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Le clan des marmottes

Quand une marmotte nous raconte son réveil

Début avril, le printemps remonte dans les alpages et la neige se retire. Au sein des terriers, les marmottes ouvrent l’œil. Et si l’une d’elles nous racontait son réveil ?

Début avril, le printemps remonte dans les alpages et la neige se retire. Au sein des terriers, les marmottes ouvrent l’œil. Et si l’une d’elles nous racontait son réveil ?

© Federico Gemma

« Un frisson parcourt mes poils. Autour de moi, d’autres mouvements, presque imperceptibles, agitent le terrier. J’ai encore les yeux fermés, mais je le sais d’instinct. C’est le signal. Toute la famille se réveille enfin après des mois d’hibernation.

Ma première sensation, c’est la faim. Mes réserves de graisse touchent à leur fin. Il ne faut pas traîner. Dans l’obscurité de notre jardin d’hiver, je soulève timidement une paupière. Après m’être faufilée entre mes camarades, je déblaie l’entrée du terrier pour pointer le bout du museau à l’air frais. Aïe.

Les yeux encore bouffis de sommeil, je suis aveuglée par la neige encore présente sur les pâturages. L’hiver a été rude. Le gros rocher qui repose à une vingtaine de mètres de l’entrée est à peine visible. C’est mon baromètre. Mais je ne suis pas inquiète.

D’expérience, je sais que dans quelques semaines cet environnement minéral encore parsemé d’épais névés fourmillera de vie. Les oiseaux migrateurs seront de retour, de concert avec les banquets floraux et les insectes de l’année.

Allez hop, un peu de neige pour s’hydrater, rien de tel pour briser un jeûne de six mois. Pas le temps de cogiter, il faut justement trouver à manger. Quelques touffes d’herbes pionnières feront l’affaire en attendant le réveil des plantes nourricières. J’ai complètement fondu, il va me falloir quelques mois pour retrouver mon poids de forme.

Voilà toute ma famille qui émerge petit à petit elle aussi. Deux à trois générations de marmottes restées soudées durant les pires périodes de l’année. L’union fait notre force ! Une philosophie que l’on garde même aux beaux jours. Maintenant, nous devons regagner notre terrier d’été, un peu plus haut dans la montagne, au sein de notre domaine de 1 à 2 ha...

© Federico Gemma

Des potins dans les terriers
Un bon mois est passé et nous avons rejoint nos quartiers estivaux. Toute la petite famille est installée en ce mois de mai. C’est le moment de laisser les parents tranquilles dans le terrier. L’enjeu est crucial si je veux avoir de nouveaux frères et sœurs. Ma mère n’est réceptive aux avances de mon père que sur une très courte période. Surtout, elle ne met bas que tous les deux ans.

J’aime assister à leur petit jeu : notre paternel court après sa douce, ponctuant sa cour printanière de petits miaulements et embrassades. Durant cette période, pas question de s’approcher de maman ou de la couche conjugale. Les potins circulent. Il paraît qu’un jeune sur cinq naît d’aventures extra­conjugales... Ce ne sont pas nous, les mâles de la famille, qui trompons la vigilance du chef, mais certains camarades extérieurs qui passent sous ses radars...

Le printemps est bien avancé et, entre deux repas, il est temps de dire au revoir à certains frères et sœurs. Âgés de 2 à 4 ans, ils partent en quête d’un nouveau territoire sous la pression de notre géniteur.

Une période risquée pour eux, car ils ne peuvent plus compter sur la vigilance du groupe ni sur la disponibilité des terriers du clan. Ils tenteront leur chance et essaieront de détrôner des chefs d’autres familles.

Un jour, ce sera à mon tour de partir. La vie suit son cours dans notre versant ensoleillé sous les chaleurs du mois de juin. Quand quelque chose m’inquiète, j’émets un sifflement d’alerte avec l’accent local que j’ai appris.

Mes cousins du massif voisin ne sifflent pas comme nous. La forme du relief et la nature des vents nous ont poussés à adapter notre voix et ainsi à développer notre propre dialecte.

Dans quelques semaines, ce sera le court été. J’observe ma mère aller et venir dans le terrier. Ma nouvelle fratrie est née. Elle veille sur eux. Entre deux tétées, elle sort de terre pour grignoter la succulente flore alpine, en prenant bien soin de boucher l’entrée entre ses escapades. Bientôt, mes frères et sœurs quitteront le berceau et découvriront le vaste monde émergé. »

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Le clan des marmottes

Couverture de La Salamandre n°282

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 282  Juin - Juillet 2024, article initialement paru sous le titre "Calendrier du terrier"
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