© Jérôme Gremaud

La flotte des foulques macroules

Tantôt sous-marins, tantôt corvettes, les foulques se livrent à des joutes navales en miniature. Un peu d’animation bienvenue dans la grisaille, avec le peintre Jérôme Gremaud.

Tantôt sous-marins, tantôt corvettes, les foulques se livrent à des joutes navales en miniature. Un peu d’animation bienvenue dans la grisaille, avec le peintre Jérôme Gremaud.

Aujourd’hui, le lac se prend pour la mer. Lisses comme de l’huile ces derniers jours, ses eaux obscures gonflent de colère. Le vieux phare clignote. Avis de tempête ! Les vagues se cassent violemment contre le brise-lames du port. Pourtant, de l’autre côté de la jetée, l’eau est parfaitement calme. Plusieurs dizaines de foulques macroules naviguent entre les coques des bateaux. Des keuk-keuk explosifs s’élèvent de cette flotte noire désorganisée. Enfin un peu de vie dans la grisaille qui plombe les rives.
Très territoriaux et agressifs lors de leurs amours, ces oiseaux deviennent beaucoup plus sociables à partir de la fin octobre. Ils se réunissent alors sur les plans d’eau tranquilles et riches en nourriture. Les rives urbaines, les hauts-fonds lacustres et les eaux littorales saumâtres en concentrent parfois des milliers.

Observons les foulques macroules dans le port
« La "plaque frontale", au-dessus du bec, lui donne un aspect de masque africain. » / © Jérôme Gremaud

Forme aplatie, plumage graphite et bec crayeux prolongé par une plaque frontale également immaculée : impossible de confondre la foulque macroule avec tout autre habitant du lac. Même pas avec la poule d’eau dont on lui donne souvent abusivement le nom.

Pour cet oiseau au tempérament nerveux, il n’y a pas de demi-mesure. Tout est noir ou blanc. La foulque nage paisiblement en hochant du cou. Mais il suffit d’un rien pour qu’elle adopte sa position offensive en corvette. Plumes gonflées, ailes entrouvertes et relevées en triangle au-dessus du dos, miniqueue dressée à la verticale et tête tendue au fil de l’eau. Une autre macroule a probablement tenté une incursion dans son territoire, se croyant peut-être dans des eaux internationales…

En poussant des cris d’abordage, le corsaire fait voile vers son ennemi. Celui-ci s’apprête à l’affronter, également profilé en navire de guerre. Lorsque la bagarre éclate, coups de bec, courses et battements d’ailes s’enchaînent. L’eau gicle en tous sens… Une spectaculaire bataille navale entre les bateaux des hommes.

Après plusieurs controverses lacustres, la flottille de macroules s’accorde une trêve. Une à une, les frégates se transforment en sous-marins. Un bref saut sur place pour prendre de l’élan et… plouf ! Elles plongent à la verticale. Dix secondes plus tard, les voilà qui remontent à la surface comme des gros bouchons avec un bout de zostère ou de characée dans le bec. Elles avalent les algues en secouant la tête avant de s’immerger à nouveau pour une nouvelle pêche.

Un individu téméraire quitte le groupe et nage vers le môle de manière décidée. Près de la rive, la foulque de débarquement s’élève sur des pattes ridiculement grandes et semi-palmées. Va-t-elle oser s’aventurer sur la terre ferme ? Métamorphose ! Hors de l’eau, l’oiseau noir exhibe une rondeur surprenante et marche de manière presque élégante, comme s’il ne voulait pas se salir les doigts.
En l’observant picorer des brins d’herbe ou des miettes de pain entre les bancs du port, on dirait une poule… En fait, les foulques font partie des rallidés, une famille comprenant la gallinule poule d’eau, les râles ou encore la talève sultane. Le lien de parenté avec ces animaux farouches saute aux yeux lorsqu’on voit tout à coup la foulque paniquée regagner l’eau au moindre danger.

Observons les foulques macroules dans le port
© Jérôme Gremaud

Petite reine du port

La foulque macroule est une espèce très adaptable et peu exigeante : on la retrouve quasiment sur tous les plans d’eau de plaine. Rarement chassée et souvent ignorée par l’homme, elle vient volontiers en pleine ville où elle se laisse approcher à quelques mètres. Cette proximité avec l’homme la protège des busards et autres prédateurs. En plus, les eaux enrichies en nutriments favorisent les algues dont elle se nourrit. Enfin, elle profite des bouts de pain sec lancés aux canards et aux mouettes. Au printemps, il n’est pas rare de découvrir un nid de foulque en plein milieu du port.

Observons les foulques macroules dans le port
© Jérôme Gremaud

Foules de foulques

Dès le mois d’octobre, les effectifs de foulques macroules sur les lacs augmentent de jour en jour sans qu’on voie jamais des oiseaux voler. D’où viennent-elles toutes ?
De nombreuses hivernantes rejoignent les macroules locales sédentaires… en migrant de nuit ! Malgré leur décollage laborieux, ces oiseaux très endurants peuvent parcourir jusqu’à 300 km en une seule étape. Les recensements hivernaux permettent de connaître leurs effectifs : 100’000 individus sur les plans d’eau suisses et le double en France.

Observons les foulques macroules dans le port
© Jérôme Gremaud

Moules à la macroule

La foulque est omnivore et profiteuse : elle exploite le plus souvent la nourriture la plus abondante. Selon les cas, roseaux, algues, pain, herbe, graines, insectes ou autres invertébrés entrent dans son menu. Parfois, elle capture des alevins ou goûte du poisson mort. La macroule raffole aussi des moules zébrées : en un seul jour, elle peut en manger jusqu’à une cinquantaine. C’est d’ailleurs grâce à la pullulation de ce mollusque envahissant que les foulques sont devenues si nombreuses à partir des années 1960.

En pratique, lisez nos 3 conseils pour observer la foulque.

Couverture de La Salamandre n°225

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 225  Décembre 2014 - Janvier 2015
Catégorie

Dessins Nature

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