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Confessions d’un rougegorge
La migration vers le sud du rougegorge
Lors des nuits claires et calmes, voire avec un léger vent arrière, le rougegorge vole vers le sud. Récit d'un voyage de migration.
Lors des nuits claires et calmes, voire avec un léger vent arrière, le rougegorge vole vers le sud. Récit d'un voyage de migration.
«Parfois, j’envie mes ancêtres. Ils vivaient sans doute à l’année dans le Midi. Ils défendaient le même territoire toute leur vie. Quel confort ! Certains ont pourtant voulu aller plus loin, conquérir de nouvelles terres ou peut-être simplement fuir une trop forte concurrence. J’imagine qu’une énergie extraordinaire animait ces premiers migrants. Aux étapes, ils goûtaient des insectes et des fruits inconnus. Je connais ces joies qui ont pour prix la migration.
Certains rougegorges ont trouvé des régions assez clémentes le long des côtes ou près des lacs. Mais le froid les rejoint parfois et ils s’enfuient alors plus au sud. En fait, un terrible dilemme se pose à nous chaque automne : rester ou partir ? Rester, c’est l’assurance d’être chez soi au printemps suivant, avec le risque de mourir de faim. Partir est périlleux, mais garantit un meilleur hivernage. Beaucoup d’oiseaux que je côtoie à la saison des nids ont ce problème. L’hirondelle a tranché : elle file au chaud tous les hivers. La mésange a pris l’option inverse : elle s’accroche à son bout de forêt. Nous autres rougegorges gardons les deux possibilités. Et nous pouvons changer chaque année de stratégie.
Naviguer
Moi, toutes ces années, j’ai choisi l’option voyage. J’en connais le prix. Avec le temps, je constate que je suis le dernier de ma génération à aller nicher là-haut, au pied de la Montagne Bleue. Quoi qu’on en dise, la migration n’est pas forcément la solution la plus périlleuse. Des bourrasques et des ennemis, il y en a partout ! Il faut être prudent, et voilà pourquoi nous nous déplaçons toujours de nuit, lorsque l’épervier sommeille.
“«Attiré par une lumière, j’ai failli me brûler les ailes contre un énorme projecteur.»
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Je choisis des nuits claires et calmes, voire avec un léger vent arrière. Je vole à quelque 300 mètres du sol. L’automne dernier, le brouillard m’a surpris et j’ai perdu ma route. Attiré par une lumière, j’ai failli me brûler les ailes contre un énorme projecteur de stade de foot !
Mais ces détours sont rares, car je sais m’orienter grâce aux étoiles. Je connais leur course au fil des saisons. Je les épiais déjà lors des premières nuits que je passais dehors. Je ressens aussi le champ magnétique qui zèbre la surface terrestre. Avec le temps, j’ai mémorisé visuellement ma route. Je sais reconnaître telle montagne ou le grand fleuve qui mène à la mer. Je perçois divers rayonnements et des sons très bas qui dessinent une carte précise du trajet.
S’élancer
Autrefois, je ne connaissais pas ma destination. Je savais juste que je devais voler un certain temps dans une certaine direction. Maintenant, je sais où je vais. Reste que je suis anxieux. Oh ! pas comme un débutant : ce n’est plus la terreur du premier vol. Simplement, je sais que rien n’est gagné d’avance.
Le moment du voyage approche. J’ai envie de battre des ailes comme autrefois, avant de quitter le nid. J’écoute se lever le vent. Je capte les changements de temps avec les récepteurs de pression atmosphérique dont je suis muni au niveau des pattes.
Une de ces nuits, après avoir une fois encore enregistré l’état du ciel et calé mes repères magnétiques, je décollerai pour un vol qui s’achèvera juste avant l’aube, pour autant que je puisse me poser. Sinon je poursuivrai jusqu’à la première escale...
En fin de compte, de mues en migrations, d’éclosions en nourrissages, je ne m’en suis pas trop mal sorti jusqu’ici. J’espère bien vivre encore plusieurs printemps. Près de chez vous peut-être ?»
Chacun sa route
Lors de sa migration, le rougegorge parcourt entre 50 et 250 km par nuit. Certains vivent toute l’année en zone méditerranéenne. En Grande-Bretagne, l’oiseau s’est sédentarisé, aidé par la douceur du climat et les nourrissages assurés par l’homme. Les populations scandinaves migrent toutes le long de la façade atlantique, voire plus bas sur le continent ou en Afrique du Nord. Celles d’Europe centrale migrent en partie dans le Midi, mais hivernent de plus en plus souvent sur place.
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Cinq milliards d’oiseaux européens hivernent chaque année au sud du Sahara. Et davantage encore nous quittent pour la Méditerranée. Pourquoi et surtout comment ? Réponse ici.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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