Dans l’est, la loutre gagne du terrain
En Bourgogne, la loutre d’Europe étend son territoire dans toutes les directions. Une très bonne nouvelle pour la recolonisation du Grand Est.
En Bourgogne, la loutre d’Europe étend son territoire dans toutes les directions. Une très bonne nouvelle pour la recolonisation du Grand Est.
« On peut voir plus d’une vingtaine d’épreintes sur les rochers, s’émerveille Damien Lerat, c’est l’un des lieux de marquage les plus importants de Bourgogne ! ». Nous sommes dans le Morvan, à deux pas de Saulieu, bourgade de Côte-d’Or qui jouxte le département de la Nièvre. Les épreintes dont parle le mammalogiste ne sont rien d’autre que les crottes caractéristiques de la loutre, composées de restes de poissons et diffusant un parfum singulier de miel et d’huile de lin. Le biologiste de la Société d’histoire naturelle d’Autun (SHNA) se faufile sous un pont par une margelle hors d’eau, faite de bois et de roche cimentée, un passage spécialement destiné à l’animal semi-aquatique.

Retour aux sources
« On a tendance à croire que la loutre est toujours dans l’eau, mais elle se déplace bien plus efficacement sur terre en longeant les berges, précise Damien Lerat. Et au moment de passer sous un pont, elle préfère le contourner plutôt que de se mouiller, ce qui l’oblige généralement à traverser une route. » Avec un risque d’écrasement à la clé, au point qu’il s’agit de la première cause de mortalité en Europe… « À l’image d’une femelle trouvée en décembre 2024 tout près d’ici, nous constatons des collisions presque annuellement dans la région. » L’augmentation des accidents traduit néanmoins aussi une croissance des effectifs.
C’est qu’elle revient de loin, la discrète, comme nous l’avait raconté Damien Lerat il y a déjà onze ans, lorsque nous lui avions rendu visite pour notre dossier spécial Retour à pas de loutre. À l’époque, la recolonisation du Morvan était balbutiante, après une disparition quasi totale au siècle dernier. « Les mailles de 10 x 10 km occupées par la bête sont passées de 30 en 2014 à 116 en 2024 ! », se réjouit le copilote du plan régional d’actions en faveur de la loutre.
L’association SHNA et ses partenaires ont promu 71 aménagements de banquettes permettant aux loutres de passer sous les ponts à pied sec en leur évitant ainsi de finir sur le bitume. Outre ces travaux, le plan d’action prévoit le développement des havres de paix. « Ce sont des refuges pour la loutre, où nous passons des conventions avec les propriétaires pour le respect de certaines clauses comme l’absence de pesticides, le maintien de la végétation riveraine et des gîtes potentiels pour la faune, ou encore le non-usage de poison à destination des ragondins », énumère Damien Lerat. Et de préciser qu’il existe actuellement 36 de ces havres, couvrant 939 ha et 94 km de berges. Soutenir l’engrillagement des piscicultures qui souhaitent se protéger du risque de prédation est une autre mesure pour l’acceptation consensuelle du retour du mammifère piscivore.

Tous azimuts
La population de loutres du Morvan, connectée au bastion national qu’est le Massif central, est doublement stratégique. D’une part, c’est un avant-poste pour la recolonisation du nord-est de la France, vaste espace largement inoccupé. D’autre part, elle se situe sur une ligne de partage des eaux, carrefour biologique connecté par le sud au bassin de la Loire (Atlantique), par le nord à celui de la Seine (Manche) et enfin par l’est au bassin du Rhône (Méditerranée) via la Saône. « Ce dernier axe est le moins actif », précise le naturaliste. En effet, une présence régulière de l’espèce se fait toujours attendre dans le Jura, malgré quelques observations prometteuses en 2023.
« Une part importante de nos connaissances vient de la prospection par les bénévoles », salue le biologiste. Grâce à des formations et à la mise en place de protocoles simplifiés, les milieux aquatiques de Bourgogne sont quadrillés. Et plus particulièrement ceux attenants aux zones déjà occupées par l’animal. « Nous prévoyons une prospection en canoë sur la Loire en 2025, une méthode qui plaît beaucoup à nos volontaires », prévient-il.
Pour témoigner plus concrètement de sa présence énigmatique auprès des élus qui soutiennent politiquement ou financièrement le retour de la loutre, l’association prévoit un suivi par piège photo. « On nous dit souvent qu’une photo ou une vidéo de l’animal, c’est quand même plus sympa que nos images de crottes ! », sourit le passionné.
Plan régional d’actions Loutre
Identifier les indices
Du fait de sa grande discrétion, la loutre est essentiellement recherchée à travers les indices qu’elle laisse : les empreintes et les crottes (épreintes). Apprenez à les reconnaître avec ces guides en ligne : bit.ly/TracesLoutre et bit.ly/LoutreInfofauna


Pour aller plus loin...
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Retrouvez notre dossier en ligne Retour à pas de loutre paru dans
- Notre infographie en ligne " Où en est la loutre en France ? "

Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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