Là où la Kander entaille le Gasterntal
Depuis des milliers d'années, la Kander façonne le paysage du Gasterntal à coups de crues. Non loin de Berne, cette enclave naturelle rappelle les grandes rivières canadiennes.
Depuis des milliers d'années, la Kander façonne le paysage du Gasterntal à coups de crues. Non loin de Berne, cette enclave naturelle rappelle les grandes rivières canadiennes.
Gasterntal... sur la carte, ce nom indique une profonde entaille coudée au cœur des Alpes bernoises. Surplombée en amont par le glacier du Kanderfirn, bouchée en aval par des gorges serrées et délimitée sur ses flancs par des massifs infranchissables dépassant 3500 m de hauteur, cette vallée est longtemps restée isolée. Seules quelques familles de Kandersteg et de Kandergrund faisaient estiver leur bétail dans ces pâturages cachés. Jusqu'en 1820 environ, certains paysans y vivaient toute l'année. Barricadé entre ses sommets, le Gasterntal a résisté au développement du XXe siècle. Aujourd'hui, il peut être considéré comme l'un des derniers paradis alluviaux suisses de l'étage subalpin.
Fille de glacier
A l'aurore, la Kander apparaît comme un immense serpent argenté. Non endiguée, elle se désarticule en plusieurs chenaux qui contournent les bancs de galets. Des parois rocheuses monumentales s'élèvent brusquement aux marges de la plaine alluviale. Ce sont les fondations du Doldenhorn et du Balmhorn, deux géants de plus de 3600 m qui s'admirent entre les nuages.
En fin de matinée, le soleil de juin devient impitoyable. Glaciers et névés ne résistent pas et fondent. Comme des larmes sur le visage de la montagne, de nombreux ruisseaux rident les parois et gonflent la rivière. Le débit du cours d'eau peut facilement doubler en quelques heures et atteindre 10'000 litres par seconde. Comme chaque été, le glacier cède des terres conquises au XVe siècle, lors du Petit Age glaciaire. En reculant, la langue de glace libère des tonnes de poussière de roche formée par l'érosion. Cette farine glaciaire colore les eaux gelées d'un gris turquoise caractéristique. D'après une étude récente, il faudrait 1000 camions pour transporter la quantité de sédiments en suspension évacués par la Kander en une année !
Libre de divaguer
Dans cette vallée perdue, la rivière est encore maîtresse des lieux. Lorsque son écoulement est entravé par une accumulation de galets ou par un tronc, elle est libre de changer soudainement de direction. La Kander s'ouvre de nouveaux chemins, parfois en plein milieu d'une vieille forêt d'aulnes blancs. Un effet certes destructeur mais qui favorise la diversification du paysage, de la flore et de la faune. En l'espace d'une demi-heure, on peut observer d'anciens chenaux envahis par le tamarin d'Allemagne, puis des bas marais abritant la grassette des Alpes ou encore des zones à végétation pionnière. Et dire que ce trésor de milieux naturels en perpétuelle évolution a été mis en danger dans les années 1950 par un projet de barrage hydroélectrique ...
Une aulnaie après la crue
L'aulne blanc, un arbre à bois tendre caractéristique des rives de cours d'eau montagnards, a des exigences modestes. Il ne demande qu'un peu de lumière ! Grâce à ses graines ailées transportées par le vent et par l'eau, cette essence colonise les sédiments nus déposés par les crues. Sa croissance est rapide pendant les dix premières années. Pour survivre dans ces sols minéraux et pauvres en nutriments, il est en symbiose avec des bactéries du genre Frankia capables de fixer l'azote atmosphérique. Bien qu'il supporte l'alternance de périodes d'inondation et de sécheresse, le verne blanc vieillit mal. Au Gasterntal, l'arbre atteint rarement plus de 80 ans. Sycomore (> photo d'un semis en bas), sorbier des oiseleurs ou épicéa prennent sa place dans les forêts stables.
Itinéraire
Accédez à la carte détaillée de cette balade dans le PDF en bas de page.
Vers Gastereholz (itinéraire brun)
Eggeschwand > Waldhus > Gastereholz
durée: 2h30
- Depuis l'arrêt « Talstation Sunnbüel » (1), suivre l'indication « Gastereholz » sur le panneau du chemin pédestre.
- Après les gorges « Chluse », virer à droite sur le pont (2) au-dessus de la Kander.
- Remonter la vallée et retraverser la rivière par le pont (3).
- Longer le cours d'eau sur 700 m, puis prendre à gauche (4).
