Le héron, oiseau persécuté puis protégé
Quand une bête mange « leur » poisson, les hommes peuvent devenir mauvais. Au fil des siècles, le héron a été durement jugé et condamné pour ses fautes.
Quand une bête mange « leur » poisson, les hommes peuvent devenir mauvais. Au fil des siècles, le héron a été durement jugé et condamné pour ses fautes.
Vous avez compté sept hérons entre la maison et votre lieu de travail ? Ces rencontres qui nous paraissent aujourd’hui presque banales étaient relativement rares il y a trente ans. Eh oui! Le héron n’a pas toujours fait partie du paysage. Il a connu des hauts, mais aussi des bas dont il a mis longtemps à se relever.
Question de prestige
Jusqu’au 18e siècle, le héron cendré se portait plutôt bien dans nos contrées. Qualifié de «gibier royal» en France, il y bénéficiait d’un statut de protection qui exigeait toutefois quelques petits sacrifices . «Il faisoit le divertissement des Princes qui le réservoient, comme gibier d’honneur ; la mauvaise chère de cet oiseau, qualifiée viande royale, est servie comme un mets de parade dans les banquets», rapporte Buffon en 1780.
Dès la seconde moitié du 19e siècle, l’image du héron se ternit. De princier il devient nuisible, étiquette nouvelle dorénavant appliquée à une kyrielle de prédateurs. Sa réputation de voleur de poissons se répand à travers l’Europe. L’extermination est en marche.
L’oiseau à abattre
Partout on le tire, on l’empoisonne, on le persécute. La destruction des héronnières est encouragée à grand renfort de primes. Tant et si bien que l’espèce se retrouvera en maints endroits au bord de l’extinction.
Il faudra attendre le début du 20e siècle pour que les humains se livrent à une autre guerre, celle de 14-18, qui laissera un peu de répit aux oiseaux piscivores. Alors que les hommes sont au front ou en reviennent, les hérons osent un nouveau départ.
En France, l’échassier essaime à partir de cinq ou six colonies isolées et épargnées par la vindicte des pêcheurs : celle du lac de Grand-Lieu, en Loire-Atlantique, ou celle de Clairmarais, dans le Nord. Les ornithologues se mobilisent pour réclamer sa protection.
Le lent retour
En 1968, le héron passe de la catégorie nuisible à celle de gibier. Huit ans plus tard, le voici intégralement protégé : l’homme admet enfin que l’oiseau ne concurrence pas sérieusement les pêcheurs. Aujourd’hui, sa population totalise près de 700 colonies et l’espèce a reconquis la plupart de ses anciens territoires dans l’Hexagone.
En Suisse, les effectifs du héron cendré ont suivi une évolution similaire. Bien que protégé dès 1926, il mettra près de 50 ans pour se refaire une santé.
Témoignage
Emile Sermet, ornithologue vaudois
Parlez-nous du retour du héron!
J’ai eu la chance de découvrir la première colonie de reproduction en Suisse romande. C’était le 28 mai 1944 : alors que je revenais à vélo d’une excursion dans la région d’Yverdon-les-Bains (VD), mon attention a été attirée par des hérons qui s’activaient dans des sapins. En grimpant dans un arbre, j’ai pu dénombrer 4 nids, que les jeunes avaient déjà quittés.
Qu’a représenté pour vous cette découverte?
C’était exceptionnel ! Le héron ne nichait plus en Suisse romande depuis 1880, date à laquelle la colonie de Gletterens (FR), également située au bord du lac de Neuchâtel, a été anéantie. J’étais émerveillé.
Comment la colonie a-t-elle évolué?
L’espèce étant protégée, elle s’est développée rapidement, jusqu’à atteindre un maximum de 74 nids en 1976. Dès les années 46-47, les hérons ont essaimé et fondé de nouvelles colonies. Mais ils n’ont niché dans le bassin du Léman qu’en 1958. Les ornithologues ont bagué tous les jeunes au nid pendant de nombreuses années. Cela a permis de mieux comprendre le processus d’éclatement des colonies et les migrations.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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