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Brochet, un géant sort de l’ombre
Le brochet en 16 infos insolites
Vous pensiez tout savoir sur le brochet. Plongez dans un bain de surprises.
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Lucius et ses cousins
On connaît actuellement sept espèces de brochets dans le monde. Le grand brochet, nommé Esox lucius par Linné, est largement répandu dans tout l'hémisphère Nord, de l'Europe jusqu'au nord du continent américain en passant par l'immense Sibérie. Lacs, étangs, bras morts ou grands cours d'eau, il affectionne habituellement les eaux douces à faible courant. Mais on trouve aussi le brochet commun le long des côtes baltiques, la preuve qu'il peut aussi tolérer de faibles salinités.
Le genre Esox comprend aussi le brochet de l'Amour, sibérien, et trois espèces endémiques de l'est de l'Amérique du Nord : le maskinongé, le brochet maillé et le brochet américain. Deux autres espèces viennent enfin d'être découvertes en Europe : le brochet cisalpin et le brochet aquitain.
Brochet FM
Des suivis radio-télémétriques ont permis de préciser les habitudes et les déplacements du brochet. Dans des lacs nord-américains, les scientifiques ont observé que le carnivore passe trois quarts de son temps dans la végétation à moins de 300 m des rives. L'idéal pour se cacher et tendre des embuscades.
En moyenne, le poisson est actif 48% du temps en hiver et seulement 34% en été. Pourquoi donc ? A des températures plus hautes, son métabolisme de base est plus élevé. Ainsi, pour compenser cette demande d'énergie supplémentaire et assurer ses fonctions vitales, un brochet en eaux chaudes doit réduire son activité au strict minimum.
Crever de chaud
La température conditionne l'activité et la croissance du brochet. Plus l'eau est chaude, moins elle contient d'oxygène dissous et plus grand est l'effort à fournir pour l'extraire. Au-delà de 29°C environ, il meurt étouffé.
Grandes dames
Les plus gros brochets sont des femelles et peuvent atteindre une longueur de 140 cm pour un poids de 25 kg. Leur âge maximum est de 25 ans. les mâles meurent après six ou sept ans et restent plus petits. En moyenne, les adultes ont entre 50 et 60 cm de long.
Armé jusqu'aux dents
700, tel est environ le nombre de dents qui tapissent la gueule d'un brochet. La mandibule inférieure est munie de grosses canines, alors que le palais et la langue sont couverts de petites dents acuminées dirigées vers l'arrière. Une fois saisies, les proies n'ont aucune chance de s'en tirer.
Tuyaux d'alarme
Comme tout poisson, le brochet possède un système de détection des vibrations et des variations de pression appelé ligne latérale. Cet organe est composé d'un canal sur chaque flanc du corps jusqu'à la tête. Comment ça marche ? Des pores cutanés relient ce conduit innervé à l'extérieur. Lorsqu'un corps se déplace dans l'eau, il génère des ondes qui excitent les cellules sensorielles situées au fond de ces orifices. Grâce à des cils orientés dans des directions différentes, le prédateur détermine très précisément la provenance du stimulus. Ce n'est pas tout ! En détectant le même signal par des pores différents, il peut évaluer la vitesse et la distance d'une proie en déplacement… avant même de l'avoir aperçue.
Angle mort
Esox lucius a une très bonne vue. Ses yeux situés sur les côtés de la tête couvrent un champ visuel de plus de 330°. Mais c'est uniquement au centre, dans une tranche de 30°, qu'une vision binoculaire lui permet de déterminer précisément la distance et la position des objets. Il est en revanche aveugle sur quinze centimètres juste devant sa gueule fuselée. Au moment de les avaler, il ne voit plus ses proies.
Vessie à l'écoute
Le brochet possède une bonne olfaction, un goût performant et entend aussi très bien. Alors que sa ligne latérale capte les ondes longues, son oreille interne est spécialisée dans les vibrations à haute fréquence.
Sa vessie natatoire lui permettrait de plus de percevoir les très hautes fréquences. Cet organe est également utilisé comme baromètre pour surveiller les moindres variations de pression provoquées par le déplacement d'un animal dans l'eau.
