Dunes : attention, sables vivants !
Face à la mer immense, la dune n’est qu’un trait sur une carte. Pourtant, ce cordon fragile abrite une vie sans pareille. Exploration.
Face à la mer immense, la dune n’est qu’un trait sur une carte. Pourtant, ce cordon fragile abrite une vie sans pareille. Exploration.
Littoral atlantique, mi-juin, 9 heures du matin. L’océan est très calme, de ceux que l’on appelle mer d’huile. Quelques promeneurs lève-tôt achèvent leur balade avec toutou tandis que les premiers touristes en maillot apparaissent. Bientôt, ils seront des milliers. A voir leurs automobiles agglutinées au plus près de la côte, il semble que, s’ils le pouvaient, les vacanciers avides de soleil et d’iode se parqueraient directement sur la plage. C’est malheureusement parfois le cas au bord de la Méditerranée…
Par chance, ici, une humble colline de sable sépare le grand bain du bitume, des villas et autres restaurants saisonniers. Pour tout un chacun, ce bourrelet hérissé d’herbes piquantes n’est qu’un no man’s land, un rempart où l’on s’enlise et qui retarde inutilement le moment du plongeon. L’impatient désireux de court-circuiter le sentier aménagé trouvera d’innombrables ganivelles de bois hérissées sur son chemin. Mais que cache donc cette mystérieuse dune ?
Dunes multifacettes
La salinité, la force du vent ou encore la mobilité du sable diminuent mètre après mètre de la mer vers le continent. A chaque étape de ce gradient correspond un habitat avec des êtres vivants diversifiés. Le point commun entre tous ces visages de dunes : ils sont tous menacés par l’urbanisation, le piétinement et les déchets.
En vous éloignant du clapotis chuchoté par le léger ressac, le sable frais et humide se réchauffe progressivement sous vos pieds. Puis, soudain, au-delà de l’empreinte de la plus ambitieuse des dernières vagues, il devient totalement sec, chaud et clair. Des millions de particules de 1 mm à peine se collent alors à vos chevilles mouillées. Ces minuscules fragments de coquilles ou de granit ont été déposés par les fleuves côtiers il y a bien longtemps. Puis remodelés par le battement de la mer et baladés par les vents. Chacun de ces innombrables grains a son histoire.
Quelques pas de plus… la première pente annonce la fin de la plage et le début de la dune. Ou plutôt du désert. Il fait immédiatement plus chaud, l’air océanique a perdu de sa fraîcheur et les rayons du soleil se réfléchissent à outrance sur les cristaux minéraux. Les cris de sternes caugeks, au large, semblent plus loin que jamais. Par bonheur, les liserons soldanelles apportent une touche rose pâle au sol. Le cakilier, ou roquette de mer, réussit à puiser quelques nitrates dans les débris végétaux et animaux portés jusqu’ici. Un peu plus loin, le terrain ultra-sec et encore très salé n’est guère toléré que par le chiendent des sables. Habituée à se faire fouetter ou même ensevelir par les vents chargés de sable, cette graminée de l’extrême joue un rôle essentiel dans la fixation de la jeune dune, dite embryonnaire.
A l’horizon, un infini bleu marine finement souligné d’écume immaculée, et à vos pieds, un mini-Sahara étiré sur des kilomètres. Grimpez tout en haut, sur votre Hoggar du jour. Vous voici sur la dune blanche, au pays de l’oyat. Ce roseau des sables, qui peut atteindre 1,20 m de hauteur, s’adapte à la sécheresse des lieux. En effet, les rares gouttes d’eau qui atteignent le sol avant d’être emportées par les vents ne font que traverser le substrat sableux très drainant. Alors comment l’oyat fait-il pour tenir le coup ?
Un trait pas droit
L’habitat dunaire est si fin qu’il est à peine perceptible sur une carte à grande échelle. Mais concernant sa longueur, c’est une autre histoire. En France métropolitaine, le linéaire total du littoral mesurerait entre 5 400 et 6 200 km selon les estimations et la finesse du découpage côtier pris en compte. Le sable représenterait 39 % de ce total, contre 44 % de côtes rocheuses et 17 % de terres artificialisées. Soit une longueur de plages et de dunes d’environ 2 000 km, équivalente à cinq fois la distance Paris-Genève.
Son long système racinaire accède à l’humidité profonde. Ses feuilles épaisses s’enroulent et limitent les pertes d’eau. En plus, des poils réfléchissent les rayons solaires et un derme sclérifié résiste au mitraillage sableux permanent. Pour s’alimenter dans ce monde extrêmement pauvre, les rhizomes de la graminée contiennent huit millions de bactéries fixatrices d’azote par gramme, soit 100 fois plus que dans le sable environnant ! Plus coloré, le panicaut maritime ou chardon bleu est une véritable beauté. Ne cueillez pas cette ombellifère menacée !
Bientôt midi. Pieds brûlants, gourde vide, dromadaires en hallucination… il est temps de filer d’ici. Quelques enjambées réjouissantes dans la descente suffisent à basculer du côté continent. Aussitôt, le chant de l’Atlantique ne devient qu’un murmure. Mousses, lichens et champignons recouvrent le sable tandis que de nombreuses plantes annuelles achèvent leur floraison précoce. La victoire de la vie sur le minéral semble entérinée dans la dune dite fixée, ou grise. Un lapin détale et plonge dans son terrier. Peu après, un goéland décolle avec un butin en plastique dans son bec puissant. La dune a le triste don de retenir les déchets…
Sentez ! Une odeur de curry envahit l’atmosphère abritée du vent. C’est un cadeau de l’immortelle des dunes, une astéracée – comme le pissenlit – ornée de multiples fleurs globuleuses jaune d’or et parfaitement adaptée à cet habitat. Miracle ou mirage, une mare s’est nichée au fond d’un petit vallon et reflète le bleu du ciel. Sympétrums, lestes et autres demoiselles volent en tous sens. En cherchant bien, vous pourriez trouver la cachette du pélodyte ponctué, un amphibien typique des lieux.
Le soleil tape trop fort pour un pique-nique. Direction la dune boisée pour un espoir d’ombre. Sur le chemin, saluez le saule roux et la garance voyageuse. Et enfin, voici les grands pins maritimes, tels des gardiens du continent qui saluent votre épopée dunaire.
La fin du grand sablier ?
Il en faut du temps pour faire du sable ! Ces milliards de milliards de particules sont principalement le fruit d’une érosion des roches continentales. Grains de quartz, oxydes de fer et autres résidus carbonatés ont été déposés par les fleuves à diverses périodes géologiques et sur de grandes surfaces de lagunes souvent exondées. La mer et les tempêtes continuent de façonner le sable et le renvoient sur la côte où il s’accumule en plages et en dunes. Mais les activités humaines réduisent les stocks de sédiments : directement en les prélevant pour produire du béton et indirectement en freinant le dynamisme des fleuves par des enrochements et des barrages.
Avec modération
Sur de nombreuses côtes atlantiques et méditerranéennes, le promeneur est vite prévenu par des panneaux réglementaires et de sensibilisation que la dune est fragile. Le piétinement de masse est en effet une cause majeure d’érosion de cet habitat et de destruction de sa biodiversité. Pour découvrir cet univers fascinant, mieux vaut ne pas partir à l’aventure sans contacter un organisme local : réserve naturelle, conservatoire du littoral, parc naturel, association ou même l’Office national des forêts qui gère 378 km de dunes domaniales.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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