La baie des migrateurs
Célèbre pour l'ampleur de ses marées, la baie de Saint-Brieuc attire chaque hiver des milliers d'oiseaux migrateurs. Balade revigorante.
Célèbre pour l'ampleur de ses marées, la baie de Saint-Brieuc attire chaque hiver des milliers d'oiseaux migrateurs. Balade revigorante.
Un petit groupe de bernaches cravants se dandine sur le rivage. Inlassablement, elles puisent dans l'eau grise et peu profonde des algues et des petites bestioles. Bien qu'elles soient sauvages, les oies barbotent et papotent sans guère se soucier de ma présence. Elles s'éloignent pourtant et je réalise soudain que la mer se retire à vue d'œil.
Marée d'oiseaux
Dans la baie de Saint-Brieuc, en pleines Côtes-d'Armor (22), les marées sont spectaculaires. En moins d'une heure, les anses d'Yffiniac et de Morieux se vident comme une baignoire. L'eau cède la place à 800 km2 de sable truffé de coquillages et de vers arénicoles. Un immense réseau hydrographique se dessine dans la baie: le trop-plein s'évacue par ces filières, tantôt ruisselets, tantôt rivières.
En face d'Hillion, la ville de Saint-Brieuc s'étend de l'autre côté de la baie, à la fois proche et inaccessible pour le quidam qui ignore l'horaire des marées et la géographie des bancs de sable. Les oiseaux n'éprouvent quant à eux aucune réticence à s'aventurer dans les prés salés et les vasières. En hiver, bernaches cravants, tadornes de Belon, courlis cendrés, bécasseaux, chevaliers et aigrettes affluent par milliers pour fouiller les algues et les sédiments où prospèrent les invertébrés. Coups de trompettes, piaillements, cris flutés et cancanements emplissent la baie tandis qu'au loin le ressac annonce déjà la prochaine marée.
Armée de moules
Le vent triomphant m'arrache à ce spectacle et je poursuis la balade sur le sentier des Douaniers qui domine la baie. De creux en bosses, le chemin s'enfile entre des bouquets d'ajoncs et des remparts de prunelliers où s'épanouissent déjà quelques fleurs. Le ciel reste bas, mais le rougegorge, l'accenteur et l'alouette annoncent aussi les beaux jours à pleins poumons. Grâce au Gulf Stream, le printemps breton a toujours une longueur d'avance.
Au large de la pointe des Guettes, une armée de pieux sombres et boursouflés s'étend à perte de vue. Ce sont ces fameux bouchots dont chaque élément porte quelque 35 kg de moules. Pour elles, l'émersion ne sera plus très longue: l'avant-garde a déjà les pieds dans l'eau.
Estran vivant
La baie de Saint-Brieuc cumule les chiffres impressionnants. A marée basse, le sable se découvre sur 3000 ha tandis que la mer se retire à 7 km. Ces vastes étendues attirent chaque hiver 40'000 oiseaux migrateurs, et 18 espèces de poissons s'alimentent et se reproduisent dans les prés salés. Cette richesse exceptionnelle a valu à 1140 hectares de prés, d'estran sableux et de dunes d'être classés en réserve naturelle en 1998.
Les activités humaines n'y sont pas pour autant interdites. La baie est un haut lieu de la pêche à pied et de la mytiliculture, l'élevage des moules. Plus au large, ce sont les coquilles Saint-Jacques qui abondent et font la prospérité de toute une région. Seule ombre au tableau : les algues vertes et brunes qui, nourries aux nitrates des exploitations porcines, envahissent la baie à intervalles réguliers.
Eclairage par Blandine Magnette
Blandine Magnette a la chance incroyable de conjuguer au quotidien ses deux passions : le patrimoine historique et la nature. Depuis 2006, elle dirige la Maison de la Baie et le musée de La Briqueterie, qui rendent hommage à la vie de la baie sous toutes ses formes. « Les deux sites sont idéalement complémentaires pour la découvrir dans sa globalité et dans son fonctionnement. Grâce à ses richesses naturelles, les hommes ont su développer une économie en harmonie avec la mer et la nature. » Sa formation de géologue rend Blandine Magnette intarissable sur les formations rocheuses qui jalonnent les sentiers côtiers : « Les oiseaux et les invertébrés sont les vedettes incontestables des lieux, mais lors des sorties guidées, j'aime aussi parler de cailloux, même si ce n'est pas facile de rendre abordable la géologie, une science souvent jugée rébarbative ! »
A) La Maison de la Baie « Ouverte sur la baie, notre Maison Nature présente dans une exposition interactive ses principaux habitats naturels : falaises, monde sous-marin, dunes, estran, etc. Elle propose aussi des sorties nature sur différentes thématiques. »
B) Les dunes de Bon Abri « Partie intégrante de la Réserve naturelle, ces dunes abritent plus de 350 espèces végétales et une petite faune exceptionnelle. On y trouve aussi des mares issues d'une ancienne exploitation de sable, ainsi qu'un observatoire ornithologique. » reservebaiedesaintbrieuc.com/brochures.html
C) Rivières marines « Les filières sont ces petits chenaux creusés naturellement dans le sable de la baie et par lesquels l'eau de mer remonte à chaque marée. Mélange d'eau douce et d'eau salée, elles sont très riches en nourriture et attirent une foule d'oiseaux à marée basse. »
D) La richesse des polders « Au sud de Pisse-Oison s'étendent des polders d'une grande biodiversité. La grande digue – ou levée des marais – qui les limite s'ouvre sur la mer par des portes à marées. Les eaux douces s'en échappent, tandis que les portes se ferment lors des grandes marées. » > Circuit d'interprétation n° 2, le sentier des polders
E) Briqueterie du XIXe siècle « Etabli sur une ancienne fabrique industrielle de tuiles et de briques (1864), cet écomusée décrit les métiers pratiqués autrefois dans la baie. La marne était abondamment utilisée. On y pratiquait aussi le maraîchage, la pêche à pied et la récolte de sel. »
F) Les ouvrages d'art de Harel de la Noë « Entre La Briqueterie et Saint-Brieuc, le long du GR34, on peut admirer plusieurs ouvrages d'art, ponts et viaducs, construits à la fin du XIXe siècle par Louis Harel de la Noë. Cet ingénieur œuvrait aux lignes du célèbre petit train des Côtes-du-Nord. »
G) La pointe du Roselier « Située sur la commune de Plérin, la pointe du Roselier offre un panorama exceptionnel sur toute la largeur de la baie. Historiquement, c'était un lieu de défense stratégique de l'entrée du port de Saint-Brieuc : un four à boulets en témoigne encore aujourd'hui. »
Pour en savoir plus sur la vie de l'estran
- Notre article illustré La vie à marée basse
- Un deuxième article illustré Les limicoles, sur les plages du débarquement
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
Catégorie
Ces produits pourraient vous intéresser
Poursuivez votre découverte
La Salamandre, c’est des revues pour toute la famille
Plongez au coeur d'une nature insolite près de chez vous
Donnez envie aux enfants d'explorer et de protéger la nature
Faites découvrir aux petits la nature de manière ludique
merci de ne pas les utiliser sans l'accord de l'auteur