- Après 100 m (5), tourner vers l'aval et redescendre le Gasterntal en longeant la rive droite du cours d'eau, jusqu'au pont (2).
Vers le Silleregrabe (itinéraire orange)
Staldi > Silleregrabe
durée: 1h00
- Bifurquer à droite au point (4), traverser à nouveau la Kander (6) et poursuivre vers l'amont jusqu'au nouveau pont (7).
- Rester sur la gauche et dépasser la zone d'éboulement du Sillere (8). Retrouver l'itinéraire principal au point (5).
Accès en transports publics
Rejoindre Kandersteg en train, puis prendre le bus 4104 jusqu'à l'arrêt « Talstation-Sunnbüel ». Horaires sur http://cff.ch
Hébergement, tuyaux gourmands
Hotel Waldhaus, Kandersteg. Restaurant de montagne. Ambiance sympathique et terrasse avec vue imprenable. Eclairage aux bougies et dortoir commun. +41 33 675 12 73
Hotel Steinbock, Selden. Joli chalet dans le haut du Gasterntal. Cuisine typique et location de chambres. +41 33 675 11 62, http://gasterntal.ch
Hotel Restaurant Ermitage, Kandersteg. Excellente cuisine, chambres luxueuses. +41 33 675 80 20, http://ermitage-kandersteg.ch
Règles d'or et conseils
- Eviter de sortir des chemins. Possible d'allumer un feu et de pique-niquer dans les emplacements prévus à cet effet.
- Par temps pluvieux, attention à ne pas écraser les salamandres noires, présentes en grand nombre sur le sentier des gorges.
- Profiter de monter au Sunnbüel pour apprécier le Gasterntal vu d'en haut.
- Parmi les nombreuses excursions proposées dans la région, l'Öschinensee mérite d'être visité.
Eclairage par Walter Holzer
Walter Holzer
Ingénieur en électronique à la retraite, ancien maire de la commune et président de l'association locale du patrimoine, Walter Holzer vit et est né à Kander-
steg. Il a fait beaucoup de recherches sur l'histoire de sa région. Du passage des Romains il y a 2000 ans via le col du Lötschberg aux crues historiques de la rivière qui ont modifié le paysage. « Au mois d'octobre 2011, la Kander a emporté plusieurs ponts dans le Gasterntal, inondé des pâturages et érodé des îles entières. Une preuve que le cours d'eau est encore très vivant et le paysage en constante évolution ! » Les particularités géologiques et botaniques du Gasterntal l'ont toujours captivé. « J'emmène régulièrement des groupes de visiteurs voir les particularités du Gastern. L'émerveillement devant des sabots de Vénus, par exemple, est toujours garanti ! »
Le pont des chômeurs « Ce pont en pierre en forme d'arche a été construit en 1925, en même temps que les tunnels routiers dans la falaise. Ces travaux importants, qui garantissent encore aujourd'hui l'accès à la vallée, ont permis de donner du travail à un grand nombre de chômeurs après la Première Guerre. »
Jeux tectoniques « Il vaut la peine de s'arrêter un moment près des cabanes militaires pour contempler la force des poussées tectoniques. Vers le nord, les couches calcaires présentent des plissements gigantesques. Ces figures spectaculaires ont été formées au moment de l'orogenèse alpine. »
Clochettes pourpres aux battants orangés « Le long du chemin, fin juin-début juillet, la floraison du lis martagon est incontournable. La plante pousse très bien dans ces sols calcaires et atteint 90 cm. Ses fleurs pourpres en forme de cloche sont regroupées par petits groupes. Les anthères saillantes portent un pollen orange très vif. »
Les tresses de la Kander « Depuis le pont qui traverse la rivière, on dispose d'un excellent aperçu de la zone alluviale. La grande quantité de galets et la faible pente obligent la Kander à divaguer et expliquent la formation de plusieurs chenaux. C'est le cas typique d'une rivière en tresses. »
Farouche et pétrifié « La forme particulière des rochers donne l'impression qu'un visage mystérieux se cache dans les calcaires. S'agit-il du gardien du Gasterntal ? L'observation insolite de cet artefact de la nature vaut le détour ! »
Depuis le ventre de la montagne « Le Geltenbach est un ruisseau qui naît au milieu du flanc méridional de la vallée. Après des orages ou lors de la fonte des neiges, une imposante cascade apparaît comme par magie. D'après des spéléologues locaux qui ont exploré la cavité, le torrent a creusé une galerie longue de plus d'un kilomètre dans les profondeurs de la montagne. »
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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