Joël Brunet, photographe à l'affût du chat sauvage

Le photographe naturaliste Joël Brunet parcourt sans cesse les prairies du Bugey, au sud du massif du Jura. Le chat sauvage est son modèle favori.

Le froid a envahi le Bugey depuis plusieurs semaines. Les hivers sont très marqués dans ce massif, avec des ambiances de givre, de neige et de brume… Des sources d’inspiration inépuisable. Un point de vie, même très lointain, suffit à l’image pour retranscrire au mieux les émotions que me procurent ces décors. Le manteau blanc masque les imperfections, tout est doux et harmonieux. Immaculée, la nature est encore plus belle que d’habitude.

Joël brunet, le photographe à l'affût du renard roux — Renard roux / © Joël Brunet

Vers 900 m d’altitude en ce début février, les nuits sont glaciales. Le thermomètre descend souvent sous les -10 °C. Depuis quelques jours, j’ai repéré un magnifique chat sauvage qui chasse régulièrement le long d’un bosquet. Je me place à l’affût avant le lever du soleil. Caché à plat ventre, je suis moins visible et cela m’offre une prise de vue rasante. Isolé du sol par un tapis de mousse, j’ai tout l’équipement nécessaire pour faire face aux températures négatives. Le jour pointe son nez mais le chat n’est pas dans la prairie. Dans le petit bois, à 80 m sur ma droite, des grives litornes se régalent de baies d’aubépine.

Mon camouflage blanc devrait me rendre invisible ou presque. Soudain, vers 8 h, le félin arrive par la gauche. Je m’attendais à ce qu’il vienne de l’autre côté, mais heureusement, je suis encore à bon vent. Le fauve progresse lentement, écoutant le moindre bruit, sa concentration est totale. Je ne dois plus faire un seul mouvement et rester parfaitement silencieux. Avec lui, je partage le délice des premiers rayons de soleil qui réchauffent nos corps transis par le froid. Cela dit, son pelage épais lui fournit un sacré avantage, il n’a pas besoin de gros gants comme moi. Mais tant que ces accessoires ne m’empêchent pas de régler mon boîtier, tout va bien !

Vous avez dit sauvage ?

A première vue, il aurait presque l’air d’un chat domestique, tout ce qu’il y a de plus banal. Mais en beaucoup plus farouche ! Son allure trapue, son pelage peu rayé, sa ligne dorsale charbon et sa queue touffue, barrée de trois à cinq anneaux noirs, permettent de le différencier. Aussi appelé chat forestier, Felis silvestris se nourrit quasi exclusivement de rongeurs. Présent dans le Jura suisse, il est rare sur le Plateau et dans les Alpes. En France, il occupe un large quart nord-est du pays et le pourtour pyrénéen.

Lièvre brun - Joël Brunet — Lièvre brun / © Joël Brunet

Je patiente plus d’une heure avant que le chat arrive enfin dans ma direction. Il s’avance droit vers moi, divinement éclairé par la lumière matinale. Il n’est maintenant plus qu’à une vingtaine de mètres, mon cœur s’accélère ! Grâce au déclenchement silencieux de mon appareil photo hybride, je peux faire mes clichés discrètement, sans le déranger ou presque. Il semble à peine intrigué par la lentille de mon objectif. Pour l’instant, la chasse n’est pas très bonne pour le matou : deux campagnols seulement. Après m’avoir contourné, il change de direction et part vers une autre prairie. Le majestueux félin a disparu. J’en profite également pour m’éclipser…

Quelle belle matinée ! Vivre des instants aussi forts me donne du courage dans ce monde où la nature est si malmenée.

Joël brunet, le photographe à l'affût du chat sauvage — Chat sauvage en chasse / © Joël Brunet

Minou mi-domestique

Le chat forestier s’hybride parfois avec le chat domestique. Un individu sur quatre serait concerné en France, un sur cinq en Suisse et 6 % en Belgique. On observe ainsi des félins croisés, plus difficiles encore à différencier. Cela menace le patrimoine génétique de l’espèce sauvage et donc sa survie à long terme. Une raison de plus pour stériliser les animaux domestiques !