Dernier bal avant l’automne pour les libellules
Quand le soleil peine et ne brûle plus la peau, les libellules tirent leur révérence. Daniel Magnin nous raconte l’amour avant la mort chez les sympétrums.
Quand le soleil peine et ne brûle plus la peau, les libellules tirent leur révérence. Daniel Magnin nous raconte l’amour avant la mort chez les sympétrums.
Elle ne danse qu’une trentaine de jours. Souvent beaucoup moins, victime d’un prédateur ou du mauvais temps. Pour une libellule, voler deux mois, c’est mourir de vieillesse. Et encore, seules les espèces les plus robustes peuvent raisonnablement espérer une aussi longue vie au grand air.
Celle qui ouvre le bal au printemps est une demoiselle : la brunette hivernale, seule espèce à passer la saison froide à l’état adulte. Chaque année je l’attends avec impatience. A cette époque, les autres odonates attendent encore au fond des étangs ou des ruisseaux sous forme d’œufs ou de larves.
Au fil des semaines, toutes les libellules entrent progressivement en scène. Mais aux premiers signes de la fin d’été, beaucoup d’entre elles ont déjà succombé après avoir pondu. Quand arrive septembre, l’amoureux des libellules sait qu’il n’en croisera dorénavant plus beaucoup. Il lui reste encore à s’émerveiller jusqu’à mi-novembre du somptueux bouquet final de la saison : la ponte des sympétrums.
“Les acteurs sont capricieux et ne jouent que si la température leur convient.
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Pour y assister, je connais un endroit de rêve, un étang peu profond dont les berges en pente douce s’étalent en larges vasières avant de s’enfoncer sous l’eau. Vers midi, je m’allonge sur une vieille toile cirée et j’attends le début du feu d’artifice. Son horaire est variable : les acteurs sont capricieux et ne jouent que si la température leur convient.
Un premier couple survole la piste et descend en rase-mottes. S’élève à nouveau et reprend son vol de reconnaissance, puis se décide : c’est sur cette petite butte de vase qu’il faut pondre. Tenue à la nuque par le mâle, la femelle frappe la boue rythmiquement avec la pointe de son abdomen en déposant chaque fois quelques œufs. Mais déjà le tandem sort du cadre, dérangé par des congénères. Quand je relève les yeux du viseur, une dizaine de couples oscillent autour de moi. Parfois, ils sont plus d’une centaine !
“Comme si ni l’hiver ni la mort ne les prendraient jamais alors qu’autour d’eux tout dit l’inverse.
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J’en ai passé des heures à regarder les sympétrums jeter leurs œufs comme des bouteilles à la mer, dans l’espoir de réussir une photo qui surclasserait toutes celles déjà faites. A les voir vivre frénétiquement comme si l’été et leurs amours dureraient toujours. Comme si ni l’hiver ni la mort ne les prendraient jamais alors qu’autour d’eux tout dit l’inverse : les feuilles rousses, les herbes sèches, la chaleur morne d’un soleil bas.
Que le vent se lève, que le ciel se couvre… et très vite la scène se vide. Même dans les meilleures conditions, la fête ne bat son plein que durant une heure environ. Inutile d’insister, les sympétrums ont tout donné. Ils recommenceront demain, à moins que le froid ne s’installe durablement. Alors, ils s’éteindront lentement, agrippés à une tige. Mais sous l’eau glacée, la relève se prépare…
Libellules de porcelaine
Un observateur de libellules non averti peut ressembler sans le savoir à un éléphant dans un magasin de porcelaine. Car avant de devenir des virtuoses du vol, ces insectes sont des êtres très vulnérables : des œufs et des larves au fond de l’étang ou du ruisseau, puis de fragiles émergents faiblement agrippés à la végétation des rives.
Parfois, là où l’œil ne distingue que des tiges et des feuilles se dissimulent des centaines de nouveau-nés que le moindre choc décroche mortellement de leur support. Pour pénétrer sans risque dans une de ces pouponnières, il est conseillé de tracer longtemps à l’avance un sentier dans les herbes en le parcourant régulièrement, bien sûr avec l’accord du propriétaire des lieux ou du gestionnaire de la réserve naturelle. Ne jamais quitter ce couloir d’observation permet de minimiser l’impact de sa présence.
Ma vie de libellule
Dans ce nouveau livre Histoires d’images, parole à la libellule. L’insecte chatoyant raconte sa vie renversante entre eau et air avec les images saisissantes de Daniel Magnin et les mots poétiques du philosophe Alain Cugno.
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Daniel Magnin exposera ses plus belles photos de libellules et dédicacera son livre au Festival Salamandre à Morges du 20 au 22 octobre 2017 festival-salamandre.net
Daniel Magnin
Trois fois lauréat du concours Wildlife photographer of the year, Daniel fait ses premiers pas dans la photographie naturaliste en 1990 en tirant le portrait d’une souris dans sa cabane de jardin.
A partir de 1997, il quitte progressivement son métier d’instituteur pour se consacrer à sa nouvelle raison de vie. Depuis 2012, ce Bourguignon passe le plus clair de son temps sur les traces des libellules.
Comment différencier libellules et demoiselles et réussir à identifier les espèces les plus courantes des plans d'eau, grâce au miniguide n°56 de La Salamandre : Demoiselles et libellules.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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