Comment l’isolement provoque l’évolution rapide des espèces ?
L'isolement a provoqué le changement de régime alimentaire d'un lézard en seulement 30 générations. Il a aussi fait apparaitre des espèces d'insectes.
L'isolement a provoqué le changement de régime alimentaire d'un lézard en seulement 30 générations. Il a aussi fait apparaitre des espèces d'insectes.
Quand le jeune Charles Darwin a rapporté de son grand voyage 13 « variétés » de pinsons des îles Galapágos isolées les unes des autres, il était loin d’imaginer qu’elles lui serviraient à échafauder des années plus tard un premier scénario de l’évolution. L’isolement, on le sait aujourd’hui, favorise l’émergence de nouvelles espèces. Et parfois, cela peut se produire bien plus vite qu’on ne le pense.
Guerre et paix
En 1971, des scientifiques transfèrent cinq couples de lézards des ruines d’un îlot de la mer Adriatique où ils pullulent à un autre où ils sont naturellement absents. Cette introduction vise à observer au fil des ans le conflit qui s’établirait avec l’espèce locale, le lézard des murailles dalmate. Mais patatras ! En 1991, un autre conflit qui éclate à l’échelle yougoslave interdit l’accès à ce laboratoire à ciel ouvert pendant plus de dix ans, laissant les espèces régler leurs différends sans surveillance. Finalement, en 2004, d’autres scientifiques peuvent retourner sur place pour un état des lieux qui durera deux ans.
Première observation, l’espèce introduite a survécu et se porte bien avec une population estimée à 1 000 individus. Pour le lézard autochtone en revanche, les choses se sont moins bien passées : l’espèce a tout simplement disparu.
Des replis qui font la différence
Des introductions qui anéantissent des espèces locales, c’est malheureusement fréquent de nos jours… Mais la grande surprise, c’est que les lézards des ruines ont aussi changé de morphologie. Ils sont devenus plus grands, avec une mâchoire plus puissante et des pattes plus courtes que leurs frères restés sur l’îlot voisin. Leur comportement s’est aussi modifié, ils courent en moyenne moins vite et la proportion de végétaux dans leur alimentation est passée de 6 % à 34 % au printemps, et même à 61 % en été. Dans leur intestin, on découvre à la stupéfaction générale des replis qui ralentissent le transit intestinal et facilitent la digestion de la cellulose végétale.
Oui, ces lézards devenus presque herbivores sont bel et bien les descendants des cinq couples introduits environ 30 générations plus tôt. Une mutation dans une petite population isolée peut rapidement augmenter en fréquence si elle présente une meilleure chance de survie et de reproduction. Ce qui étonne, c’est la rapidité de cet exemple qui confirme la théorie dite des équilibres ponctués : l’évolution pourrait être lente, graduelle et imperceptible à l’échelle humaine dans des conditions stables… ou au contraire très rapide quand l’environnement fluctue. Voilà pourquoi il manquerait des fossiles de « chaînons manquants » dans l’histoire évolutive de nombreuses lignées.
En vidéo, Ceci n’est pas un lézard des murailles.
Confinés au métro
Les moustiques qui ont colonisé le métro londonien à partir de 1863 ont évolué au point qu’ils ne peuvent plus se reproduire avec leurs cousins vivant en surface. Voici donc une nouvelle espèce produite par isolement que les scientifiques ont baptisée Culex molestus. Il y aurait même plusieurs sous-espèces souterraines sur différentes lignes de métro. En quelques décennies sous terre, ces insectes ont changé leurs habitudes. Ils ne font plus de pause hivernale et se nourrissent quasi exclusivement de sang humain et non pas de toutes sortes d’oiseaux et de mammifères. On suppose que, privés de nectar, les mâles butineurs trouvent d’autres liquides sucrés.
Salamandres à la dérive
L’extension des villes isole de nombreuses populations animales qui prennent par conséquent un chemin évolutif différent de leurs congénères campagnards. Et cela d’autant plus chez les espèces aux capacités de dispersion réduites. A Oviedo, dans le nord de l’Espagne, des salamandres tachetées vivent au milieu de routes et de bâtiments. La diversité génétique de cette population urbaine est très faible. Et la distance génétique avec les salamandres campagnardes va sans doute s’accroître. Au fil des générations, un tel isolement peut conduire à l’apparition d’une nouvelle espèce d’autant plus rapidement que la population isolée est petite… à condition qu’elle arrive à se maintenir.
Au coin du placard
Qui l’eût cru ? Vous hébergez peut-être des cafards différents génétiquement de ceux de vos voisins ! C’est ce que révèle une étude menée aux Etats-Unis dans la ville de Raleigh. A cause des obstacles entre immeubles ou appartements qui entravent leurs déplacements, les populations de cafards évoluent en se diversifiant génétiquement d’un logement à l’autre.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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