© Alina

Au sommet des saveurs

Amer, anisé, terreux, floral… le mont Lozère offre aux sens un paysage savoureux. Balade gourmande sur son flanc oriental.

Amer, anisé, terreux, floral… le mont Lozère offre aux sens un paysage savoureux. Balade gourmande sur son flanc oriental.

Ce matin, rendez-vous dans le petit bourg de Villefort pour une marche de deux jours à la découverte des plantes comestibles. Le mont Lozère déroule doucement l'un de ses nombreux plissements juqu'à nos pieds. Entre climat méditerranéen et montagnard, ce relief majestueux offre des paysages très contrastés. Il est temps de partir à sa rencontre.

Mise en bouche

Première ascension à la mi-ombre des châtaigniers. Premiers apprentissages aussi. Laissons-nous surprendre par la tige croquante et juteuse du chardon ou la touche citronnée de l'oxalis. En revanche, on ne goûte qu'avec les yeux la toxique digitale et l'aconit. Au bord d’un champ, on se souvient que l’ail a aussi sa version sauvage et que l’ortie se cueille dans le sens du poil. Ça tombe bien. Au cœur du parc national des Cévennes, il faut limiter ses cueillettes aux plantes les plus communes.

Digestion à la gentiane

En montant en altitude, la forêt perd en hauteur et les arbres s'espacent entre les herbes et les roches. L’air sec est saturé par le chant des rossignols et des pouillots. L'ambiance invite au repos digestif sur un parterre de callunes, pourquoi pas en mâchant une racine de gentiane. Apparemment, son amertume soutient l'estomac. Clic… clic, clic ! Quel est ce crépitement en stéréo ? Des gousses mûres du genêt à balais qui éclatent au soleil en libérant leurs graines.

Tout en haut, la mer

Un plateau haut, une cuvette, puis la montée reprend… Deux bourgeons de pin noir en guise de bonbons pour la gorge redonnent du courage. Cette fois, le point culminant est atteint : seule l’alouette lulu pirouette plus haut. Une crête granitique accompagne le chemin qui se perd dans un océan de genêts où nagent de délicieuses myrtilles. Les buissons à hauteur d’épaule laissent admirer des collines verdoyantes qui ondulent à perte de vue en se diluant dans le bleu du ciel.

De cette marée végétale émergent çà et là des tors, d'énormes blocs de granite arrondis empilés les uns sur les autres dans un équilibre parfois surprenant. On les imaginerait presque délicatement placés par une main de géant… C'est pourtant bien la nature qui crée patiemment ces merveilles. Les mouvements tectoniques, l'alternance du gel et du dégel et les racines font éclater la roche. Dans un second temps, l’érosion se charge de les polir. Enfin, des lichens crustacés marbrent de vert et de noir ces masses qui curieusement paraissent comme battues par les marées. La marche reprend et c'est la plongée vers Génolhac. On aimerait qu’elle ne s’arrête jamais, un peu comme si une nature nomade s’éveillait en nous.

Eclairage par Baptiste Dulaar

Baptiste Dulaar

Baptiste Dulaar

Guide de Vivre la Forêt, stages d'immersion en pleine nature

  • 1991 Naissance à Avignon
  • 2006 Premières expériences intenses de voyage en solitaire dans la forêt
  • 2007 S'initie aux plantes comestibles et médicinales avec un paysan-herboriste-poète dans la Drôme
  • 2010 Un an de vie nomade à cheval en France
  • 2012 Voyage au cœur de l'Oural (Russie)
  • 2013 Fonde Vivre la Forêt

Pieds nus sur le sol caillouteux, Baptiste Dulaar s'arrête de temps à autre pour cueillir, humer, ausculter puis goûter une plante. Il connaît le coin comme sa poche à force de l'arpenter pour consolider ses connaissances des plantes glanées au fil de mille rencontres, lectures et expériences.

Les stages de vie sauvage qu'il propose en Lozère ne se déroulent pas dans des territoires vierges. Prairies d'altitude et fermes de pierre témoignent encore d'un agropastoralisme millénaire qui a façonné les paysages. L’agriculture extensive n’est pas un frein à son activité de cueillette, au contraire. « De nombreuses plantes sauvages intéressantes comme l’ortie, le chénopode ou l'amarante suivent l’homme là ou il se sédentarise car la terre y est enrichie en déchets organiques. » Notre guide estime que l’agriculture est complémentaire de l'activité de cueillette, « à condition de favoriser une mosaïque de petites cultures riches et intégrées dans la forêt ».

