Haut-Jura, pour un équilibre entre fréquentation et quiétude dans la nature
Vaste écrin de forêts, le Haut-Jura est de plus en plus convoité pour les activités de plein air. Rendez-vous près du col de la Faucille, où la cohabitation entre tourisme et biodiversité pose question.
Vaste écrin de forêts, le Haut-Jura est de plus en plus convoité pour les activités de plein air. Rendez-vous près du col de la Faucille, où la cohabitation entre tourisme et biodiversité pose question.
En arrivant depuis le nord par la route de Mijoux, le passage de la Faucille est d’emblée salué par le mont Blanc, juste en enfilade. Entre le sommet de l’Europe et le col jurassien à peine enneigé, Genève et la pointe du Léman dorment dans la brume de fin d’automne. Une troupe de becs-croisés des sapins passe en trombe en ponctuant son vol de tiup tiup tiup… Haranguent-ils la chenille d’automobiles qui montent chercher le soleil et le grand air ? Les véhicules portent encore des vélos tout-terrain, mais la saison du ski et de la raquette arrive à grands pas. « Pour la faune des forêts d’altitude, les moments de quiétude sont de plus en plus rares », s’inquiète Guillaume Cadier, adjoint au conservateur de la Réserve naturelle nationale de la Haute Chaîne du Jura.
Moyenne montagne
La neige n’est présente qu’au-delà de 1 200 m d’altitude. Les remontées mécaniques sont encore fermées mais des centaines de promeneurs et cyclistes sont venus profiter des grands espaces et du panorama. Petit Montrond, Grand Montrond, Colomby de Gex et Crêt de la Neige – point culminant du Jura à 1 720 m – s’enchaînent du nord-est vers le sud-ouest. Les deux premiers sont hors du périmètre de la Réserve naturelle mais leur ascension permet de belles vues sur l’espace protégé.
Des petits passereaux jaune et vert sont tapis dans les graviers d’un talus dépourvu de neige. « Les venturons montagnards sont bien présents ici », souligne Guillaume Cadier. Si l’on demande à ce naturaliste professionnel quels sont les joyaux qu’il tente de protéger au quotidien, il lève les yeux d’un air pensif. « Le grand tétras, par exemple, est une espèce phare des boisements alentour. » Il s’abstiendrait presque de citer la gélinotte des bois, la chevêchette d’Europe, l’aigle royal ou encore le lynx, parmi les autres ambassadeurs de ces montagnes. L’homme en uniforme redoute de plus en plus d’attirer l’attention sur la riche biodiversité des lieux. La notoriété de la nature jurassienne pourrait bientôt devenir son talon d’Achille…
Grande fréquentation
Les espaces naturels ne sont pas infinis et, depuis la crise du Covid, le tourisme de proximité s’est accru. Malgré ses 11 000 ha, la quatrième plus grande réserve naturelle de France métropolitaine est sous pression. « Mes collègues et moi sommes
témoins de la diversification des activités de plein air : VTT à assistance électrique, bivouac avec feu, randonnée nocturne, trottinette tout-terrain, trail, drone, géocaching… », Guillaume Cadier interrompt sa liste non exhaustive, stoppé net par le cri d’un cassenoix moucheté au sommet d’un conifère.
Parmi l’engouement pour le outdoor, les loisirs naturalistes ne sont pas en reste. Des espèces comme le rarissime pic tridactyle ou le loup, fraîchement installé, attisent une curiosité bien intentionnée mais néanmoins à risque. « Les pièges photo prolifèrent, avec des dérives dans des zones où il est pourtant interdit de pénétrer », relève celui qui assure aussi un rôle de police.
Petites solutions
Pas question d’empêcher l’accès à tous les lieux remarquables, ce n’est pas l’esprit des réserves ni celui du parc naturel régional du Haut-Jura. Mais pour Guillaume, si l’intérêt pour la nature est une bonne chose, il ne faudrait pas que cela se résume à de la consommation. « J’aimerais que chacun se questionne sur son impact et se responsabilise avant d’aller dans la nature. La communication, les panneaux, Internet… il y a suffisamment de sources d’information pour ne pas ignorer les enjeux et les règles », insiste le gestionnaire. Faudrait-il plus d’aires protégées ? « Oui, à condition qu’il y ait des moyens humains suffisants et durables pour assurer leur pérennité », répond l’adjoint au conservateur.
Heureusement, lorsque certaines pratiques sont bien encadrées et canalisées, elles demeurent compatibles avec la biodiversité. Même le ski nordique, dont certaines pistes traversent des zones de quiétude de la faune sauvage. Alors, concrètement, en cette belle journée, comment profiter de la nature sans lui causer du tort ? S’abstenir de pénétrer en pleine forêt, accepter la compagnie d’autres curieux sur des circuits aménagés, apercevoir ou imaginer un animal sans forcément chercher à l’approcher… Allez, en route pour le Grand Montrond !
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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