La grande traversée du bois de Finges
Gardé à vue par le Rhône et l’Illbach, le bois de Finges n’abrite pas uniquement les forêts les plus sèches de Suisse. Sa traversée est un petit tour du monde en moins de quatre heures.
Gardé à vue par le Rhône et l’Illbach, le bois de Finges n’abrite pas uniquement les forêts les plus sèches de Suisse. Sa traversée est un petit tour du monde en moins de quatre heures.
Etes-vous prêts pour la grande traversée ? Rassurez-vous : marcher à travers les paysages du bois de Finges, fleuron du parc naturel régional de Pfyn-Finges près de Sierre, ne demande pas d’effort particulier. Le seul entraînement nécessaire est celui du regard. « Ce site protégé est un haut lieu de biodiversité parmi les plus précieux de Suisse », explique avec une pointe d’orgueil Armin Christen, éducateur à l’environnement. Avant tout connu pour ses pinèdes, Finges dévoile plusieurs visages au promeneur. Allons-y !
Un petit Grand Canyon
8 h 30, départ aux confins orientaux du bois de Finges sous un ciel bleu comme l’Italie et dans une chaleur moite. « Nous marchons sur un cône de déjection, explique le Valaisan en indiquant la pente couverte de pins sylvestres qui descend jusqu’à mourir dans le Rhône. Cet immense tas de sédiments a été charrié par l’Illbach, le torrent qui a creusé l’Illgraben, le Grand Canyon valaisan qu’on devine en amont. » Lunatiques et indomptables, ses coulées de boue, blocs et autres pierres font de ce cours d’eau le chien de garde le plus fidèle du bois de Finges. « Sans lui, ce cône alluvial aurait été déboisé, cultivé ou aménagé depuis longtemps. » Constamment surveillé par les autorités et les scientifiques, l’Illbach se donne en spectacle en cas de forte pluie. L’énorme masse de sédiments qu’il déverse soudainement dans le Rhône peut même obstruer temporairement le fleuve.
Forêt tropicale et steppe
Après le pont sur l’Illbach, le chemin s’enfonce dans la jungle. Peupliers, saules et clématites composent cette forêt luxuriante dont les teintes exotiques sont renforcées par le chant flûté du loriot et du rossignol. Les tropiques ici ? Les vignobles autour de Salgesch, visibles dans une trouée de la canopée, nous ramènent en Valais. Rire moqueur d’un pic vert.
Près du Rhône et sous un soleil de plomb, on se croirait au Kirghizistan. « Voici le Rottensand, l’une des dernières steppes de plaine de Suisse », annonce Armin Christen. Un arrêt botanique s’impose, Flora helvetica à la main. Stipe pennée, koelérie du Valais, astragale de Montpellier, violier du Valais, esparcette des sables… Incroyable : le bouquet comprend des fleurs provenant d’Orient ou de Méditerranée, vestiges d’époques révolues au climat plus chaud ou plus froid mais qui trouvent encore leur compte ici.
L’endiguement du Rhône et l’abandon du pastoralisme dans les années 1950 n’ont pas été salutaires au Rottensand. Les pins l’ont envahi peu à peu en étouffant ses trésors végétaux d’antan. « Pour faire renaître la steppe, on a redonné du pouvoir à la dynamique alluviale naturelle et pratiqué des coupes de conifères importantes, tout en conservant les plus beaux bonsaïs rabougris. » Et ça marche.
Oasis verdoyante
Sur le chemin de la grande traversée, Finges l’éclectique dévoile encore un autre visage. Au milieu d’un étrange complexe de petites collines couvertes ici aussi de pins sylvestres, plusieurs plans d’eau émeraude survolés par des anax et autres libellules frappent le promeneur. « Ils résultent d’un éboulement survenu il y a environ neuf mille ans. Alors, vers la fin de la dernière glaciation, un pan entier du versant droit de la vallée du Rhône s’est effondré sur les régions de Finges et de Sierre. » Ces mamelons et ces étangs alimentés par les eaux souterraines en sont des souvenirs.
Terres brûlées
Parcourue par plusieurs chemins, la partie occidentale du Pfynwald est belle à s’y perdre. Dans la chaleur écrasante de l’après-midi, seul le chant du pouillot de Bonelli, passereau méditerranéen par excellence, ose rompre le silence presque solennel des forêts les plus sèches de Suisse. « Vigoureux, de grande taille et assez serrés au pied des collines, les pins sylvestres deviennent chétifs et clairsemés à leur sommet en raison de sols très filtrants et peu profonds. Ils sont à la limite de la survie », détaille le guide. Tronçonnés au Rottensand, ces arbres sont ici protégés et étudiés par l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL).
