Arthur attend le retour d’autres balbuzards en Suisse
À en croire Wendy Strahm, coordinatrice du projet Balbuzard, l’emblématique rapace pourrait bientôt recoloniser les eaux suisses, un siècle après sa disparition. En compagnie de son complice Denis Landenbergue, la scientifique nous résume avec enthousiasme cette formidable aventure.
À en croire Wendy Strahm, coordinatrice du projet Balbuzard, l’emblématique rapace pourrait bientôt recoloniser les eaux suisses, un siècle après sa disparition. En compagnie de son complice Denis Landenbergue, la scientifique nous résume avec enthousiasme cette formidable aventure.
Juste devant nous, un balbuzard pêcheur est perché sur un arbre. Que fait ce rapace au bord du lac de Bienne, en été ?
C’est Arthur, l’un des nombreux balbuzards réintroduits en Suisse depuis dix ans. Il est cantonné et fidèle à cette partie du lac, mais il est encore célibataire.
Le balbuzard n’a jamais cessé de fréquenter les lacs du pays, pourquoi parlez-vous de réintroduction ?
L’espèce s’est éteinte en Suisse en tant que nicheuse vers 1915. Mais les migrateurs reliant le nord et l’est de l’Europe à l’Afrique ont en effet toujours continué de traverser notre pays… sans jamais plus s’y installer.
Qu’est-ce qui vous a motivée à agir pour le retour de cette espèce ?
Ce projet a en quelque sorte fêté le centenaire de Nos Oiseaux, en 2013. L’association romande a le même âge environ que la disparition du balbuzard. On a voté lors de l’assemblée générale et il y a eu 87 % de voix pour la réintroduction de ce rapace emblématique. Les premiers tests ont débuté avec six oiseaux lâchés dès 2015.
Et par la suite ?
Soixante oiseaux ont été relâchés après l’année test, entre 2016 et 2020. Sur ce total de 66 balbuzards, tous, sauf quatre, sont bien partis en migration.
D’où sont originaires ces balbuzards ?
Une moitié de Norvège, l’autre de l’est de l’Allemagne. Ils ont rejoint leur volière à l’âge de 5-6 semaines, au sein d’un lieu très singulier : une prison. Le site se prêtait bien à l’opération et le directeur était très intéressé. Les détenus et les bénévoles autorisés ont alors surveillé et nourri les jeunes rapaces.
Où en est-on, aujourd’hui ?
Aujourd’hui, onze oiseaux au moins sont revenus en Suisse ou dans les pays voisins. Ce taux de retour de 17,7 % est normal dans ce genre d’opérations. Sept individus sont des mâles, encore célibataires, fidèles à leur lieu de lâcher. Quatre sont des femelles, plus aventurières chez cette espèce, parties hors de Suisse. Pour trois d’entre elles, le succès est au rendez-vous puisqu’elles se reproduisent depuis 2023. Mouche – en Moselle (France) –, Plume – en Bavière – et Chronos – dans le Bade-Wurtemberg (Allemagne) – ont élevé 17 jeunes à elles trois en deux ans. Chronos a inauguré l’an dernier la première reproduction de l’espèce dans ce Land allemand depuis 1907 ! Quant à Mouche, elle occupe le nid de balbuzard le plus proche de Suisse, à environ 200 km.
L’espèce consomme exclusivement du poisson. Est-elle dans le collimateur du monde de la pêche, comme les harles et les cormorans ?
On peut dire que tout se passe bien. Nous avons rencontré beaucoup de pêcheurs professionnels fans du projet. Ils ont même fourni gratuitement les petits poissons qui servaient à nourrir les jeunes balbuzards en volière !
Le balbuzard Arthur a-t-il des voisins ?
Oui, Racine et Olympe par exemple. Ce dernier occupe le secteur de la Grande Cariçaie, au nord-est du lac de Neuchâtel et entretient deux plates-formes. Il a même construit un nid naturel en plus cet été. Avec désormais trois sites potentiels, il met toutes les chances de son côté pour intéresser une femelle de passage.
Comment suivez-vous tous leurs mouvements ?
Les premiers mois de leur liberté, grâce à des antennes de télémétrie posées sur leurs rectrices. Ils les perdent ensuite lors de la mue des plumes. Après, il nous reste leurs bagues colorées comportant des codes lisibles à distance. Arthur, par exemple, c’est F12. Pour les repérer dans toute la Suisse, et même ailleurs lors de leurs migrations, l’aide des ornithologues amateurs est très précieuse.
Il y a beaucoup de volontaires pour ce genre de défi en Suisse ?
Au printemps et en automne, les passionnés d’oiseaux sont nombreux à observer les migrateurs sur les lacs. Leurs données sont centralisées et nous parviennent. En plus de cela, nous organisons en été des « matinées balbuzards » dans plusieurs lieux de Suisse, et même en France frontalière. Ces temps d’observation permettent de suivre simultanément les endroits favorables et stratégiques pour les balbuzards. Le 23 juin, nous avons réussi à mobiliser 51 participants. Rejoignez l’équipe en 2025 !
Le saviez-vous ?
35 : Nombre de plates-formes construites pour la nidification du balbuzard pêcheur dans le cadre du projet de réintroduction. Cinq d’entre elles sont en France frontalière. Ces dispositifs sont généralement visités ou adoptés par les oiseaux issus du programme, mais pas encore par les migrateurs.
Géants du Léman : Depuis 2011, le pygargue à queue blanche niche de nouveau en France, dans le centre et le nord-est du pays. En plus de ce retour naturel, un projet de réintroduction est initié depuis 2022 sur le Léman et le Haut-Rhône, secteur d’où aurait disparu le dernier couple de France continentale en 1892. Le programme controversé au départ vise à relâcher 85 pygargues d’ici à 2030. Sur les 14 individus libérés depuis 2022, trois ont été abattus (Isère, Gers, Allemagne), démontrant que le sort réservé aux rapaces n’est toujours pas sécurisé.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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