L’appel du brame pour le photographe Michel d’Oultremont
Du bruit dans les feuilles, quelques branches qui craquent, et le douze-cors monte sur scène. Le photographe belge Michel d’Oultremont raconte le brame du cerf depuis son affût.
Du bruit dans les feuilles, quelques branches qui craquent, et le douze-cors monte sur scène. Le photographe belge Michel d’Oultremont raconte le brame du cerf depuis son affût.
Je n’ai pas eu la chance de grandir à proximité d’une forêt habitée par les cerfs. L’initiation au brame s’est faite sur le tard, mon premier raire, je ne l’ai entendu qu’à l’âge de 16 ans, sans voir l’animal. Mais quel moment ! Deux ans plus tard, je découvre réellement le rut du cerf chez Christophe Salin, un ami photographe qui m’invite chez lui en Sarthe. Il m’injecte les premières doses de cette douce drogue qu’est le brame. Il m’apprend tout : les biches, les coulées, les souilles, les différentes attitudes.
Je vis bien sûr des déceptions, mais surtout la grande joie d’observer de majestueux mâles à quelques dizaines de mètres seulement. Il m’enseigne aussi le respect de la forêt, où la plus importante des règles est de ne jamais, jamais déranger. Ici, le cerf est roi.
Quatre années de suite, je passe le mois de septembre dans ces bois en ratant mon premier mois de cours. La passion est trop forte pour rester assis sur les bancs de l’université.
En 2014, à l’âge de 22 ans, je décide de photographier le brame dans mon pays, dans les forêts de l’Ardenne belge. Une nouvelle rencontre m’ouvre les portes d’un massif forestier fabuleux. Les espaces sont sauvages et d’un esthétisme exceptionnel. Depuis, tous les ans, j’y passe la fin de l’été, en oubliant tout et me consacrant uniquement à la forêt et à ses hôtes. C’est devenu essentiel, vital.
Je prépare mon affût de branches et de fougères en août, plusieurs semaines avant les amours du cerf. Début septembre, je rejoins ma cachette très discrètement, durant la nuit, en traversant les clairières perlées de rosée. A ces heures précoces, les frissons de l’automne se font déjà sentir.
Ce matin, je suis en position, dans l’obscurité totale, bercé par les raires des grands ongulés. Au loin, des bois claquent, signe que deux mâles se jaugent et se battent au cœur du massif. A l’heure bleue, les silhouettes et les ombres se précisent de plus en plus. Quelques biches paissent dans la grande clairière près de mon affût. De temps en temps, elles relèvent la tête pour contrôler les alentours, puis replongent leur museau dans les hautes herbes encore vertes.
Il fait de plus en plus clair. Un appel profond et sonore déchire les brumes. Il est plus proche que les autres, à une centaine de mètres seulement. Des branches cassent. Silence. Les feuilles commencent à bouger en lisière… Et le grand cerf sort de l’ombre. L’émotion est telle que mes mains tremblent.
Le douze-cors fait des allers et retours dans la clairière en bramant de tout son cœur. Il se rapproche des femelles et la danse s’ouvre : course-poursuite, confrontations, accalmie… Encore et encore. Le maître des lieux est infatigable. Il est désormais 9 h. Les biches regagnent le sous-bois, le mâle les suit quelques minutes plus tard. Et la forêt se tait. Rendez-vous est pris pour demain à l’aube.
Tout pour plaire
Les bois sont l’apanage du mâle. Bien qu’ils lui servent aussi d’arme de défense contre des prédateurs ou pour se gratter, ces imposants trophées sont avant tout des caractères sexuels secondaires voués à impressionner les rivaux et les biches lors du rut. A cette période, qui va selon les régions de fin août à mi-octobre, les cerfs poussent des appels sauvages nommés raires et marquent leur territoire en frottant leurs bois contre la végétation et le sol. Il arrive que ces joutes vocales dégénèrent dans des combats, parfois même violents. Les blessures graves sont néanmoins rares.
Brame éthique
La période d’ovulation chez la biche ne dure qu’un jour. Sans fécondation, l’œstrus suivant n’a lieu que dix-neuf jours plus tard. Il est donc capital de ne pas déranger les animaux au risque de compromettre leur reproduction. Pour les admirer et les photographier de manière responsable, demander les autorisations nécessaires, se renseigner sur la biologie de l’espèce et garder toujours les distances en privilégiant l’affût à l’approche. Se positionner à bon vent, avec des vêtements sombres et se fondre dans l’environnement, voilà comment se donner les plus belles chances d’entendre ou de voir ce grand spectacle.
Michel d’Oultremont
Depuis son enfance, il parcourt sa campagne belge en quête d’oiseaux et de mammifères sauvages. Talentueux et renommé photographe naturaliste de 28 ans, il a déjà gagné de nombreux prix dans des concours internationaux. Ses clichés illustrent souvent l’animal dans son décor et dans des lumières féeriques.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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