Hélas, comme dans plusieurs autres vallées sèches des Alpes, ces pinèdes affichent un dépérissement préoccupant. « D’après les études, les étés toujours plus secs et chauds affaiblissent le pin, en le rendant plus vulnérable aux maladies. Le chêne pubescent, son premier concurrent, en profite pour s’établir. » Finges est une sentinelle qui nous alerte sur les changements climatiques. De petites variations de température pourraient provoquer à moyen terme la disparition de ces forêts qui comptent parmi les plus vieilles et précieuses du pays.
Au bout de la grande traversée, près de l’arrêt du car postal, un vieux panneau implore : « Interdiction absolue de faire du feu sous peine d’amende. » En découvrant les cicatrices encore visibles d’incendies datant de plus de cinquante ans, on imagine le potentiel dévastateur d’un mégot de cigarette ou d’une étincelle échappée d’un feu de pique-nique…
A travers le bois de Finges
Pique-niquez près du Pfaffusee pour observer l’une des 27 espèces de libellules qui peuplent Finges.
Les pinèdes à laîche humble sur le haut de ces collines sont les forêts les plus arides de Suisse.
Cet obélisque en granit rappelle la défaite des Haut-Valaisans face aux troupes révolutionnaires françaises lors de la bataille de Finges en 1799.
Cherchez le rare violier du Valais dans la steppe des sables du Rhône, au Rottensand.
L’entaille de l’Illgraben et le pont bhoutanais qui la traverse valent le détour. Evitez le lit du torrent, sujet à des coulées de boue et de pierres imprévisibles après des orages.
Leuk (gare CFF) - Sierre (gare CFF) Distance : 11,5 km Dénivelé : +80 m -200 m Durée : 3h30
- (1) Suivre le panneau indicateur du chemin pédestre au départ de la gare CFF de Loèche en direction de Susten et Leuk Stadt.
- (2) Traverser l’Illbach sur le grand pont puis prendre à gauche et passer en dessous.
- (3) Continuer tout droit sur la digue ou opter pour un crochet dans la steppe du Rottensand. Dans ce cas, rejoindre le chemin au point (4).
- (5) Tenir la droite pour découvrir le Pfaffusee.
- (6) Arrêt de la ligne 451 Sierre, Parc de Finges : possibilité de prendre le car postal en direction de Sierre ou de poursuivre à pied jusqu’à la gare CFF (7).
Susten - pont bhoutanais - Susten Distance : 5 km Dénivelé : +230 m -230 m Durée : 1h30
Crochet par le Grand Canyon de l’Illbach et le pont bhoutanais
- (8) Juste avant la carrosserie, prendre la route de gauche et suivre les panneaux.
- (9) Traverser l’Illbach par le pont bhoutanais. Rejoindre l’itinéraire de la grande traversée au point (2).
Accès en transport public
En train jusqu’à Loèche ou Sierre/Siders ; horaires sur cff.ch
Matériel & règles d'or
- Casquette, lunettes et crème solaire sont fortement conseillées : le soleil peut cogner très fort.
- Prévoir suffisamment d’eau pour aborder la traversée et penser à remplir une gourde en chemin, dans les restaurants par exemple.
- Premier ennemi de Finges, le feu est interdit.
Manger & dormir
Restaurant Godswärgjistubu, à Albinen : exceptionnel !
Dormir : Schlosshotel, Leuk
Compléments week-end
A) Cave de la pinède (partenaire du parc naturel de Finges)
Cette exploitation agricole familiale de 10 ha au cœur du bois de Finges cultive du seigle et de la vigne sans insecticides depuis des décennies. Elle produit plusieurs vins dont des spécialités blanches ou rouges en respectant les normes VINATURA.
B) Erschmatt et son jardin
Hameau de montagne typiquement valaisan, Erschmatt est classé par l’Office fédéral de la culture parmi les villages d’importance nationale. Il est doté d’un grand jardin botanique qui cultive de manière traditionnelle d’anciennes variétés de seigle, de blé et autres souches oubliées.
C) Lac de Saint-Léonard
Logé au cœur des Alpes valaisannes entre Sion et Sierre, le village de Saint-Léonard abrite sous ses vignes le plus grand lac souterrain d’Europe. D’une longueur de 300 m, il peut être visité en bateau avec un guide. Inoubliable !
D) Musée Rilke
Dans les années 1920, le célèbre poète autrichien Rainer Maria Rilke a sejourné en Valais et écrit plusieurs œuvres sur cette région. Découvrez et parcourez son travail grâce à cette expo permanente ou profitez des autres événements proposés par la Fondation Rilke à Sierre.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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