© Vincent Delfosse

Montée en forêt

Vue du lac de Neuchâtel, la Montagne de Boudry est le premier pli du Jura. Gravir son flanc révèle une forêt multiple où l'homme et le dénivelé laissent peu au hasard et beaucoup à la diversité.

Vue du lac de Neuchâtel, la Montagne de Boudry est le premier pli du Jura. Gravir son flanc révèle une forêt multiple où l'homme et le dénivelé laissent peu au hasard et beaucoup à la diversité.

La lisière s'approche, le lac de Neuchâtel s'éloigne. Le galet que l'on ramasse en bordure d'un labour est lisse et rond, façonné par le glacier qui trônait là dans un autre temps. Depuis, d'innombrables générations ont tiré profit de ce sol morainique, fertile et profond. Mais qu'on ne s'y trompe pas : la forêt qui recouvre, à peine plus haut, les pentes où affleure la roche calcaire est elle aussi entretenue et gérée. Même si son vert sombre tacheté d'automne n'a rien d'une monoculture.

Ménage à trois

En montant dans ce tableau jurassien, on trouve un trio de base : sapin blanc, épicéa et hêtre. Ce dernier, champion de la concurrence, prend pour lui seul la lumière dès que ses exigences sont réunies. Mais il n'aime pas le très froid. Avec l'altitude, ses troncs gris cèdent donc progressivement du terrain aux deux résineux ainsi qu'à presque quarante autres essences d'arbres et d'arbustes dénombrées dans ces forêts.
Voici par exemple des sorbiers aux baies appréciées des oiseaux, quelques chênes ainsi que des érables au bois précieux dont la litière enrichit le sol.
Ce mélange des espèces est complété grâce au gestionnaire par celui des âges des arbres et des structures : ici une clairière herbeuse, là un bosquet touffu, ailleurs de hautes futaies. Là encore quelques troncs morts naturellement, source de vie pour une multitude de décomposeurs.

Le mille-feuille Jura

Lorsque ce patchwork de végétation laisse voir l'ossature de la montagne, on découvre que la roche est elle-même aussi un cocktail à recette hautement variable. Constituée surtout d'argile et de calcaire, elle est tantôt massive ou friable, tantôt jaune ou grise. Cette diversité est née et s'est déposée couche par couche au fond d'un océan vieux de 150 millions d'années.
Sur la crête vive et cassante des Rochers des Miroirs, des pins poussent vaillamment au-dessus du vide. Depuis qu'il a été plissé il y a 11 millions d'années et que les sédiments marins sont devenus falaises le Jura s'érode lentement mais inexorablement. Au point culminant de la marche, les fragiles à-pics bordent de gras pâturages dans un saisissant contraste.

Un arbre, 107 histoires

Dans les vastes bois de la Montagne de Boudry, des blocs erratiques côtoient des fossiles de coquillages et des bolets réveillés par la dernière pluie. Au détour du sentier qui redescend vers l’Areuse, une souche fraîchement coupée compte 107 cernes. Autant de printemps et d'histoires pour un arbre qui a cédé sa place à de nouvelles vies.

Eclairage par Pascal Junod

Escapade en forêt au-dessus de Neuchâtel
Pascal Junod

Pascal Junod

Ingénieur forestier à Boudry

  • 1979-1984 Etudes d'ingénieur forestier à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich
  • 1988 Ingénieur d'arrondissement à Neuchâtel
  • 2008 Prix Binding pour la diversité forestière des forêts de son arrondissement
  • 2011 Coresponsable du centre de compétence en sylviculture de Lyss (BE)

« Notre travail est de complexifier la forêt. » Voilà comment Pascal Junod définit son beau métier d'ingénieur forestier. « L'homme d'aujourd'hui veut tout et durablement. Une forêt protectrice, économique, naturelle et qui fait tous les jours portes ouvertes pour nous ressourcer. » Diverses espèces sont donc accompagnées dans leur croissance et sont exploitées en mélangeant structures et générations. « Nous créons par exemple des clairières à côté de zones denses. Les effets de lisières obtenus sont très intéressants pour la biodiversité. Ces ouvertures, initialement aménagées pour le grand tétras, ne sont hélas pas aussi efficaces que souhaité car elles attirent en même temps les sangliers. Ils aèrent certes le sol… mais croquent aussi volontiers œufs et jeunes oiseaux. » D'autres mammifères contrecarrent les efforts du forestier. « La dent du chamois et du chevreuil s'attaque en priorité aux jeunes sapins blancs, alors que c'est l'essence que nous essayons de favoriser pour sa capacité protectrice inégalée. Avec ses racines profondes, c'est un pilier solide qui stabilise l'ensemble de la forêt face aux tempêtes. » Heureusement, la nature apporte ses solutions : « Les endroits où le sapin se régénère comme on le souhaite, c'est là où le lynx est présent, parce qu'il disperse les ongulés sauvages. » L'ingénieur interrompt l'entretien pour expliquer au téléphone à une villageoise mécontente les raisons de sécurité qui ont amené son équipe à abattre des arbres à côté de chez elle. Décidément, l'entretien de cette complexité chère à Pascal Junod demande beaucoup de soin…

