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Graines de génie

Les graines, brillantes stratèges

Les graines sont de vraies stratèges de la survie. Et elles cultivent une étonnante relation amour-haine avec le règne animal. Démonstration.

Les graines sont de vraies stratèges de la survie. Et elles cultivent une étonnante relation amour-haine avec le règne animal. Démonstration.

Bébé équipé

Une plante à graines donne à ses petits un maximum de chances d’affronter la vie. Mais alors, qu’ils ne traînent pas dans ses racines ! Elle ne veut pas leur faire de l’ombre, ni souffrir de concurrence pour les ressources ou créer un nid à parasites... Les embryons sont gardés le temps de leur préparer un bon pique-nique et de les envelopper avec soin d’une coque protectrice individuelle ou collective. Puis zou, dehors ! Selon l’espèce, le déjeuner est rangé en petite ou grosse portion dans divers tissus de la graine, comme l’albumen. Parfois, il est consommé avant l’heure par l’embryon qui se dote alors d’un ou plusieurs bourrelets, des feuilles primordiales appelées cotylédons.

Les petits tournesols, noix et autres oléagineux ont droit à du gras. Une matière à forte densité énergétique, mais lentement mobilisable. Chez les fabacées, tels le trèfle ou le soja, le plat de base est protéiné, grâce au régime azoté de maman. Enfin, beaucoup de graines sont portées sur le sucre, comme les graminées et leur irrésistible teneur en albumen. Niveau emballage, les revêtements de la graine et certaines couches du fruit, quand celui-ci existe, s’épaississent et s’imperméabilisent, parfois se gorgent de poisons. Les jeunes sont parés contre les conditions adverses : chaleur, froid, sécheresse, pourriture, rayonnement UV… et prêts à voler de leurs propres ailes.

Capsule blindée

C’était prévisible : presque tout le monde veut chiper le déjeuner des graines. Dans un bras de fer éternel, les mangeurs et les mangés développent des stratégies toujours plus fortes pour gagner. Ainsi, des fossiles indiquent que les ancêtres des chênes, noyers ou marronniers se dispersaient au vent par de frêles pépins ailés.

Les rongeurs et leurs légendaires incisives sont alors apparus il y a plus de 56 Ma, et ont eu un faible pour ces billes nutritives. Ces dernières se sont revêtues d’enveloppes plus résistantes, les animaux ont riposté par des dents renforcées. Et ainsi de suite, jusqu’à des fruits à coque dure comme de la pierre et à des incisives littéralement capables de ronger du béton.

D’autres graines ont préféré devenir toujours plus petites, dans le but d’être ignorées ou avalées d’un coup. Du côté des oiseaux, l’histoire est plus ancienne. Ces descendants des dinosaures ont eu le temps de développer des outils de compétition : de petits cailloux broyeurs dans le gésier ou des mandibules surpuissantes comme chez le grosbec, capable de briser un noyau de cerise.

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Plat à emporter

Un bébé plante fait face à un dilemme existentiel : les granivores sont à la fois ses ennemis jurés et de potentiels alliés pour le disperser. Beaucoup de semences sont ainsi attractives pour les gourmands, mais assez résistantes pour ne pas être croquées sur place, forçant les animaux à transporter leur butin pour s’y attaquer une fois à l’abri. Parfois, ils meurent avant d’avoir pu les entamer ou oublient où elles sont stockées.

Le degré de solidité de la coque doit optimiser le temps de manipulation : assez dure pour dissuader les prédateurs les plus petits, qui sont des taxis moins efficaces, et suffisamment tendre pour intéresser les autres, tout en limitant les dégâts. Dans le même ordre d’idées, les circonvolutions de la noix la rendraient difficile à extraire et inviteraient à un déplacement en lieu sûr.

© Alessandro Staehli

Séduction fructueuse

Colorés, sucrés, juteux… les fruits charnus, en plus de peupler nos paradis imaginaires, parviennent à séduire le règne animal pour transporter leurs graines, qui sortent indemnes du transit. Bien que produire une chair savoureuse coûte des ressources, cette stratégie est adoptée par ­environ un tiers des familles de plantes. Avant que les ­pépins ou le noyau ne soient mûrs, les animaux sont maintenus à distance par une couleur discrète, un goût amer ou encore une toxicité.

Puis, le signal est donné par une couleur vive, comme le rouge. Visant un voyage longue distance, parfois intercontinental, les baies attirent en particulier les oiseaux qui sont très friands de ce carburant mûr à point pour leur migration autom­nale. Certains mammifères sont aussi d’excellents partenaires. En un jour, un ours brun engloutit jusqu’à 16 000 myrtilles et disperse ainsi plus d’un demi-million de graines. Il est aussi un sélectionneur hors pair.

Il y a plusieurs millions d’années poussaient les premiers pommiers dans le massif du Tian Shan en Asie centrale. Leurs fruits étaient insignifiants, mais les plantigrades sélectionnaient toujours les plus grands d’entre eux et les plus sucrés. Les pommes sont ainsi devenues toujours plus appétissantes. Puis, les humains ont débarqué et poursuivi le travail de sélection en affinant le résultat pour obtenir des milliers de variétés différentes implantées sur tous les continents à l’exception de l’Antarctique. Voici comment la pomme domestiqua Homo sapiens.

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Graines de génie

Couverture de La Salamandre n°283

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 283  Août-Septembre, article initialement paru sous le titre "Brillantes calculatrices"
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