© Denis Girard

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Intense hermine

La vie de l’hermine en quatre saisons

De l'hiver à l'automne, en passant par le printemps et l'été, l’hermine se fait joueuse ou chasseresse, nourrice ou exploratrice... Toujours avec une énergie débordante.

De l'hiver à l'automne, en passant par le printemps et l'été, l’hermine se fait joueuse ou chasseresse, nourrice ou exploratrice... Toujours avec une énergie débordante.

Hiver actif

Hibernation ? Pas question ! Même au cœur des frimas, l’hermine vit à cent à l’heure grâce à un métabolisme accéléré.

Sur la neige, un mouvement vif attire soudain l’attention. Si elle ne bougeait pas sans cesse, la fée blanche serait presque invisible... mais rester immobile, c’est trop lui demander ! Elle ne tient pas en place, elle met toute son énergie dans chacun de ses mouvements. « Si les éclairs sont plus rapides que les hermines, la différence est infime », affirmait un trappeur nord-américain dans ses mémoires.

Pour soutenir un tel rythme, le petit mustélidé dispose d’une machinerie de pointe. En une seule seconde, son cœur hypermusclé bat six fois et ses poumons prennent deux inspirations. Quant à son système digestif, il lui suffit de deux à quatre heures pour digérer un pavé de campagnol. Il faut dire qu’elle dévore, la petite ogresse ! Chaque jour, elle peut engloutir un tiers de son propre poids... soit l’équivalent de 70 steaks-frites pour un humain adulte.

Mais manger ne suffit pas pour recharger une telle pile électrique. Si l’hermine est si énergique quand on la croise, c’est aussi parce qu’elle passe l’essentiel de sa journée... à dormir. Entre quinze et dix-huit heures par jour, excusez du peu ! Ses longues siestes sont régulièrement entrecoupées de périodes d’activité intense, allant de dix minutes à deux heures. Ainsi, la vie de l’hermine est une alternance de sommeil profond et de courses folles.

Pour mettre le nez dehors, le mustélidé sur ressorts a des humeurs changeantes : plutôt en journée durant l’été, et plutôt la nuit à la saison froide. Un rythme différencié qui pourrait s’expliquer par des raisons de sécurité.

Printemps maternel

Elle court, elle court, l’hermine ! Pour prendre soin d’une famille nombreuse, la femelle met les bouchées doubles.

Hermine, que fait-elle le long de l'année, saison après saison ?
© Remo Savisaar

Le soleil de mars fait disparaître les dernières taches de neige. Il est temps pour les hermines d’enfiler leur costume couleur terre. C’est l’allongement de la durée du jour qui déclenche la mue de printemps. Ce paramètre joue aussi sur le calendrier de la gestation, c’est pourquoi la mise bas a lieu systématiquement vingt-deux à vingt-cinq jours après l’apparition des premiers poils bruns sur le museau de la femelle. Pour abriter ses six à douze petits, la future mère réquisitionne manu militari un nid douillet de campagnol ou de taupe. Mais si le refuge s’abîme, qu’un danger menace ou que les proies se font rares, tout le monde déménage ! Maman hermine transporte un par un ses rejetons vers l’un des autres abris repérés sur son territoire (> photo ci-dessus).

Alors que les petits ne sont âgés que de quelques semaines, le nid peut recevoir la visite d’un mâle attiré par l’odeur de la mère. Dans ce cas, le don Juan s’accouple également avec les petites de la portée. Pas de panique, c’est habituel chez les hermines. Bien qu’encore aveugles et dépourvues de poils, les jeunes femelles sont déjà matures sexuellement et donc fécondables, parfois dès l’âge de 17 jours. Heureusement, dans leur ventre, les embryons se mettent en pause pour une dizaine de mois.

En attendant, la maman de toute la portée fait preuve d’une énergie débordante pour protéger et nourrir les jeunes. Infatigable, elle quadruple le temps passé à la chasse. Ainsi, une étude menée sur des campagnols munis de radio-émetteurs a été ruinée par une seule femelle allaitante, qui tua une vingtaine d’entre eux en moins de deux jours ! Ce rythme effréné permet aux petits de grandir à toute vitesse. A l’âge de 3 mois, les voilà assez mûrs pour se débrouiller tout seuls. Il est temps pour la famille de se séparer.

