Le Vercors à l’heure du brame
Le plateau d’Ambel déploie vastes pelouses, falaises calcaires et forêts centenaires. Au son du brame, pistons le cerf dans ce haut lieu des Préalpes.
Le plateau d’Ambel déploie vastes pelouses, falaises calcaires et forêts centenaires. Au son du brame, pistons le cerf dans ce haut lieu des Préalpes.
Boucles grisonnantes et voix de stentor, Jean-Marie Ouary donne rendez-vous en milieu d’après-midi, car « ce serait du voyeurisme de sortir juste le soir pour voir les cerfs ! Nous, on y va pour vivre cette belle forêt ». Ce passionné de l’association Mille traces propose des sorties naturalistes autour du brame. L’espace naturel sensible du plateau d’Ambel promet également de belles observations de chamois, vautours et aigles… En route !
Premiers indices du cerf
Jean-Marie étend une carte en relief sur le capot de sa voiture. Nous allons faire le tour du plateau en passant par son sommet, la Tête de la Dame : « Je ne suis pas de cette région, mais c’est celle que j’ai choisie pour faire de l’éducation à l’environnement. Le Vercors est un super massif, qui s’est protégé tout seul grâce à ses hautes falaises. » Le naturaliste déballe ensuite une impressionnante collection de bois et cornes d’ongulés pour réviser avant de nous rendre sur le terrain : chevreuils, chamois, cerfs. Le clou de ses trouvailles : un bois de cerf à dix cors, soit dix ramifications annuelles. « Les cerfs peuvent vivre vingt-cinq ans en captivité dans des conditions vétérinaire-canapé-croquettes, explique Jean-Marie de son verbe imagé, sinon c’est quinze ans maximum pour un beau mâle sauvage. »
Après quelques minutes de marche, notre guide découvre un tas de crottins. Rien qu’en l’observant, il estime que son auteur pèse dans les 180 à 200 kg. « Notre premier diplôme à nous les naturalistes, c’est crottologue. Si tu ne connais pas les crottes, t’es mort. » En ce début d’automne, la nourriture est encore abondante et variée pour les cerfs. Le couvert forestier est constitué à 70 % de hêtres, une essence qui réjouit les granivores et les herbivores pendant tout l’hiver. On retrouve ainsi des faines et des graminées dans les crottes des cervidés.
Le danger guette
Sur le plateau d’Ambel, on découvre parfois des fèces d’un tout autre genre… « Le chien a perdu ses muscles masticateurs avec la domestication, mais pas le loup. On décèle donc des esquilles d’os dans les crottes du grand prédateur. En plus d’être en général de plus gros diamètre, elles contiennent des poils. » L’histoire des cervidés est intimement liée à celle des loups sur le plateau. Jean-Marie désigne d’un large mouvement les zones où se croisent les trois meutes de loups installées dans le Vercors. « Les super prédateurs sont utiles pour empêcher les hardes de cervidés d’abroutir toutes les jeunes pousses et de gêner la régénération forestière. » Ils prélèvent les animaux les plus faibles. C’est une sélection naturelle. « L’inverse d’une certaine forme de chasse qui vise les plus beaux individus », glisse Jean-Marie sans s’aventurer davantage sur ce terrain.
Enfin l’appel du roi
Le soleil devient rasant sur les épilobes en graines cotonneuses. Un premier cerf brame au loin. « Là, je dirais que c’est un mâle de 5 à 6 ans. Son cri est encore un peu sec et il manque de coffre. Parfois, un plus âgé débarque et s’impose, on entend tout de suite la différence. » On traverse les pelouses d’estives pour gagner les crêtes. Le sol du Vercors est particulièrement pauvre. Les dolines, formations topographiques typiques des plateaux calcaires, sont souvent riches en graminées et en humus qui s’y accumulent. Un point de rencontre parfait pour les cervidés qui viennent s’y nourrir. « Les prédateurs l’ont compris et tournent toutes les nuits sur ces spots pour repérer leurs proies. »
La pénombre s’installe, le brame retentit maintenant dans tous les sens. « Il faut être prudent, le rut signifie : c’est moi le patron. On a vu des cerfs éventrer des poneys dans la plaine à cette période. Les biches ne sont pas loin, elles ne prêtent pas vraiment attention au brame, elles s’occupent de leurs faons. »
Le ciel s’est paré d’étoiles. Nous continuons à marcher sans éclairage artificiel, pour habituer nos yeux à l’obscurité. Les cris rauques se sont un peu éloignés. Nous redescendons à pas prudents, humbles spectateurs heureux d’avoir été invités au concert des géants du plateau.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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