la forêt, nous nous approchons d’un imposant « arbre à termites » : une magnifique souche sculptée par le pic noir, puis retravaillée par l’eau et par les insectes. Apparaît enfin le pont de bois incrusté de mousse et de lichens. Graviers et galets accompagnent la rivière en une savante nature morte. Les arbres nus se reflètent dans l’eau, leurs troncs vibrent avec les ondes. Charmés, nous nous attardons longuement sur le pont.

A l’entrée du village nous attend notre première fleur de pissenlit.

Maisonnettes sous l’eau

Tout comme le crabe bernard-l’hermite, les larves aquatiques des phryganes cachent leur corps mou à l’intérieur d’un habitat dur. Comment ? Leur maisonnette est un fourreau fait en fil de soie sorti de leur bouche et travaillé avec les pattes. Sur ce filet, elles accrochent des grains de sable ou de gravier, des fragments végétaux ou des coquilles d’escargots.

Les phryganes vivent attachées à cette armure grâce à deux crochets situés à l’extrémité de leur abdomen. Par des oscillations de leur corps, elles font circuler l’eau à l’intérieur de cet abri. Les mouvements leur permettent de respirer une eau renouvelée en permanence et de capter au passage algues et plancton.

Certaines construisent toujours des étuis de la même forme, avec les mêmes matériaux. D’autres changent de plan de construction en fonction des circonstances. On connaît des phryganes au fourreau cylindrique, aplati, quadrangulaire ou même triangulaire. Souvent, sa largeur s’accroît vers l’avant tandis que la larve mue et grossit.

Un jour, une ultime métamorphose produit un insecte adulte moins spectaculaire. On dirait une mite aux ailes couvertes de poils au lieu d’écailles. Les phryganes adultes se livrent alors à de jolis ballets tout près de l’eau.

Découvrez qui sont ces créatures qui grandissent dans l'eau des rivières pendant des mois avant de prendre leur envol, avec le bestiaire des eaux vives.

Retrouvez tous les articles du dossier : Le sentier des douze matins.

Cet article fait partie du dossier

Au fil des saisons, ou comment redécouvrir votre sentier préféré…

Couverture de La Salamandre n°183

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 183  Décembre 2007 - Janvier 2008, article initialement paru sous le titre "Ambiance oiseaux"
Catégorie

Récit des balades

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