Zizi et lulu dans la vigne
Quand la brume hante les plaines et que l’hiver s’attarde en montagne, rien de tel qu’une virée parmi les vignes bien exposées.
Quand la brume hante les plaines et que l’hiver s’attarde en montagne, rien de tel qu’une virée parmi les vignes bien exposées.
Pour peu qu’on ait l’humeur maussade, on pourrait presque voir dans ces alignements méticuleux un cimetière militaire. Mais si les vignes pleurent de tous leurs sarments, c’est plutôt de joie pour accueillir mars qui repousse la torpeur hivernale. Sur le coteau, les ceps tortueux sont comme de petits personnages aux bras tendus vers le soleil.
Le temps des raisins sucrés et des vendangeurs laborieux est encore loin. Les troncs nains ne portent pour l’heure ni fruit ni feuillage. Bien ancrés dans la terre ocre qui nourrit leur caractère propre, ils se tiennent prêts. En attendant, parmi les friches qui se glissent encore dans ce paysage géométrique, des bruants zizis et des bruants fous volent, des alouettes lulus piètent et des abeilles butinent. Allons-y !
Comment cela, vous n’avez pas de vignoble près de chez vous ? Cherchez bien, les terroirs viticoles s’étendent de la Corse à la Champagne, de l’estuaire de la Loire au pied des Pyrénées, des adrets valaisans au lac de Neuchâtel en passant par les coteaux genevois et vaudois. Et si vous n’en voyez toujours pas, imaginez alors la colline ou la vallée juste là, pas loin de chez vous. Elle était peut-être plantée de vigne il y a 150 ans.
Quand ce n’est pas juste une monoculture aseptisée par les pesticides et les traitements intensifs, la culture de Vitis vinifera modèle un paysage ouvert et bucolique qui peut abriter une nature diversifiée. La recette ? Avec la vigne, une mosaïque de vergers et de pâturages extensifs, un chemin caillouteux qui longe une jachère, quelques murets en pierres sèches bordés de vieux arbres et, pourquoi pas, une cabane un peu déglinguée. Entre les lignes de ceps, l’idéal est d’avoir une terre travaillée à la main, de la place pour des herbes pas si folles que ça et des méthodes culturales respectueuses de la biodiversité.
Quand tous ces ingrédients sont réunis, alors le plaisir rabelaisien n’est plus l’ennemi de la biodiversité. Bienvenue aux sauterelles, papillons et pies-grièches. Bonheur artificiel ? Peut-être. L’alternative totalement naturelle serait l’abandon, la friche, puis la forêt. Le vrai sauvage.
Revenons au royaume du raisin pour découvrir une chouette famille, les bruants. On ne trouve ces oiseaux ni en ville, ni en forêt. Ils ont besoin d’espace, de terre et de brins d’herbe libres.
Dans la vigne idéale, le plus emblématique des bruants est sans nul doute le zizi. Point de grossièreté ici, mais un qualificatif farfelu inspiré de son trille monotone, un zizizizizizi qu’il lance dès la fin de l’hiver. Perché tout en haut d’un arbre, il ouvre alors le bec à s’en décrocher la mandibule. Mais ce baratin un peu électrique ne vaut pas la partie de flûte de sa compagne l’alouette lulu. Le zizi ne manque cependant pas de charme avec son maquillage noir sur fond jaune, et ses teintes rousses et vertes sur le corps. Il affectionne les ambiances ensoleillées et sèches, et ce n’est pas un hasard si lui et le vignoble ont des cartographies similaires.
Ce matin, les zizis sont encore en petits groupes et ne chantent pas. Ils se mêlent aux pinsons, aux moineaux friquets et à quelques compagnons qui arborent une robe brique avec une capuche gris roche relevée de fins traits noirs : les bruants fous ! Profitons-en pour les admirer car ces élégants passereaux se montrent surtout en hiver. Certains remonteront dans quelques semaines dans leurs rocailles au pays des bartavelles.
Un zeste plus connu de nos campagnes, le très citronné bruant jaune vient lui aussi picorer sa graine. Plus étonnant, on trouve aussi le dodu de la famille qui se satisfait d’un seul buisson pour chanter sans compter… c’est le bruant proyer. Vous en voulez encore ? Alors cherchez le bruant des roseaux caché le temps d’une halte dans la friche marneuse et suintante. Pour clore cet inventaire des bruants gambadeurs, n’oublions pas l’ortolan. Ce noble migrateur adore faire ses pauses gourmandes les jours d’avril dans cette terre à moitié nue.
Ca y est, vous avez fait connaissance avec toute la troupe des bruants. Belle famille !
Vitis vinifera
Un nom barbare ? Non, Vitis vinifera est simplement le nom que le botaniste donne à la vigne cultivée. Car c’est une plante avant tout. Un arbrisseau à sarments cultivé depuis des temps immémoriaux en Europe, dans le Caucase et en Afrique du Nord. Pourquoi ? Pour les plaisirs que ses grappes de fruits ou son jus fermenté apportent sur la table. La richesse de la vigne tient dans la variété de ses cultivars: grenache noir, pinot noir, syrah, gamay, cabernet franc, sauvignon blanc… comptent parmi les 210 cépages que l’on trouve par exemple en France.
Ca ne manque pas de piquant
Un chardonneret élégant vient se délecter de graines de chardons dans la friche qui borde une vigne de chardonnay. Sans le savoir, l’oiseau se livre à un véritable jeu sémantique. En effet, le célèbre cépage chardonnay serait originaire du village bourguignon du même nom, lui-même issu du latin cardonnacum : l’endroit où poussent les chardons. Et chardon nous amène tout naturellement au nom français du beau passereau à la face rouge et aux ailes jaune et noir. On retrouve cette danse des mots dans le village viticole de Chardonne, sur la Riviera vaudoise, dont les habitants sont les… Chardonnerets !
Bruant chanteur
“« Plantons la vigne, La voilà la jolie vigne ! Vigni, vigna, vignons le vin, La voilà la jolie vigne. De vigne en fleur, La voilà la jolie fleur ! Fleuri-fleurons le vin, La voilà la jolie fleur au vin, La voilà la jolie fleur. »
„
Ironie du sort, c’est un Bruant, Aristide de son prénom, chansonnier français de la fin du XIXe siècle, qui a rendu cet air célèbre dans les cabarets de Montmartre. On le chantait traditionnellement le 22 janvier à la Saint-Vincent, patron des vignerons. Le texte d’origine aux versions multiples remonte au XVIe siècle.
Fleur de vigne
Qu’elle est jolie, cette fleur souvent associée à la vigne! C’est la tulipe sauvage ou tulipe de vigne qui offre un joli spectacle lorsqu’elle s’épanouit par centaines sur un talus bien exposé. Cette élégante liliacée peut mesurer 30 à 50 cm de haut et fleurit dès le mois de mars.
Protégée, elle a beaucoup souffert des traitements herbicides ces trente dernières années et elle se réfugie souvent sur les marges du vignoble ou dans les parcelles abandonnées. Plutôt méridionale, on la rencontre de façon dispersée dans une grande partie de la France et dans l’ouest de la Suisse.
Avant votre prochaine balade, consultez nos 3 conseils pour apprécier la vigne.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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