La diversité est essentielle si l’on veut manger sauvage tout au long de l’année. Mais elle implique un nomadisme qui suit le rythme des saisons et tire parti de chaque étage végétal. « La garrigue méditerranéenne regorge de jeunes pousses et champignons en hiver et au printemps, quand ailleurs la nature somnole. En été, c’est la montagne qui est généreuse. En automne, les châtaignes des Cévennes prennent le relais. » Heureusement, intégrer les plantes sauvages dans la cuisine du quotidien est largement suffisant pour profiter de leur teneur en nutriments parfois centuplée et de leurs vertus purificatrices autrefois bien connues. Et puis, faire la cueillette, c’est aussi se purifier par le grand air…

Baptiste Dulaar expliquant les vertus dépuratives de l'alisier. / © Sofia Matos

Itinéraire

Propositions d'itinéraires

Comme proposé dans la revue, effectuez une traversée orientale du Mont Lozère entre Villefort et Génolhac sur deux jours, mais avec un parcours modifié entre Villefort et le Mas de la Barque: depuis Villefort, rejoignez le Mas par le GR68 "Tour du Mont Lozère", sans le quitter. La balade est plus pentue mais vous serez sûr d'arriver à bon port !

Une grande boucle au départ de Génolhac (prévoir trois jours, deux pour les bons marcheurs):

  • Depuis Génolhac, rejoignez le chalet de l'Aigle sur le même tracé que celui proposé dans la revue. Pour cela, empruntez au départ le "Sentier de Bouzèdes" que vous devrez quitter après 2km environ direction Col de Montclar et Rochers de Trenze.
  • Arrivé au chalet de l'Aigle, suivez la route qui longe le flanc de montagne direction nord, prenez sa première bifurcation à gauche, la route se poursuit vers l’ouest jusqu’au Col de Finiels. En chemin, un panneau vous indiquera un petit crochet vers les sources du Tarn (à 500 m).
  • Au Col de Finiels, suivez le GR7 "Ancienne voie romaine" qui vous fera passer par les hameaux anciens de Le Salarial et L'Hospital, avec crochet possible vers le Mas Camargues.
  • Le sentier termine sa course au Pont romain du Tarn. De là, en suivant le GR72, rejoignez le Mas de la Barque pour une bonne nuit de sommeil, puis descendez à Génolhac par le même chemin qu'à l'aller.

Pour les plus curieux, faites-vous plaisir en créant vos propres boucles car Le Mas de la Barque vous permet de rayonner vers des paysages aussi divers que variés. La traversée des Crêtes entre le Col de Filiels et le Pic Cassini vaut aussi le détour. Vous découvrirez les doux sommets du Mont Lozère et traverserez de superbes pelouses sèches de Calunes en sagnes humides.

Photo du causse Méjean en septembre
Balade sur le causse Méjean en septembre / © Mirko D'Inverno

Pour les amateurs de Treks et autres randonnées au long cours, deux voies célèbres passent par cette région:

Pour de plus amples informations et encore plus de randonnées, consultez cevennes-montlozere.com

Accès en transports publics

Rejoindre Villefort depuis Nîmes ou Clermont-Ferrand ter.sncf.com/languedoc-roussillon

Horaires d'autocar entre Mende et Villefort sur lignes-regulieres.com

Manger & dormir

Office du tourisme de Villefort +33 466 46 87 30 ou de Génolhac

Mas de la Barque : village de gîtes traditionnels en pierre +33 466 46 92 72

Chalet de l'Aigle : cabane rustique non gardée

Matériel & règles d'or

Prendre crème solaire, chapeau et bonnes chaussures Rester sur les sentiers balisés et respecter la [réglementation du parc](http:// goo.gl/EuGkY5)

Ailleurs dans la région…

Photo du causse Méjean en septembre
Le causse Méjean en septembre / © Sofia Matos

A) Causse Méjean Ce haut plateau calcaire suscite à chaque visite un étonnement renouvelé. C'est un paysage lunaire et mystique où le ciel, les astres et le vent ont une présence particulièrement forte. Des petits hameaux aux maisons de granite complètent harmonieusement l'étrange beauté du lieu.

B) Les sources du Tarn Au pied du mont Lozère, versant sud, coulent paisiblement et abondamment les sources du Tarn. Une magnifique lumière s'y reflète auprès des hêtraies et le long des roches de granite clair.

C) Sainte-Croix-Vallée-Française Ce petit village est niché dans une vallée alternative peuplée d'hommes et de femmes qui vivent proches de la nature, pour certains dans des cabanes. Il est traversé par une belle rivière limpide coulant sur du schiste aux reflets argentés ou sombres selon la lumière. Chaque dimanche s'anime un marché très vivant pour une commune de cette taille.

D) Montagne du Bougès Voici une montagne particulièrement sauvage, riche en sources, très peu habitée, si ce n'est par d'immenses sapins pleins de sagesse. A mi-chemin entre les Cévennes méridionales et la Lozère, elle offre des vues incroyables au nord comme au sud.

E) Pont-de-Montvert Longeant les rives du Tarn, ce village plein de charme abrite le siège de l'Ecomusée du Mont Lozère. Ouvert toute l'année, ce centre y dépeint le patrimoine naturel et culturel de la région sous de multiples facettes : faune, flore, géologie, histoire, culture, architecture…

Couverture de La Salamandre n°234

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 234  Juin - Juillet 2016
Catégorie

Balades

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