Des vautours sous son aile
Au cœur de la Drôme provençale, Julien Traversier se consacre avec passion au retour du quatrième vautour des Baronnies. Reportage.
Au cœur de la Drôme provençale, Julien Traversier se consacre avec passion au retour du quatrième vautour des Baronnies. Reportage.
Le clocher du joli village de Rémuzat sonne 10 heures. Le café de la place est presque vide, les pyrales du buis sont plus nombreuses que les touristes en cette arrière-saison. Je guette le ciel bleu qui enveloppe les nombreuses falaises de ces Alpes méridionales. Tant de vautours les ont survolées depuis la réapparition du fauve il y a vingt-deux ans, puis du vautour moine en 2004. Le percnoptère est même revenu naturellement cette année.
« La Salamandre ? » Julien Traversier me rejoint comme convenu pour une virée sur le terrain. « J’arrive de la boucherie, j’ai récupéré des os pour les gypas » Restes d’agneaux, côtes de bœuf… le biologiste de l’association Vautours en Baronnies alimente la placette de ses protégés une fois par semaine. En route !
Haut le cœur
L’odeur des morceaux de carcasses à l’arrière du véhicule utilitaire n’arrange rien aux effets des soubresauts sur la piste défoncée. Alors que nous serpentons parmi les chênes méditerranéens, le chien de berger, passager lui aussi, me paraît soumis au supplice de Tantale. « Voilà la placette. Les grillages autour, c’est pour les renards. » Julien décharge ses seaux sous le regard habitué de dizaines de vautours fauves perchés en dortoir sur une vire de la montagne. Le soleil invite les charognards à effectuer leurs premiers vols matinaux en même temps qu’il diffuse les effluves peu ragoûtants du charnier. « Dès qu’on va s’éloigner, ils vont rappliquer ! Les dominants d’abord, les autres ensuite. » Plus de 220 couples nichent dans les environs.
Avec une longue-vue, nous nous positionnons à quelques centaines de mètres du festin. En effet, les voiliers nécrophages surgissent en quelques secondes et nettoient les lieux le temps de le dire. Certains portent des étiquettes sur les ailes. « Ce sont les Espagnols qui les marquent ainsi » précise Julien Traversier, l’œil aux aguets. Un vautour moine passe très haut, une fauvette mélanocéphale alarme dans un genévrier et partout de jeunes lézards verts déambulent. Il fait très chaud pour la saison.
Invité bienvenu
Fils d’un fonctionnaire en charge des questions nature dans une région alpine, Julien Traversier a baigné dans cet univers, assistant aux débats familiaux sur les loups, les bouquetins ou les vautours. C’est peut-être pour cette raison qu’il réussit parfaitement sa mission de faire accepter le gypaète dans les Baronnies. Le conseil d’administration de l’association compte des éleveurs, des chasseurs et des élus, en plus des naturalistes. Un esprit de concertation qui permet la Fête des vautours chaque printemps, à Villeperdrix. Lors de cet événement festif, les gypaètons destinés à être lâchés sont montrés au public.
« Un succès pour tout le monde, assure Julien Traversier. Les représentants politiques et les enfants choisissent les noms des gypaètes et deviennent leurs parrains. »
“Les vautours, ce sont 20 000 visiteurs par an à Rémuzat, un village de 200 habitants.
„
Pas de gypa
Midi. Nous quittons les lieux, direction les gorges de Pommerol. Le monticole bleu veille sur un canyon typé ibérique. « Nous avons une petite chance de voir un gypaète, même si la plupart vadrouillent en ce moment dans les grandes Alpes, plus au nord ou à l’est. » Invariablement, les casseurs d’os sont très vagabonds durant leurs premières années, surtout l’été. Certains reviendront pour l’hiver, peu neigeux et clément. « Il n’y a pas d’adulte, car les deux premiers lâchers ont eu lieu en 2016 seulement. » En 2017, trois autres oiseaux ont suivi, dont Mison, une jeune convalescente venue du Valais. Cette année, trois gypaètons ont également goûté à la liberté dans les Baronnies. Au total, huit oiseaux âgés de 1 à 3 ans forment le premier bataillon de la reconquête.
Sans savoir exactement combien de gypaètes seront réintroduits à terme dans le sud des Alpes, Julien Traversier espère que deux ou trois couples s’établiront entre le Vercors, le Dévoluy et les Baronnies.
En attendant qu’un premier couple de gypaètes choisisse peut-être ces gorges de Pommerol pour sceller son union, l’ornithologue confie qu’il a de quoi s’occuper : « le gypaète c’est à plein temps, entre le terrain, les tournées des équarrissages, le suivi des programmes de conservation, les animations scolaires, les réunions du réseau, les dossiers éoliens, la sensibilisation du public… » Le passionné s’interrompt pour observer un aigle qui traverse la vallée. Nous ne verrons pas de gypaète aujourd’hui.
No veggie
Julien Traversier dépose des déchets de boucherie sur une placette d’alimentation. Après le passage des vautours fauves, les os régaleront peut-être les gypaètes. Un piège-photo filme les curées des charognards et permet la lecture des bagues.
L’aventure de Mison entre Valais et Drôme.
La suite du dossier sur le gypaète barbu.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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