Naviguer le long des Sept-îles sous un ciel d’oiseaux
Photographe breton, Marc Tisseau cabote le long des Sept-Îles chaque été pour observer les colonies d’oiseaux marins de cette réserve naturelle.
Photographe breton, Marc Tisseau cabote le long des Sept-Îles chaque été pour observer les colonies d’oiseaux marins de cette réserve naturelle.
Originaire des Côtes-d’Armor, Marc Tisseau est un photographe de 22 ans, étudiant en biologie-écologie à l’Université de La Rochelle. Il sillonne le littoral breton sur son temps libre pour s’adonner à la photographie nature. Il s’est notamment distingué par une place de finaliste à l’European Wildlife Photographer of the Year 2022.
«J’ai commencé la photo à 12 ans. Au début, comme la majorité des photographes naturalistes, je privilégiais les gros plans d’animaux. Puis, j’ai participé à des concours, ce qui m’a permis de m’inspirer des clichés des autres artistes. Petit à petit, j’ai fait évoluer mes compositions et cadrages. Ce qui m’intéresse le plus désormais, c’est l’action du lever de soleil, l’ambiance sur le rivage, avec toujours un oiseau au milieu.
En ce moment, je prends beaucoup de photos de goélands, une espèce très commune, dans les conditions de tempête. J’aime aussi les silhouettes des cormorans qui se détachent à contre-jour.
Tous les ans en juin, je fais des excursions en canot pneumatique aux Sept-Îles, au large des Côtes-d’Armor. À cette période de l’année, les conditions de navigation sont favorables sur la Manche. Cet archipel est la plus ancienne réserve naturelle française. Elle a été créée en 1912, en réaction au massacre de milliers de macareux provoqué par l’ouverture d’excursions de chasse en 1910.
Dans ce sanctuaire ornithologique, on compte 25 000 couples nicheurs, toutes espèces confondues. C’est par exemple le seul endroit où les macareux moines se reproduisent en France. Les fous de Bassan sont les plus représentés. On évaluait leur population à 21 000 couples en 2020, mais une épidémie de grippe aviaire en a tué des milliers en juillet 2022. L’espèce occupe particulièrement l’île Rouzic.
Ce sont les colonies anglaises de fous de Bassan, très abondantes, qui ont commencé à coloniser cet îlot. Les oiseaux y sont à l’abri des prédateurs, notamment les rats qui mangent leurs œufs. Lors de mes excursions, il m’arrive aussi d’observer des guillemots de Troïl et des pingouins torda. Des phoques gris sont également établis ici. Il est d’ailleurs interdit de mettre pied à terre pour protéger la biodiversité.
L’archipel étant modeste, tous les oiseaux sont réunis au même endroit. Un spot inégalable pour faire des images. Je pars souvent très tôt pour voir le lever de soleil illuminer la colonie… C’est magnifique ! De loin, l’île est toute blanche, car recouverte de guano. Quand on approche, un tourbillon d’oiseaux envahit le ciel.
La densité des fous de Bassan est incroyable avec presque deux nids par mètre carré. Quand ils sont posés au sein de la colonie, ils ont un comportement social. Mâles et femelles se câlinent. Pour consolider leur nid, ces majestueux oiseaux de 1,80 m d’envergure vont prélever des algues qui flottent en mer.
Hélas, quand ils attrapent des débris végétaux, les oiseaux marins s’emmêlent parfois dans des filets de pêche. Je vois trop souvent des individus étranglés sur leur nid. Les oisillons peuvent aussi s’étouffer avec des déchets lorsque les parents les nourrissent. L’enjeu de la protection de la nature est central dans mes photos et à travers elles, je souhaite remercier celles et ceux qui œuvrent pour cette biodiversité.»
Le saviez-vous ?
Pêche fructueuse
Le macareux moine est capable de transporter dans son bec plusieurs petits poissons à la fois pour nourrir son poussin. Il capture toutes ses proies en une seule immersion. Cet oiseau plongeur pond son unique œuf au fond d’une galerie creusée dans la terre à une profondeur de 1 à 2 m.
La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a fait de cette espèce son emblème. L’acte fondateur de l’association créée en 1912, fut de faire interdire la chasse aux macareux sur les Sept-Îles. Aujourd’hui, environ 200 couples se reproduisent sur l’archipel, contre 20 000 en 1900.
Garde alternée
Le nid du fou de Bassan est constitué d’un petit cône formé d’algues et d’autres matériaux. Les adultes défendent la zone entourant le nid jusqu’à la limite atteinte par leur bec, sans toucher le voisin le plus proche.
La ponte consiste en un seul œuf couvé par les deux parents pendant près de quarante-quatre jours. Avant de s’envoler du nid, le fou de Bassan adopte un comportement typique nommé sky-pointing. L’oiseau se meut lentement en pointant la tête et le bec vers le haut.
De cette manière, il demande à son partenaire d’assumer la garde de l’œuf ou de l’oisillon en son absence. Les jeunes quittent le nid avant même de savoir voler et nagent alors à la surface de la mer.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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