Quel futur pour les glaciers d’antan ?
Confrontés à des étés toujours plus chauds, les glaciers reculent. Le phénomène n'est pas nouveau mais s'amplifie. Etat des lieux, de saison, avec deux spécialistes.
Confrontés à des étés toujours plus chauds, les glaciers reculent. Le phénomène n'est pas nouveau mais s'amplifie. Etat des lieux, de saison, avec deux spécialistes.
Les glaciers souffrent et perdent du terrain à vue d'œil. Avec l'isotherme de 0 °C remonté à 3000 m d'altitude, les vestiges des gigantesques étendues de glace du dernier âge glaciaire sont relégués au cœur de nos montagnes. A la fin du XXIe siècle, seuls les glaciers alimentés par de grands bassins d'accumulation ou situés à plus de 4000 m d'altitude subsisteront. Lors du dernier pic glaciaire, il y a 21'000 ans, des calottes polaires et des glaciers énormes recouvraient 30% des terres émergées. Dans les Alpes, seuls quelques massifs pointaient leur sommet rocheux au-dessus d'une épaisse couche de glace.
Etés meurtriers
Les temps ont bien changé, et les bilans inquiètent. « Au-dessous de 3000 m, nos glaciers ne sont plus adaptés au climat actuel » note Martine Rebetez, professeur de climatologie à l'Université de Neuchâtel. Le glaciologue Amédée Zryd confirme: « Entre la fin du Petit Age glaciaire, vers 1850, et l'an 2000, les glaciers alpins ont perdu 30 à 40% de leur volume et plus de 50% de leur surface ! » Le recul a été plus marqué ces 30 dernières années.
Dans la ligne de mire des experts, la hausse des températures. Depuis 1980, la tendance montre une augmentation moyenne de 0,57 °C tous les dix ans. « On a enregistré en particulier des étés très chauds, ce qui accentue le problème de la fonte estivale » , poursuit Martine Rebetez. Jugez plutôt: en 2003, lors de la fameuse canicule, les glaciers alpins ont perdu 3,5% de leur volume. Un chiffre impressionnant. Le responsable ? En grande partie l'homme et les émissions de gaz à effet de serre.
Eau alpine toujours plus rare
S'il faut souvent plusieurs dizaines d'années pour que la glace se forme, la fonte peut être, elle, extrêmement rapide. Et les conséquences sérieuses. A la modification du patrimoine paysager cher au tourisme s'ajoute l'épuisement, plus inquiétant, des réservoirs d'eau douce. Une récente étude de l'EPFZ pronostique une augmentation du débit des rivières alpines en hiver et une diminution à la belle saison, lorsque les besoins en eau de la population et de l'agriculture sont les plus hauts. La production d'énergie hydroélectrique, assurant 50% de la consommation annuelle suisse d'électricité, pourrait aussi être affectée.
Les glaciers suisses constituent 20% des réserves d'eau douce du pays. La baisse des stocks nécessite une réaction à deux niveaux. « Il est indispensable d'investir dans la recherche, afin de prévoir au mieux ce qui va se passer. En fonction des résultats, on pourra envisager de nouveaux scénarios d'exploitation de l'eau des Alpes. Un défi à moyen terme » , analyse le glaciologue valaisan.
Le fond du problème reste évidemment l'évolution du climat. « Contrairement à un accident nucléaire, soudain et irrémédiable, les changements climatiques nous donnent la chance de disposer de temps pour prendre des dispositions et réduire les émissions des gaz à effet de serre » , plaide Martine Rebetez. La Suisse est capable de réaction, à l'image de l'interdiction des gaz CFC, responsables du trou de la couche d'ozone. La prise de conscience est indispensable à cette période interglaciaire. Elle doit intervenir rapidement. Avant que la Terre entre dans une nouvelle phase de glaciation!
La vie après la glace
Le recul des glaciers alpins libère des surfaces gelées depuis des dizaines de milliers d'années, au profit par exemple de la renoncule des glaciers. Ranunculus glacialis est une pionnière typique, qui colonise les pierriers siliceux d'altitude et les matériaux cristallins abandonnés par les glaciers. Un milieu très difficile où seule une végétation herbacée clairsemée peut se développer. Ce mélange de blocs, cailloux et graviers constituant les moraines suffit amplement à la renoncule : ses feuilles charnues et ses racines profondes lui ont même permis de s'installer jusqu'au sommet du Finsteraarhorn, à 4270 m d'altitude!
Plus d'infos
Les glaciers en mouvement, Amédée Zryd, Presses polytechniques et universitaires romandes
La Suisse se réchauffe, Martine Rebetez, Presses polytechniques et universitaires romandes
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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