Chouette, les chevêches genevoises vont bien!
En 20 ans, la chevêche d'Athéna a doublé sa population autour de Genève. Une chouette nouvelle expliquée par Christian Meisser.
En 20 ans, la chevêche d'Athéna a doublé sa population autour de Genève. Une chouette nouvelle expliquée par Christian Meisser.
Rare et menacée dans l’ensemble de la Suisse, la chevêche d’Athéna est bien présente dans le canton de Genève. Christian Meisser, quels sont les résultats des recensements printaniers ?
L’évolution positive se confirme cette année encore ! Notre petite équipe, active au sein du Groupe ornithologique du bassin genevois (GOBG), a pu recenser ce printemps 78 territoires occupés sur le canton et ses environs immédiats.
Quelle est votre appréciation de l'évolution récente de l'espèce ?
Les recensements exhaustifs que nous menons annuellement depuis 1996 sont encourageants ! Il y a 20 ans, les effectifs étaient d'à peine 40 territoires. La progression actuelle de la population de chevêche tient essentiellement à la très forte croissance entre Arve et lac (rive gauche du Léman), amorcée il y a 12 ans. Dans ce secteur, le nombre de territoires est passé de 5 à 36. Dans le reste du canton, la population est restée relativement stable. En résumé, les effectifs de la chevêche à Genève sont comparables à ceux des années 1980, malgré une diminution durant les années 1990-2000.
Malgré sa faible surface et l’urbanisation importante, le canton de Genève représente donc un pilier important pour la chevêche en Suisse ?
Assurément ! Genève compte environ la moitié des 150 territoires de chevêches de Suisse.
Quelle est la tendance dans le reste du pays ?
L’évolution est très nettement négative si l'on se réfère à la situation du milieu du siècle dernier quand cette chouette occupait l'ensemble des régions de plaine et les grandes vallées alpines. Depuis les années 1990, ce rapace n'est plus présent que dans trois régions : L'Ajoie (canton du Jura), la plaine de Magadino (Tessin) et le canton de Genève. En revanche, cette dernière décennie, ces trois populations relictuelles sont toutes en reprise. Et quelques timides réapparitions sont constatées ailleurs, notamment dans le canton de Fribourg.
Les mesures entreprises ces 30 dernières années portent donc leurs fruits…
Oui, certainement, mais de multiples facteurs entrent en jeu. Globalement, à Genève, on peut noter que la qualité des habitats s'est maintenue, grâce à la présence d'alignements de vieux arbres (chênes, noyers), de vergers haute-tige et de surfaces d’agriculture extensive. Des efforts sont entrepris localement pour garantir le renouvellement des arbres, notamment par le canton, les communes, des particuliers et des agriculteurs. Mais il y a encore beaucoup à faire !
L’espèce habite les zones campagnardes. Quel est le rôle des agriculteurs ?
Pour bénéficier des soutiens financiers de la Confédération, les agriculteurs appliquent entre autres la règle du minimum 7% de terres agricoles gérées de manière extensive (prairies fleuries, jachères, haies vives). Ces « surfaces de promotion de la biodiversité » contribuent activement à la conservation de la nature et malgré les contraintes beaucoup d'agriculteurs sont fiers quand la chevêche, le tarier pâtre ou la fauvette grisette profitent de leurs efforts.
Les chevêches genevoises se portent bien probablement aussi parce qu’elles trouvent suffisamment de nourriture…
Oui. Je pense qu'aujourd'hui les agriculteurs traditionnels travaillent plus "finement" qu'il y a 30-40 ans, notamment dans le dosage des engrais et des traitements. Les gros insectes comme les orthoptères ou les coléoptères en bénéficient. De plus, les exploitations agricoles biologiques progressent à Genève. En conclusion, pour sauvegarder cette chouette ainsi que la biodiversité dans l'espace rural - et soutenir notre agriculture - rien de tel que de privilégier la production agricole locale et de qualité.
La chevêche est un oiseau qui niche dans des cavités, naturelles ou artificielles. Avez-vous posé des nichoirs ?
Oui, pour palier le manque de vieux arbres à cavités, cette mesure a été mise en œuvre dès 1983 par le Groupe des Jeunes de "Nos Oiseaux", puis par le GOBG. Aujourd'hui, le canton compte 125 nichoirs. Plus d'un tiers des couples y sont installés, ce qui atteste de l'efficacité de cette mesure.
Y a-t-il encore des marges de progression pour cette petite chouette ?
Relativement peu dans le canton de Genève, où les secteurs favorables aux paysages ouverts sont déjà occupés. Localement, les densités peuvent encore augmenter, mais c’est surtout à l’échelle suisse que de larges espaces peuvent être recolonisés. Mais pour cela, il faut que les habitats s'améliorent encore.
Quelle est la situation en Haute-Savoie, de l’autre côté de la frontière ?
Les effectifs sont stables et avoisinent une centaine de couples. La forte croissance sur la rive gauche genevoise du Léman a d'ailleurs certainement été alimentée par l'immigration d'oiseaux depuis la vallée de l'Arve (Haute-Savoie), où il y a une solide sous-population de chevêche d'Athéna. Ces échanges "internationaux" sont également avérés entre l'Ajoie et l'Alsace et montrent que la conservation des chevêches "suisses" est liée à celle des populations voisines de France. Comme toujours, la nature ignore les frontières…
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