Eté meurtrier

Ouste, les marmots ! Devenues grandes, les jeunes hermines se dispersent. C’est le temps de tous les dangers.

Hermine, que fait-elle le long de l'année, saison après saison ?
© Antoine Lavorel

Quand l’été bat son plein, une grande épreuve attend les jeunes hermines. Mises à la porte par leur mère, elles doivent impérativement trouver un territoire libre à investir. A l’heure de prendre la route, frères et sœurs divergent dans leurs préférences. Casanières, les femelles s’éloignent peu de leur lieu de naissance, alors que les mâles partent à l’aventure beaucoup plus loin.

Cette quête est un moment critique. Entre la faim, le froid et les prédateurs, les dangers sont nombreux pour les jeunes mustélidés sans défense. Seule la moitié atteindra l’âge de 1 an. Et puis, la recherche d’un territoire est tout sauf une mince affaire car les meilleurs coins sont déjà pris. Gare aux blancs-becs tentés de squatter des galeries occupées ! Les proprios, armés jusqu’aux dents, ne sont pas des rigolos. Pour éviter toute échauffourée, les vagabonds se fient à leur odorat. Car les adultes déposent des parfums personnels sur leur territoire grâce à des glandes situées sous le ventre et la queue. Pour poser ces bornes olfactives, ils se frottent par terre ou laissent une crotte arrosée de musc. Leurs emplacements favoris sont les rochers surélevés et de couleur claire, depuis lesquels leurs excréments sombres sont visibles de loin.

Ces balises forment une ligne que les voyageurs apprennent vite à ne pas dépasser mais qu’ils suivent assidûment. Si deux senteurs distinctes s’y côtoient, il s’agit probablement de la frontière entre deux territoires occupés. Dans ce cas, mieux vaut s’éclipser rapidement. Mais si les signatures olfactives ne sont présentes que d’un côté, alors l’autre est certainement libre ! Vite vite, le nouvel arrivant peut poser à son tour ses marques et déclarer sienne cette terre promise.

Automne contrasté

En octobre, les feuilles ne sont pas les seules à changer de couleur. Mais pourquoi l’hermine devient-elle presque toute blanche ?

Hermine, que fait-elle le long de l'année, saison après saison ?
© Fabrice Cahez

Avec l’arrivée prochaine des premières neiges, les hermines risquent d’être visibles comme le nez au milieu de la figure si elles gardent leur costume brun. Un nouveau pelage blanc pousse alors petit à petit sous leurs vieux poils qui finissent par tomber. A l’inverse de la mue de printemps, celle-ci commence par le ventre puis remonte le long des flancs pour s’achever autour du museau et des yeux. Après environ un mois à porter une tenue plus ou moins bigarrée, les voici enfin toutes de blanc vêtues, à l’exception du bout de la queue.

Mais, au fait, est-ce pour mieux surprendre leurs proies que les hermines changent de livrée ? Une telle ruse serait sans doute utile si elles chassaient à l’affût ou par une approche furtive. Mais à quoi bon se camoufler quand on poursuit ses proies à cent à l’heure ou au fond de sombres galeries ? Non, ce mimétisme est une assurance vie contre les renards, putois, chats sauvages ou domestiques... Et surtout leurs plus redoutés prédateurs, les rapaces, rapides et silencieux. Attirées par les rongeurs, les buses fréquentent en effet les mêmes prairies et n’hésitent pas à tenter une capture si l’occasion se présente.

C’est aussi pour éviter de finir entre des serres aiguisées que la fée blanche conserve un pinceau noir au bout de sa queue. Si un rapace essaye de l’attraper, il se focalise sur ce petit pompon contrasté et n’a souvent pour récompense qu’une touffe de poils. Une étude menée avec de fausses hermines a montré que les modèles équipés de la houppette sombre avaient deux chances sur trois de s’en tirer, alors que ceux qui en étaient dépourvus étaient presque systématiquement capturés.

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Intense hermine

Couverture de La Salamandre n°273

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 273  Décembre 2022 - janvier 2023, article initialement paru sous le titre "Une année endiablée"
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