Julien Perrot : «Chaque chapitre est une rencontre avec un animal, une plante…»
Le fondateur de La Salamandre, Julien Perrot, publie son livre Une vie pour la nature, à paraître le 5 mai. Il y raconte à travers 60 courts chapitres ses rencontres avec des loups, renards, fougères, chênes, hermines... et tente de nous encourager à rester positif mais lucide face aux forces obscures qui menacent le vivant.
Le fondateur de La Salamandre, Julien Perrot, publie son livre Une vie pour la nature, à paraître le 5 mai. Il y raconte à travers 60 courts chapitres ses rencontres avec des loups, renards, fougères, chênes, hermines... et tente de nous encourager à rester positif mais lucide face aux forces obscures qui menacent le vivant.

Julien, une question cruciale pour commencer : est-il plus dur d’écrire un livre ou de trouver des morilles au printemps en forêt ?
C’est dur de trouver des morilles, je n’en récolte pas chaque année (rire). Pour être honnête, ce printemps je n’ai pas encore eu vraiment le temps d’y aller. Quant à écrire un livre, j’ai l’habitude d’écrire des reportages, des articles… et cela m’a beaucoup aidé. J’ai aussi raconté une histoire que je connais bien et ça rend les choses plus faciles. J’ai aussi repris des carnets de notes, d’anciens articles… Finalement, je n’ai pas trouvé que c’était trop dur d’écrire.
Pourquoi publier un livre maintenant alors que tu as fondé la Salamandre il y a 42 ans ? Est-ce que ça signifie que la boucle est bouclée à la Revue Salamandre ?
J’espère bien que la boucle n’est pas bouclée ! Avec cet ouvrage, ma motivation était d’apporter un message positif, à la fois lucide et joyeux. Ce qui n’est pas toujours facile par les temps qui courent. Je me suis dit que c'était le bon moment pour proposer ça. Mais j’espère bien ne pas être au bout de mon parcours (rire).
Tu peux nous livrer une piste pour rester positif en 2025 ?
Je pense qu’il est intéressant d’imaginer l’avenir et d’essayer d’avoir une vision de comment pourrait être ma vie, mon pays, mon territoire dans 20 ou 30 ans, sachant que les choses auraient bien tournées. Où pourrais-je être, avec qui ? Comment est-ce que finalement les forces obscures qui nous pressent perdront un peu la partie ? C’est peut-être naïf, mais ça peut vraiment donner de l’énergie. Il faut réussir à se dire : “on va sûrement vivre différentes crises ces prochaines années, mais le but à long terme c’est d'arriver à ceci ou cela et ça va être chouette de l’atteindre".

À quoi a ressemblé ton quotidien pendant l'écriture de ce livre cet hiver ?
Au début, j’ai commencé par parcourir tous les anciens numéros de la Revue Salamandre - ils sont tous consultables sur notre site internet. Ensuite, j’ai repris des carnets de note, de voyage, d’observation et puis j’ai construit mon plan des chapitres. J’ai alors commencé à écrire et c’est vrai qu’il y avait des rituels pour m’aider : un petit intermède de yoga, de temps en temps un morceau de chocolat ; j’ai d’ailleurs mangé beaucoup trop de chocolat pendant ces trois mois (rire). Et puis parfois, j’ai écrit 12-14h dans la journée. C’était intensif et chaque jour j’essayais de passer un petit moment dans la nature. J’ai fait aussi des pauses d’une demi-journée ou une journée entière dehors pour rester en connexion avec ce dont je voulais parler. C’était vraiment immersif et intense comme expérience d’écrire ce livre.
Pour revenir à ton livre, qu’est-ce qu’on y apprend qu’on ne savait pas sur Julien Perrot ou sur la nature ?
À travers mon parcours et mes rencontres avec des plantes ou animaux, il y a plusieurs récits qui se tressent. On découvre l’histoire de La Salamandre, mais avec des détails et anecdotes méconnus. Je livre aussi pas mal de considérations par rapport à une particularité que j’ai : une très mauvaise vue. Ce qui est assez cruel quand on s’intéresse à la nature. Quand on rêve d’observer des busards des roseaux, des hermines, des pics mar… c’est difficile. J'explique en quoi c’est toujours une difficulté dans ma vie, mais pourquoi il y a aussi des aspects positifs dans ce handicap. Je trouve intéressant d’expliquer cette vulnérabilité. Comme je le dis dans ce livre, on a tous des casseroles à traîner et elles nous font bosser sur nous. Ces casseroles peuvent être très difficiles à surmonter, mais cela peut aussi être un cadeau de la vie qui peut nous encourager au dépassement et à travailler sur nous.

