Une nuit d’affût à la gélinotte des bois
Découvrez la gélinotte des bois, un oiseau invisible et discret, à travers une immersion dans la nature du Jura.
Découvrez la gélinotte des bois, un oiseau invisible et discret, à travers une immersion dans la nature du Jura.
Les nouvelles du monde ne sont pas bonnes, alors pour résister à toute l'énergie négative, Julien Perrot vous propose aujourd'hui un bon bain de nature disponible, sans ordonnance et à consommer sans modération.
Rendez-vous dans une vieille forêt de montagne dans le Jura. Julien a rendez-vous avec un ornithologue pour partir à la recherche d'un oiseau extraordinaire, la gélinotte des bois. Vous ne connaissez peut-être pas bien cet oiseau rare et surtout hyper discret qui vit caché en forêt.
La gélinotte des bois a un plumage qui la rend quasiment invisible. C'est la reine du camouflage, même son chant très aigu est super discret.
Julien rejoint Ludovic Longchamp, un spécialiste de la gélinotte.
Ça fait combien de temps que je suis cet oiseau ?
"Plus de dix ans dans les forêts du Jura."
Nous sommes en plein automne et si je comprends bien, maintenant, c'est un bon moment pour observer la gélinotte ?
"Oui, parce que c'est une saison où on ne dérange pas trop. On éviterait de venir au printemps parce que c'est un oiseau vraiment sensible au dérangement. Et si on dérange une femelle qui couve, ça peut vraiment amener jusqu'à l'abandon d'une nichée. Puis, en hiver, c'est aussi une période délicate quand il y a beaucoup de neige.
Donc là, maintenant, en automne, c'est un moment où ils ont beaucoup à manger."
Quelle est notre stratégie pour espérer observer la gélinotte ce soir ?
"Il va nous falloir choisir une belle forêt de montagne, chercher des indices, camoufler son affût le soir, bivouaquer très discrètement sur place et enfin se poster avant l'aube et ne plus bouger."
Choisir une belle forêt de montagne
Nous sommes dans une forêt théoriquement idéale pour la gélinotte. "Ici, un habitat hyper diversifié. Beaucoup de nourriture, des myrtilles, des framboises, beaucoup d'arbres à baies, des petits arbres où elle peut se cacher, des vieux arbres, des insectes. On a vraiment une forêt jardinée à tous les étages, représentée et surtout une forêt hyper tranquille où il y a peu dérangements parce qu'elle est très sensible détaille Ludovic"
La gélinotte des bois, filmée par Vincent Chabloz
Pour son film premières loges, Vincent Chabloz a eu la chance de filmer une gélinotte des bois. C'est un oiseau marcheur qui vole le moins possible. Elle arrive sur une de ses places de poudrage, une dépression au pied d'une grande souche où elle vient prendre des bains de terre et de sable. Cela nettoie son plumage et la débarrasse des parasites. Ces bains de poussière peuvent durer plus d'un quart d'heure.
Sur les images de Vincent Chabloz, la femelle a eu des poussins. Ces des oiseaux nidifient comme les canards. Quelques heures à peine après l'éclosion, les jeunes quittent définitivement le nid en suivant leur maman à travers la forêt. C'est l'aventure, mais c'est aussi une période super dangereuse à la fin du printemps, ils sont à la merci d'une martre ou d'un autour des palombes qui doit lui aussi nourrir ses jeunes.
Les deux ou trois premières semaines de leur vie, les poussins mangent des insectes, histoire d'avoir une bonne dose de protéines. Et puis ils deviennent végétariens.
Chercher des indices
Les deux naturalistes approchent d'une souche. Ludovic explique : "Tu vois Julien, on pourrait trouver sur les souches une crotte de gélinotte. Elle a l'habitude de s'y percher."
Puis, Ludovic trouve une plume. Celle-ci est typique de la gélinotte. Elle comporte une doublure qui augmente son isolation et lui permet de résister au froid de l'hiver.
Camoufler son affût
Après avoir trouvé un emplacement idéal permettant une observation aisée, il est temps d'installer l'affût.
Il faut déplier la tente et la camoufler un maximum avec des branches d'arbres.
Bivouaquer sur place
La plupart du temps, on dort à côté de la tente d'affût qu'on rejoint seulement le matin. Mais la gélinotte est tellement craintive qu'il vaut mieux dormir déjà dans la tente d'affût.
Une nuit d'affût
Après une nuit d'affût, Julien et Ludovic ont pu entendre trois espèces de chouettes différentes, la chouette chevêchette, la chouette de Tengmalm et la hulotte. Puis, à l'aube, Julien a aperçu un gros oiseau en vol, qui pourrait être une gélinotte selon Ludovic.
Protéger les gélinottes
Dans cette forêt, il y a quelques années, il y avait encore de grands tétras, l'emblème du Jura sauvage.
Ils ont malheureusement disparu. "On avait encore, il y a trois ans des indices d'une poule, la dernière de l'endroit, mais on n'a pas retrouvé d'indice depuis" détaille Ludovic.
Le côté positif, c'est qu'il reste encore des gélinottes. C'est un oiseau qui est vraiment menacé, qui a déjà disparu d'une partie du Jura.
Ludovic, a participé à un projet pour aider cet oiseau, avec des bénévoles du groupe ornithologique de Beaume et environs, le Gobe. "On a participé à un recensement sur plusieurs années. Trois printemps intensifs de prospection à fond pour établir une carte de présence de l'espèce pour ensuite transmettre aux forestiers pour qu'ils puissent prendre des mesures. On a vraiment beaucoup de chance parce qu'ils jouent vraiment bien le jeu. Ils sont super motivés pour la protection de la nature ici, ça veut dire qu'il va y avoir des aménagements qui vont être mis sur pied ces prochaines années."
Gélinotte, l'oiseau invisible dans la Revue Salamandre
La gélinotte est à la fois merveilleuse et fantomatique. La rencontre souvent fortuite avec ce galliforme se résume à un bourdonnement fuyant dans le sous-bois d’une forêt de montagne. Pour espérer davantage, il faut à la fois faire preuve d’une patience inouïe, mais aussi connaître ses habitudes au millimètre.
C’est ce qu’a réussi à faire le photographe Neil Villard, qui a affûté une femelle couvant ses œufs pendant plusieurs semaines. Son témoignage, qui se lit comme un thriller - la gélinotte se lève de son nid pour la première fois depuis des jours, est-ce le signe que les œufs vont éclore ? – est exceptionnel.
Mais derrière la beauté de ce moment, le sort de la gélinotte est tristement incertain. Cette petite cousine du grand tétras a beau être la reine du cache-cache, elle n’échappe pas aux bouleversements des paysages et aux nombreux défis que nous lui imposons. C’est ce que nous racontons également dans ce numéro 278 de la Revue Salamandre.
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