3 insectes aquatiques de la mare
Une fois les chevaliers tritons repartis, la mare reste un monde fabuleux où croisent d'autres héros. Tels le gerris et la notonecte, deux pirates toujours prêts à l'abordage.
Une fois les chevaliers tritons repartis, la mare reste un monde fabuleux où croisent d'autres héros. Tels le gerris et la notonecte, deux pirates toujours prêts à l'abordage.
Quel est ce rameur étrange qui patine par grands à-coups à fleur d'eau ? De loin, on dirait une araignée dotée de quatre pattes interminables qui dessinent un grand X à la surface. L'animal paraît armé. A l'avant, deux membres plus petits encadrent une sorte de dague, son stylet. Ses six jambes fines comme des cheveux creusent autant de cuvettes rondes sur le miroir de la mare si lisse ce matin.
Le gerris est une punaise d'eau, un as du raid éclair, du coup de poignard dans le dos, un prince du ski nautique. On en trouve sur les flaques, les rivières ou les lacs. Certains s'aventurent même en pleine mer, à des centaines de kilomètres de toutes terres émergées.
Tambours d'amour
Le piège du gerris n'est pas une toile collante et géométrique mais la surface miroitante de l'eau. Il s'y tient immobile, les soies de ses pattes à l'affût de la plus infime vibration. Il est capable de différencier à distance la chute d'un brin d'herbe de celle d'une fourmi. S'il détecte les convulsions d'une proie, le corsaire solitaire s'élance en une spectaculaire glissade d'une dizaine de centimètres. Puis il ajuste sa trajectoire avec les pattes arrière et repart d'un coup de rame. Arrivé tout près de sa victime, il la poignarde.
En amour, les gerris font des claquettes : leurs appels du pied et danses font discrètement trembler en rythme la surface de la mare. Mais comment font-ils pour ne pas couler ? Des poils huileux tapissent la face inférieure de leurs pattes et de leur corps. Ils assurent la flottaison et permettent de glisser sur un très fin coussin d'air au-dessus de la surface. A l'aise, le gerris avance en suspension sur un véritable trampoline.
Plein les pattes !
La surface de la mare oppose une résistance aux corps gras qui profite au léger gerris. Cette tension superficielle assure la flottaison de cet insecte et de quelques autres discrets patineurs. Mais si par hasard quelques gouttes de détergent parviennent dans l'eau, tout ce petit monde coulera instantanément.
Visqueuse, la surface de l'eau retient de nombreux grains de pollen, des graines, des poussières et d'autres déchets consommés par une communauté planctonique spécialisée. Coquillages infimes, amibes et crustacés prospèrent au pied des gerris. Pas étonnant que ceux-ci passent autant de temps à se nettoyer les pattes… En hiver, le gerris
se réfugie dans la végétation des rives. Quand ses ailes ne sont pas atrophiées – ce qui est fréquent –, l'insecte est capable de voler d'un plan d'eau à l'autre.
L'embuscade fatale
Alors que les gerris patrouillent sur la surface, un autre prédateur monte la garde juste dessous, de l'autre côté du miroir.
La notonecte est aussi une punaise à l'âme de pirate, chasseresse redoutable et empoisonneuse notoire. Elle fiche son rostre pointu dans sa proie et lui injecte un venin qui tue puis dissout les tissus. Après quelques minutes de patience, il ne lui reste qu'à aspirer le cocktail nutritif ainsi liquéfié. En un mot, elle boit chenilles et moucherons à la paille.
Sa piqûre, elle en use également pour se défendre quand un humain curieux la saisit dans la main. Son surnom d'abeille d'eau doit inciter à la prudence. Aucun risque de vous liquéfier, mais la douleur qu'elle peut infliger est paraît-il cuisante.
Cannibale
Comme le gerris, la notonecte est douée d'un solide appétit qui la pousse souvent à consommer ses semblables. Egalement munie au bout des pattes de récepteurs sensibles aux vibrations, elle chasse de jour comme de nuit. En été, elle écume le revers de la surface en empalant les nombreux insectes échoués. Le reste de l'année, elle descend dans les profondeurs à la recherche de butins nourrissants.
La bouée de bulles
Quand on l'observe nageant sous l'eau avec ses deux longues pattes postérieures, son corps paraît argenté. C'est à cause de l'air accroché aux poils huileux et hydrophobes qui tapissent son ventre. Cette grande bulle lui permet de reprendre son souffle même au fond de la mare. Quand elle cesse de ramer, son corps léger remonte comme un bouchon à la surface. Là-haut, elle s'incline à 45 degrés dans une posture caractéristique.
Après un accouplement où les deux partenaires pagaient longuement collés l'un contre l'autre, la femelle dissimule ses œufs dans les plantes aquatiques. Au printemps, un volet s'ouvre dans chaque œuf et libère une larve qui gagne la surface pour guetter ses premières victimes.
Capitaine Tourniquet
Au-dessus de la surface, le gerris. Au-dessous, la notonecte. Et juste entre deux, les gyrins.
Ces goélettes noir métallique mesurent à peine un demi-centimètre. Elles vivent une moitié du corps à l'air et l'autre sous l'eau. Leurs yeux hyperspécialisés sont séparés en deux parties pour surveiller en même temps ce qui se passe dans un monde comme dans l'autre.
A l'aide de leurs pattes aux larges extrémités, ces coléoptères nagent à toute vitesse en décrivant des ronds à la surface des mares et des étangs. Leur sobriquet de tourniquets est mérité ! Ce qu'ils préfèrent ? les crustacés, les larves aquatiques et les petites épaves échouées.
En automne, les gyrins s'envolent en grand secret, souvent de nuit, pour coloniser de nouveaux points d'eau.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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