Qu’est-ce qu’on va lire plus généralement dans ce livre ?
Le fil rouge, c’est mon parcours, mon enfance, l’histoire d’une passion, un engagement pour la nature et tout ça avec La Salamandre, qui est devenue au fil du temps une aventure humaine de plus en plus collective avec une trentaine de personnes aujourd’hui. Dans le premier chapitre, j’ai 4-5 ans, ce sont mes premiers souvenirs. Mon dernier chapitre, c’est ce dernier hiver. Ces aspects humains s’insèrent dans des rencontres avec nos cousins et cousines sauvages. Il y a 60 chapitres, qui sont tous assez courts. J’avais vraiment envie de faire des choses qui puissent se lire librement, dans l'ordre chronologique ou au gré des envies. Chaque chapitre est une rencontre avec un arbre, un oiseau, une fougère, un loup, un ours… on est sur le terrain dans ce livre.
Y a-t-il une rencontre avec un animal qui t’a particulièrement marqué et que tu racontes ?
Je peux citer un chapitre que j’ai beaucoup aimé écrire. J’y parle d’un voyage que j’ai fait en Pologne. J’avais 24 ans, je suis parti avec 3 copains et l’idée c’était d’aller rejoindre un Polonais qui étudiait les loups et n’avait pas les moyens de se payer des colliers émetteurs. A l’époque, il n’y avait même pas de caméra automatique ni de matériel sophistiqué. Donc il profitait de l’hiver et de la neige pour pister les loups via leurs traces. Du coup, il avait besoin de volontaires pour pister plusieurs meutes et reconstituer ce qu'elles faisaient. Pendant 10 jours, on a brassé la grosse neige à suivre des traces et ce qui était génial, c'est qu’on n'a pas vu de loup, mais on était tout le temps avec eux, dans leur intimité. C’était hyper intéressant comme expérience d’entrer dans l’intimité d’un animal en suivant ses traces, bien plus qu’en le voyant 10-20 secondes. C’était mon premier contact un peu proche avec le loup au moment où les premiers éclaireurs arrivaient tout juste en France et Suisse.

Cet hiver as-tu fait une rencontre avec un animal pendant l’écriture de ton livre ?
J’ai été beaucoup à la maison. L’idéal aurait été d’avoir une résidence d’artistes, comme une cabane en montagne… le rêve. Mais quand on a une famille, trois enfants…il y a quand même des choses à suivre au quotidien. Mon plaisir à travers la fenêtre c’était de regarder les oiseaux dans la mangeoire, donc j’étais accompagné dans mon écriture par les sittelles, les verdiers, les mésanges… ils étaient mes complices. Et puis j’ai vécu un très beau moment avec un renard, c’est la 2e fois que ça m’arrive. J'étais en train d’écrire et tout d’un coup, je tourne la tête, et je vois un renard couché contre la baie vitrée. Il me surveillait un peu en somnolant, c’était un très beau moment.
Tes grands-parents ont participé à la réintroduction du castor en Suisse en 1958 en allant capturer des castors en Camargue puis en les relâchant dans la région de Genève. Ce secret de famille est évoqué dans ton livre. Tu peux nous en dire plus ?
C’est surtout mon grand-papa qui y a participé. Il était un ami du célèbre artiste naturaliste Robert Hainard, qui habitait à Genève. Ils ont fait différentes choses ensemble et à un moment donné il y a eu un projet un peu fou pour l’époque : un groupe de naturalistes qui s’est dit : “Il faut absolument réintroduire le castor !” C'était la première réintroduction de ce mammifère en Europe occidentale d'où le castor avait presque disparu. Il restait une toute petite population en France. Ils sont allés chercher des castors là-bas pour les ramener en Suisse. J’ai un lien familial particulier avec cet animal, même si mon grand-papa est décédé avant ma naissance. J’ai présenté le castor à chacun de mes trois enfants, quand ils ont eu 4-5 ans, en allant l’observer en nature. Un très beau moment.
“J’ai présenté le castor à chacun de mes trois enfants, quand ils ont eu 4-5 ans, en allant l’observer en nature
„
À une époque où les enfants passent de moins en moins de temps en nature as-tu un conseil en tant que père à destination des parents pour qu’ils parviennent à intéresser leurs enfants au grand dehors ?
Je pense qu’on peut toujours emmener ses enfants à la montagne, à la mer… vivre un truc dingue. Mais le vrai défi, c’est l’intégration dans la vie quotidienne. C'est vraiment intéressant de partir de ce qu’on peut observer tout autour de chez soi par exemple sur le chemin de l’école, sur le balcon, dans le jardin, depuis la fenêtre. Ce qui est beau, c’est que naturellement les enfants ont cette curiosité pour le vivant. Ils n’attendent que ces occasions. Ça peut aussi être une expérience intéressante pour les adultes parce que grâce à la curiosité des enfants, on va se retrouver à suivre des pistes qu’on n'avait pas imaginées.
Tu as écrit un livre et j’imagine que maintenant tout le monde va te dire : “et pour quand est le deuxième ?”. C’est prévu ?
Il y a deux étapes dans un livre. D’abord l’écriture, puis ensuite l’objectif c’est que le livre soit lu et vive un maximum. Donc ce printemps, je vais passer beaucoup de temps à rencontrer le public, répondre à des interviews... Cela va bien m’occuper. Ensuite la Salamandre aura besoin que je fasse des choses pour elle, donc ça dépendra des demandes de mes collègues. Il n’y a pas tout de suite une perspective pour un deuxième livre, mais pourquoi pas plus tard si ce livre soulève un intérêt. J'ai aimé l’expérience et ça me plairait d’en faire un deuxième, mais j’aurai sûrement besoin de plus de temps (rire). Je sais aussi que mon parcours personnel ne sera plus nécessaire pour un fil rouge et je pourrai me focaliser sur le vivant sans ma personne en toile de fond. Il y a des sujets que j’aime beaucoup, comme les arbres, donc oui pourquoi pas !

Une vie pour la nature
Julien Perrot partage dans son premier livre un vibrant témoignage sur son parcours de vie, qui l’a amené, malgré un lourd handicap visuel, à observer la nature passionnément et à ouvrir les yeux du grand public sur l’urgence de sa préservation.
À travers de nombreuses anecdotes surprenantes et des histoires vécues dans la nature, il dresse un parallèle entre ses aventures au contact des animaux et des plantes et les défis auxquels notre société est confrontée.
Un récit de vie intimiste en 60 chapitres, comme autant d'histoires de nature qui nous invitent à nous reconnecter au vivant.
Précommandez le livre dès maintenant pour le recevoir fin avril.

Cet article est extrait de Une vie pour la nature
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