Itinéraire

Accédez à la carte détaillée de cette balade dans le PDF en bas de page.

distance: env. 18 km

montée: 910 m

descente: 770 m

durée: 6h00

  • (1) Partir de l'arrêt de bus Boudry, Praz Monter la route goudronnée en direction de la Forêt de Boudry.
  • (2) Prendre à gauche direction Grande Ecoeurne.
  • (3) Prendre à gauche le sentier qui rejoint plus loin une route forestière. Monter et suivre toujours Grande Ecoeurne.
  • (4) Monter les petits escaliers, et suivre la magnifique crête direction Signal du Lessy. Prudence au bord des falaises ! Dépasser le restaurant du Lessy.
  • (5) Aux indicateurs de Pré au Favre, descendre à droite par le chemin qui longe le pré.
  • (6) Descendre à droite le sentier direction Champ du Moulin. Attention, terrain glissant !
  • (7) Suivre la route forestière pendant trois kilomètres.
  • (8) Descendre le chemin des Rochettes.
  • (9) Juste après l'Hôtel de la truite, traverser l'Areuse et rejoindre un peu plus haut la gare de Champ du Moulin.

Variante

Durée totale similaire.

Le chemin qui part de 8 jusqu'à 3 en passant par Treymont, permet de rejoindre le départ de la balade.

Accès en transports publics

Arrêt du bus TN 613 « Boudry, Praz » ou, un peu plus loin, gare CFF de Boudry. Horaires http://cff.ch

En voiture

Autoroute A5, sortie Boudry-Ouest. Parking à proximité du point 2.

Manger & dormir

Office du tourisme de Neuchâtel http://neuchateltourisme.ch

Hôtel de la Truite idéalement situé à la fin de l'itinéraire. +41 32 855 11 34, http://la-truite.ch

L'Aubier Au centre-ville de Neuchâtel et sur les hauteurs de Montezillon. +33 384 81 03 24 http://aubier.ch

Le Poisson à Auvernier Tout est dans le nom. Et c'est bon ! +41 32 731 62 31. http://lepoisson-auvernier.ch

Matériel & règles d'or

  • Bonnes chaussures et gourde pleine !
  • Certains passages sont glissants et escarpés. Ne vous approchez pas du bord des falaises et ne jetez rien dans le vide.
  • Produit antitiques et épouillage dès la rentrée de balade.

Ailleurs dans la région…

Escapade en forêt au-dessus de Neuchâtel
Escapade en forêt au-dessus de Neuchâtel
Vue depuis le Rocher des Tablettes / © Alessandro Staehli

A) Rocher des Tablettes La même balade, vue d'en face ? Pour prendre du recul sur les falaises et les nuances des forêts arpentées depuis Boudry, l'itinéraire Rocher des Tablettes > Noiraigue est idéal. Départ accessible en car postal au col de la Tourne.

B) Tourbière des Ponts-de-Martel Les hauts-marais du Jura sont de petits joyaux. Un effort considérable est déployé pour redonner aux tourbières qui restent leur dynamique particulière que drainages et extraction de tourbe ont menacé d'éradiquer. Un sentier didactique à deux pas de la gare des Ponts-de-Martel ouvre au monde fragile des sphaignes. Restez sur les chemins !

C) Pointe du Grain Pour changer des sentiers escarpés, rien de tel qu'une plage au bord du lac… Bienvenue à la Pointe du Grain, à une encablure de Cortaillod.

D) Sources de l'Areuse Les pluies abondantes du Jura s'infiltrent rapidement pour ressortir dans de fascinantes résurgences. Selon les précipitations des jours précédents, les sources de l'Areuse peuvent offrir un sacré spectacle. Accès depuis le village de Saint-Sulpice (NE).

E) Glacière de Monlési Grâce à une circulation de l'air particulière, ce gouffre est rempli de glace… toute l'année. Avant l'invention des réfrigérateurs, des blocs en étaient extraits et envoyés jusqu'à Paris. Sur place, respectez les consignes de sécurité et de protection du lieu. Accès.

F) Muséum de Neuchâtel Arrêt urbain pour découvrir d'autres secrets naturels de la région. Et osons le dire : les expos temporaires de ce musée valent toujours le détour.

Couverture de La Salamandre n°224

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 224  Octobre - Novembre 2014
Catégorie

Balades

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