Organbidexka, col mythique du suivi des oiseaux migrateurs
En 2006, l’ornithologue et dessinateur Jérôme Gremaud avait enfourché son vélo pour accompagner les oiseaux migrateurs de la Suisse jusqu'au Sahel. Dans notre hors-série "Migration" paru en septembre 2023, nous republions cette sublime aventure, en huit étapes. Deuxième épisode entre Genève et le Pyrénées, où le peuple du ciel tente de trouver un passage entre les montagnes.
En 2006, l’ornithologue et dessinateur Jérôme Gremaud avait enfourché son vélo pour accompagner les oiseaux migrateurs de la Suisse jusqu'au Sahel. Dans notre hors-série "Migration" paru en septembre 2023, nous republions cette sublime aventure, en huit étapes. Deuxième épisode entre Genève et le Pyrénées, où le peuple du ciel tente de trouver un passage entre les montagnes.
Col d’Organbidexka, Pyrénées occidentales, France
8 septembre
Traverser la vallée du Rhône, le Massif central. Gagner le Sud-Ouest en construisant petit à petit à vélo sa propre géographie des odeurs, des bruits, des sons. La géographie des sens.
Me voici début septembre devant les Pyrénées. A Saint-Lys, un groupe de 6 milans royaux rame en vol battu contre le vent. Ils longent la chaîne montagneuse cachée sous une chape de nuages menaçants. Les rapaces sont à la recherche d’un passage pour continuer vers l’Espagne.
Pluie fine et vent. J’attends moi aussi une embellie pour atteindre le col d’Organbidexka, seule ouverture à travers les montagnes où les oiseaux ne sont pas reçus à coups de fusil. L’unique col des Pyrénées libre de chasse est occupé chaque automne par des ornithologues qui, depuis 1979, recensent les migrateurs et accueillent le public.
Après quatre jours de pluie, l’accalmie de ce soir est bienvenue. Je peux enfin faire sécher mes affaires dans la « ruche », l’abri communautaire construit par les ornithologues.
9 septembre
Magnifique lever de soleil sur les sommets. Les nuages se sont dissipés. Les cols pyrénéens sont enfin dégagés. Un busard des roseaux entreprend l’ascension. Il profite des courants thermiques portant vers la crête, monte en tournant jusqu’à notre hauteur, et franchit les derniers mètres en vol battu. Le voilà parti pour l’Espagne.
Au fur et à mesure que l’air se réchauffe, les rapaces bloqués par le mauvais temps se décident à franchir les Pyrénées. Des milans noirs retardataires, quelques circaètes mangeurs de serpents, des balbuzards et des centaines de bondrées montent en groupe et dessinent de magnifiques volutes dans les nuages.
En fin d’après-midi, au fond, vers le Pic d’Anie, apparaissent de petits points noirs. Ils tournent, repartent en vol battu et prennent des ascendances au-dessus de Larrau. Des cigognes noires ! Un groupe de 26 cigognes noires ! Elles montent, tournent et finissent par passer toutes proches, juste au-dessus des hêtres de la forêt d’Iraty.
Aux jumelles, on détaille leur bec droit et puissant, leurs yeux noirs et les plumes digitées au bout de leurs ailes. L’une d’entre elles porte une balise Argos, dont l’antenne dépasse des plumes de son dos. Encore un dernier tour puis les grands échassiers disparaissent l’un après l’autre derrière la crête. Vers le sud, vers l’Espagne, vers l’Afrique. Emotion et silence parmi les observateurs réunis ce jour-là sur le col.
La suite du carnet de route ici.
Ascendances et satellites
Pour migrer, les cigognes dépendent des ascendances thermiques, ces courants chauds qu’elles empruntent comme des ascenseurs, en tournoyant, avant de se laisser planer le plus loin possible. De tels courants n’existant pas en mer, ces grands oiseaux sont incapables de couper à travers la Méditerranée. Voilà pourquoi les cigognes d’Europe occidentale traversent à Gibraltar et les orientales au détroit du Bosphore.
Grâce aux balises fixées sur leur dos, on suit très précisément depuis quelques années par satellite les déplacements de cigognes noires ou blanches. La proportion de voyageuses qui finissent grillées sur des lignes électriques s’est avérée bien plus élevée qu’on ne l’imaginait. Heureusement, sensibilisés par ces études, les électriciens commencent à prendre des mesures pour limiter les accidents.
Les balises permettent de connaître en tout temps la position - et bientôt l’état physiologique - des porteuses. Ainsi la célèbre cigogne blanche Max, équipée d’un émetteur début juillet 1999 à Avenches, a-t-elle passé son premier hiver au Maroc après avoir tenté sans succès de traverser le Sahara; le deuxième hiver, elle était en Algérie et le troisième à nouveau au Maroc. Max se reproduit depuis 2002 au nord du lac de Constance et retourne chaque hiver en Afrique du Nord. Quant à la cigogne noire aperçue le 9 septembre 2005 à Organbidexka, on sait grâce à sa balise qu’elle est née en République tchèque et qu’elle se rendait au Burkina-Faso. Cette grande voyageuse s’appelle Dalibor. Vous saurez tout sur elle en allant sur www.flyingover.net/index2.cfm?inc=stork&id=3
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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