Les cigognes blanches ont fait leur nid
Sur le Plateau suisse, les cigognes blanches sont de plus en plus nombreuses. Les habitants apprennent à prendre soin de ces voisines.
Sur le Plateau suisse, les cigognes blanches sont de plus en plus nombreuses. Les habitants apprennent à prendre soin de ces voisines.
Elles ne se contentent plus d’embellir les toits des maisons et le ciel printanier. De plus en plus de cigognes blanches passent l’hiver en Suisse. En ce début février, un brouillard glacé plane sur le Plateau. Des échassiers au bec et pattes rouges occupent déjà des nids sur les toits du haras national d’Avenches (VD).
Situé à quelques kilomètres à l’ouest du lac de Morat, ce haut lieu de dressage d’équidés est devenu très prisé des cigognes. Depuis près d’un demi-siècle, une colonie prospère au milieu des chevaux et des humains avec une hausse continue de sa population. « Il y a quarante ans, on avait cinq-six nids et une douzaine de cigognes. Puis, nous avons constaté une grosse augmentation des effectifs il y a une décennie en passant soudainement de 20 à 40 oiseaux. Maintenant, on est à plus de 100 cigognes », témoigne Hans-Ruedi Zurkinden, agent technique pour Agroscope, qui gère le haras, et correspondant local pour l’association Cigogne Suisse.
Une trentaine de grands oiseaux blancs vont et viennent dans les nids massifs qui semblent posés en équilibre sur les toits. En relevant aux jumelles les bagues de certaines cigognes, Hans-Ruedi a établi que les individus arrivés dès la mi-janvier à Avenches sont venus du sud de l’Allemagne pour passer l’hiver en Romandie. À la fin janvier, d’autres spécimens sont arrivés précocement d’Espagne, terre de migration de plus en plus prisée au détriment de l’Afrique. « On s’est rendu compte que ces oiseaux opportunistes se sont adaptés à notre agriculture intensive. Ils suivent parfois les tracteurs qui labourent pour dénicher lombrics ou campagnols. De nombreuses cigognes nicheuses en Suisse passent l’hiver ici, car elles trouvent assez à manger », explique Tobias Salathé, le président de Cigogne Suisse.

Mission cohabitation
Le programme de l’association a changé ces dernières années. En 1948, Cigogne Suisse avait lancé sa mission de réintroduction de l’échassier. Des jeunes étaient élevés dans 25 stations avant d’être relâchés pour ensuite repeupler la Suisse où l’oiseau avait disparu en tant que nicheur. Désormais, l’objectif est plutôt de faire cohabiter au mieux les ciconiidés et les humains. « Le défi actuel, c’est que les gens les aiment parfois un peu moins qu’il y a quelques années. Avec la population actuelle de 2 000 cigognes nicheuses en Suisse, je pense qu’on arrive au pic de la capacité. On tente de trouver des solutions pragmatiques en installant par exemple des plateformes sur lesquelles elles peuvent construire leur nid », poursuit Tobias Salathé.
Au haras, 55 nids sont désormais recensés, dont une quinzaine sur des plateformes mises à leur disposition par le personnel du site. « Chaque automne, nous lavons les toits et nous dégrossissons un peu les nids pour qu’ils ne pèsent pas trop lourd sur les charpentes. En 2024, un nid pesait 800 kg », raconte Inès Lamon, responsable d’exploitation du Haras national. Depuis que je suis là, on a enlevé seulement deux nids qui présentaient un vrai danger. Les cigognes font partie du décor. On cohabite. Comme elles sont plus nombreuses, cela requiert davantage d’attention qu’auparavant, mais cela fait désormais partie du management de l’infrastructure », ajoute-t-elle.
Les oiseaux se sentent tellement à la maison que les anecdotes sont nombreuses sur leur comportement très confiant. Il y a quelques années, un concours de dressage ne pouvait pas débuter dans la cour du haras. Une cigogne était posée au milieu du carré dévolu à la compétition. L’an passé, pendant des travaux de remise en état de la cour principale, les échassiers venaient chercher des matériaux au milieu des ouvriers pour consolider leur nid.

Dispersion réussie
À 4 km d’Avenches, à vol d’oiseau, d’anciens pylônes d’une ligne électrique démantelée ont été réaménagés en supports pour nids de cigogne lors de l’hiver 2023-2024 à Missy (VD). Le succès a été immédiat. Au printemps suivant, les deux poteaux métalliques étaient occupés par des individus nicheurs. Et trois oisillons sont nés. « Comme je suis de la région, je voulais faire quelque chose ici, sourit Philippe Huguet, membre de BirdLife. Il y a une grosse population à Avenches et l’idée était de faire progresser la cigogne blanche vers l’amont de la vallée de la Broye. » Pari réussi !
Compost au menu
Dans la plaine qui s’étend entre les lacs de Neuchâtel, Bienne et Morat, des cigognes étaient visibles tout l’hiver. Les échassiers hivernants dans la région parcouraient les vastes champs cultivés du Pays des Trois-Lacs, où ils trouvent des proies en abondance. Nombre de ces individus passaient la nuit sur la compostière de Sugiez à l’est du lac de Morat. « C’est la première fois qu’on a eu un grand nombre de cigognes autour de Sugiez », note Tobias Salathé, président de Cigogne Suisse. L’atout de la compostière ? « Je suppose qu’elles y apprécient la chaleur qui s’en dégage alors que les terrains alentour étaient gelés. » Ce printemps, les cigognes se sont déplacées dans leur nid et sont facilement visibles sur les toits du Haras national suisse à Avenches par exemple. À vos jumelles !

Nos amis sauvages
Visionnez l’épisode consacré aux cigognes dans la nouvelle saison de Nos amis sauvages. Dans ce documentaire, Julien Perrot, le fondateur de la Revue Salamandre, se rend notamment dans le village d’Altreu (SO), là où l’échassier a été réintroduit dès le milieu du XXe siècle. Pas moins de 65 nids ont été dénombrés au printemps 2024 dans cette localité, de quoi faire la fierté de certains habitants... quand d’autres râlent si leur toit est choisi par un couple.


Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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