La fritillaire, une fleur peu frileuse
Au printemps, la photographe Muriel Schüpbach tire le portrait de mille et une fleurs colorées. Elle nous conte sa rencontre avec la fritillaire.
Au printemps, la photographe Muriel Schüpbach tire le portrait de mille et une fleurs colorées. Elle nous conte sa rencontre avec la fritillaire.
22 floréal 1792
Fritillaria signifie cornet à dés en latin. Cette fleur en forme de tulipe rose est couverte de taches blanches arrondies qui rappellent un échiquier ou, comme l’évoque le deuxième petit nom de la plante, un damier. Dans le calendrier républicain, institué pendant la Révolution française, cette intrigante liliacée désignait le 22e jour de floréal : le 8e mois de l’année, correspondant à la période comprise entre le 10 avril et le 19 mai environ et… à la floraison de la fritillaire. Depuis quelques semaines, les journées s’allongent. Le soleil réchauffe la terre et les oiseaux égaient l’aube de leurs chants mélodieux. Quelle joie de voir les premières pousses vertes colorer les prés et les pâturages, d’admirer le sous-bois qui se pare d’une robe fleurie de violettes et de primevères.
Après ces longs mois teintés de blanc et de gris, je me réjouis de ce nouveau départ et accueille cette explosion de vie, l’œil collé au viseur. Année après année, je renoue de cette manière avec scilles, pétasites, nivéoles, anémones et jonquilles. J’alterne des visites de courtoisie aux classiques printaniers avec des sorties ciblées pour tirer le portrait de fleurs plus rares ou difficiles à trouver. C’est le cas de la fritillaire pintade, une magnifique liliacée, également nommée damier, que je rêve de photographier depuis toujours.
L’occasion se présente peut-être enfin ce printemps. Je profite d’un week-end chez des amis qui viennent de déménager vers Sainte-Croix, sur le balcon du Jura suisse, pour commencer ma chasse au trésor. D’après les cartes floristiques, il existe en effet quelques stations de damiers dans cette région. Entre deux repas en bonne compagnie, j’explore rives et prairies humides, le nez dans l’herbe. Une quête minutieuse au dénouement inespéré commence.
Après plusieurs sorties bredouilles, la chance me sourit grâce à quelques tuyaux d’amis botanistes. Au bord d’une rivière idyllique qui serpente au fond d’un vallon, je remarque enfin les fritillaires tant rêvées. Le jour même, je découvre une deuxième station de ces beautés élégantes en bordure d’un pâturage.
Le lendemain, je pars alors qu’il fait encore nuit. Comme une somnambule, j’avance à la lueur de ma frontale pour retrouver mes protégées à la naissance du jour. L’herbe est recouverte d’une fine couche de givre qui craque sous mes pas. En avril, ne te découvre pas d’un fil… met sagement en garde un dicton populaire.
Dans la prairie aux damiers, le décor est presque lunaire. Le moindre brin d’herbe est orné d’innombrables cristaux de givre, donnant au lieu une lueur argentée. Quel spectacle ! Même chaudement habillée, j’ai l’impression de me tenir dans un frigo géant. Je retourne à ma voiture chercher un pull ainsi qu’un carré en mousse qui m’isole du sol gelé lorsque je suis à terre, sur l’herbe rase, pour photographier les fleurs. Le soleil levant embrase l’arrière-plan et crie au printemps. Avec les doigts qui picotent, je gravite autour d’un pied de fritillaire complètement givré pour mettre en scène ce contraste saisonnier. Puis les premiers rayons nous caressent aussi, en transformant les cristaux en mille et une perles d’eau. C’est le moment de rentrer pour une tasse de thé chaud.
Mode d’emploi en herbe
Le premier conseil de Muriel pour un portrait floral réussi ? Prendre son temps. Afin d’obtenir un flouté qui met en valeur un sujet dans son milieu, lui tourner autour et tester différents angles de prises de vue. Ne jamais prendre la fleur de haut, mais s’accroupir ou se coucher par terre pour se mettre à son niveau. Quant aux plantes plus petites, on peut gagner quelques centimètres en retournant l’appareil. Un tapis de sol ou une mousse placé sous les genoux isole du froid et protège les habits des taches d’herbe.
Muriel Schüpbach
Jurassienne d’adoption, Muriel Schüpbach se passionne pour la nature depuis sa plus tendre enfance. En 2005, elle fait ses premiers pas dans la photographie naturaliste. Depuis, son appareil l’accompagne tant dans ses périples à l’autre bout du monde que lors de ses sorties dans les combes et les crêtes de sa région.
Apprenez tout sur le rôle des fleurs dans notre dossier complet Le sexe des plantes.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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