Des Toblerones virent au vert
Sur les hauts de Nyon, des blocs de béton antichars datant de la Seconde Guerre mondiale se transforment en curiosités végétales. Balade printanière entre prairies et ruisseaux.
Sur les hauts de Nyon, des blocs de béton antichars datant de la Seconde Guerre mondiale se transforment en curiosités végétales. Balade printanière entre prairies et ruisseaux.
Le concert du printemps me submerge dès la sortie du train en gare de Bassins, dans la campagne vaudoise. Le chant des fauvettes, des pouillots et des merles se mêle à celui des premiers grillons. Je retrouve un biologiste qui connaît bien les lieux et nous nous mettons en route. « Je suis originaire du village, précise Thomas Martignier. La balade que nous allons faire est idéale pour les familles. J’y reviens souvent, avec un grand plaisir et chaque fois de belles surprises. »
Nos premiers pas nous conduisent à travers une vaste prairie fleurie. La vue sur le Léman et les Alpes françaises est impressionnante… mais mon regard est vite attiré vers le sol. Ici, le bleu de la raiponce, là-bas le blanc de la marguerite, plus loin le rose du trèfle ou le jaune du lotier. Un vrai régal pour les yeux ! A l’arrière-plan, des vaches écossaises pâturent. « Cette race rustique de ruminants broute une large variété de plantes et même certains arbustes, m’explique Thomas. Ces bovins sont efficaces pour entretenir les prairies maigres et éviter leur colonisation par la forêt. »
Sur un tapis de pétales
Le sentier nous amène au lieu-dit de La Cézille. Après quelques mètres à longer la route, nous bifurquons sur un charmant petit chemin qui s’enfonce tranquillement dans la forêt. Là, changement total d’ambiance. Imaginez le chant d’une rivière qui vient remplacer le vrombissement des moteurs, le feuillage des arbres offrant une ombre bienvenue, et surtout des milliers de pétales blancs qui forment sur le sol un véritable et somptueux tapis d’accueil. « Ce sont des fleurs d’aubépine, m’indique le biologiste. C’est maintenant que commence la plus belle partie de notre itinéraire. »
Pas moyen de les manquer, les fameux triangles de béton surnommés Toblerones en référence au célèbre chocolat se dressent en plein milieu du sentier. Il faut parfois même les enjamber pour continuer son chemin. « Nous sommes sur une ancienne ligne de défense antichar construite entre Bassins et Nyon durant la Seconde Guerre mondiale, précise mon guide. On en trouve au moins 3 000, étroitement répartis sur une distance de 10 km du pied du Jura jusqu’au lac Léman. »
Outre son intérêt historique, cette ligne de fortifications de la Promenthouse a l’avantage d’avoir préservé un cordon de nature en empêchant l’exploitation agricole intensive. Les pièces de béton suivent les rivières et ruisseaux, qui ont donc conservé leur cours naturel et sont bordés d’un plaisant écrin boisé. En parcourant le sentier aménagé le long de cet axe stratégique, on profite ainsi d’une parenthèse de nature. « C’est comme un monde à part, tout près de la ville de Nyon, s’émerveille Thomas. On en oublierait presque qu’à quelques centaines de mètres se dressent de grands immeubles. »
Nature sur béton
Construits il y a plus de quatre-vingts ans, ces souvenirs de l’Histoire sont aujourd’hui envahis de végétation. Lentement mais sûrement, la nature a repris ses droits, créant de véritables œuvres d’art. J’arpente cette galerie comme je visiterais un musée, scrutant chaque détail dans un paysage où l’on ne sait plus trop distinguer ce qui est naturel de ce qui ne l’est pas. Souvent, le gris du béton a disparu sous la mousse et le lierre.
Par endroits, le foisonnement de la végétation est tel que ces drôles de monticules verts se fondent totalement dans le décor forestier. Certains arbres prennent appui sur les blocs, l’écorce englobant le béton. D’autres s’en servent de piédestal et trônent au sommet. Parfois, c’est la clématite qui a pris le dessus, ses longues lianes dessinant un circuit de courbes qui n’en finissent plus. Mon œil s’arrête également sur des prêles. Ces plantes aux tiges droites très graphiques forment ici ou là un tapis de verdure sur ces anciens ouvrages.
Nous arrivons au bout du sentier et je quitte la forêt dans un état contemplatif, avec déjà l’envie de refaire sans tarder cette balade apaisante.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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