Eoliennes, le désamour
La Suisse se lance dans la course à l'énergie éolienne. Alors que les projets fleurissent sur les crêtes romandes, l'impact sur la nature est-il vraiment pris en compte ? Enquête.
La Suisse se lance dans la course à l'énergie éolienne. Alors que les projets fleurissent sur les crêtes romandes, l'impact sur la nature est-il vraiment pris en compte ? Enquête.
Blanches et élégantes, les éoliennes s'affichent comme l'espoir d'un renouveau énergétique propre. Pourtant, fait nouveau, des voix s'élèvent et dénoncent certains impacts sur le paysage et la vie sauvage. Huit aérogénérateurs mis en route au Mont-Crosin (BE) en septembre doublent le nombre aujourd'hui en activité. D'après Suisse-Eole, 103 machines supplémentaires pourraient être bâties d'ici à 2015. Un chiffre considérable, même si on est encore loin des parcs de nos voisins français ou allemands.
Crêtes industrialisées
Contrairement à ces pays, le territoire helvétique est réduit et le vent disponible sur les hauteurs seulement. Raison pour laquelle on souhaite y implanter toujours plus de machines. Ce qui n'est pas au goût de tous. «Les pâturages boisés des crêtes jurassiennes font partie de notre patrimoine naturel et nous ne souhaitons pas les voir s'industrialiser» , argumente Anne-Lise Reymond, chargée de communication de la très active Fédération Pro-Crêtes. «Elever des mâts de 180 m de haut nécessite d'agrandir et de consolider des chemins pour amener un matériel lourd et gigantesque. Le tourisme industriel ainsi suscité entraîne la fréquentation accrue de zones qui constituaient jusqu'alors des refuges pour la vie sauvage» , ajoute-t-elle.
Venant hélas après les enjeux économiques et politiques, la pression sur la nature n'est pourtant pas négligeable. Entre Le Suchet (VD) et La Chaux-de-Fonds (NE), en suivant l'Arc jurassien, on trouve un projet quasiment tous les 3-4 km. «Une étude d'impact sur la faune et la flore est systématiquement menée par des bureaux d'étude ou des fondations telles que la Station ornithologique suisse», rassure Jean-Michel Bonvin, directeur de Greenwatt, filiale de Groupe E.
«Certes, mais les projets se multiplient et aucune recherche ne se penche sur les effets globaux de parcs qui quadrilleraient le paysage» , contrebalance Michel Bongard, secrétaire de Pro Natura Vaud. «Et toute verte qu'elle soit, cette énergie ne peut ignorer les acquis en matière de protection de la nature» , souligne le naturaliste. Un projet planifié dans la Vallée de Joux (VD) menace ainsi une zone classée à l'Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d'importance nationale (IFP). Soutenu par les autorités cantonales, Eoljoux souhaite passer outre à ce statut de protection spéciale pour y implanter sept turbines.
Bruit et obstacles
Au-delà de la question du paysage, quel impact sur les êtres vivants ? «Le bourdonnement et les vibrations provenant des machines sont incessants et exténuants » commente Pascale Hoffmeyer, voisine des deux éoliennes de Saint-Brais (JU) au blog bien documenté. Certaines problématiques liées à la rotation des pales sont déjà attestées : les collisions avec les oiseaux migrateurs ou les hémorragies subies par les chauves-souris à cause des changements de pression, par exemple. «Les dommages causés aux oiseaux sont minimes au regard de la mortalité due aux vitres» , rétorque Lionel Perret, représentant de Suisse-Eole.
Et qu'en est-il des autres animaux sauvages ? Mystère. On suppose seulement que le dérangement dû à l'éclairage nocturne des machines ou à la perte d'habitat a des effets néfastes, mais les études scientifiques manquent. «L'énergie sans impact est celle que l'on ne consomme pas» , disent eux-mêmes les promoteurs de l'éolien. Alors, si on commençait par économiser ?
Oiseaux en danger
Les études d'impact ne sont soumises à aucune règle stricte et aucun projet éolien n'a jamais été mis en péril sur des bases naturalistes. Pourtant, le dérangement subi par les oiseaux en raison du bruit et d'une présence humaine fréquente est bien réel. «Les crêtes neuchâteloises constituent le dernier refuge de l'alouette lulu. Dérangée en période de reproduction, cette espèce menacée sera l'une des premières à disparaître» , prévient Valère Martin, ornithologue.
«En ce qui concerne les risques de collision, les milans royaux semblent particulièrement vulnérables» , précise le spécialiste. Des mesures d'évitement peuvent être mises en place pour les oiseaux migrateurs, mais l'ensemble du problème n'est pas pris en compte. Combien d'éoliennes une oie cendrée devra-t-elle esquiver sur son parcours depuis la Scandinavie ?
Plus d'infos
Suisse-Eole
Fédération Pro-Crêtes
Le blog de Pascale Hoffmeyer
Lisez notre article sur la situation des éoliennes en France
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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