Enfance cannibale
Les larves du grand prédateur ne mesurent que 6 mm à leur naissance. A ce stade, elles restent fixées sur la végétation par des papilles situées sur la tête. Une fois les réserves embryonnaires consommées, les alevins commencent à nager, à manger du plancton et ensuite des larves d'insectes. Quand ils atteignent 4 à 5 cm de long, ils deviennent piscivores. Ce changement est exactement synchronisé avec la naissance des jeunes alevins d'ablettes, gardons ou rotengles qui abondent dans les herbiers. Cette abondance de ressources n'empêche pas de fréquents actes de cannibalisme sur les individus de plus petite taille. Les brochetons peuvent atteindre 25 cm en une année seulement. Les mâles sont sexuellement mûrs à l'âge de deux ans, les femelles à trois.
Couleur camouflage
La teinte des écailles du brochet peut considérablement varier selon le milieu où il vit. Verdâtre dans les plans d'eau riches en végétation, elle est plus sombre voire noirâtre dans les eaux vaseuses. En milieu saumâtre, Esox lucius devient jaunâtre.
L'odeur de la mort
Les brochets chassent et digèrent dans des secteurs différents. Pourquoi ? Plusieurs espèces de poissons sont capables de détecter la présence du prédateur par les molécules contenues dans ses excréments. Pour éviter d'alarmer inutilement leurs proies, les brochets font leurs besoins ailleurs.
Effet fontaine
Menacés par un brochet, les vairons se regroupent en banc dense. Lorsque l'attaque se produit, le groupe explose dans toutes les directions. Ensuite, tous les poissons convergent comme une fontaine derrière l'ennemi. Cette manœuvre de défense désoriente le brochet.
Grande gueule, fine bouche
Le brochet, un glouton ? Fausse idée. Un adulte de 10 kg ne mangerait que 40 à 50 kg de nourriture par an. Il pourrait même survivre sans perdre de poids avec moins de la moitié de cette quantité.
Et attention, pas en mangeant n'importe quoi. Oui, Esox lucius a des tendances opportunistes, mais il préfère les repas à forme allongée, plus faciles à ingérer.
Pour maximiser la rentabilité des attaques, les grands individus privilégient des poissons qui mesurent la moitié de leur longueur. Les brochets de taille moyenne sélectionnent plutôt des cibles d'au maximum 30% de leur longueur. La capture de plus grosses proies pourrait attirer l'attention des brochets de grande taille, avec le danger de perdre son butin… ou de se faire avaler.
Le coût du coup
Le brochet utilise 80% de son énergie vitale pour chasser. Pour minimiser les ratés, ce prédateur méticuleux réfléchit à deux fois avant de tenter une capture. Malgré ces précautions, les attaques n'aboutissent qu'une fois sur six. Parmi ses proies figurent évidemment surtout des poissons, mais également des grenouilles, des jeunes oiseaux d'eau ou des écrevisses. Ce qui compte, c'est que la cible soit proportionnellement assez grosse pour que le coût de l'attaque ne dépasse pas son bénéfice...
Poignards zébrés
Les jeunes brochets, aussi nommés poignards, présentent des rayures obliques jaunâtres sur les côtés qui s'estompent avec le temps.
Un sur huit cent mille
Un demi-million ! Tel est le nombre astronomique d'œufs qu'une femelle d'une douzaine de kilos peut pondre chaque printemps… L'équivalent d'un bidon de 5 litres. Les œufs ou les jeunes larves ont un taux de mortalité de 98%. Statistiquement, 800 000 œufs ou 16 000 alevins produiront avec un peu de chance quinze ans plus tard un seul grand brochet. Dans leurs premières semaines de vie, les jeunes sont très sensibles aux variations de température et d'oxygène dissous dans l'eau. Beaucoup sont capturés par des insectes, des poissons ou meurent par maladie. S'ils ont passé ce premier stade délicat, le taux de survie des brochetons monte à 30% entre la première et la deuxième année. Au fil du temps, il atteint 50% et même 70% chez les brochets de 9 à 10 ans.
Cette stratégie de reproduction est appelée R (beaucoup de descendants, mais avec de fortes pertes). Cela vous dit quelque chose? Pour en savoir plus, lisez l'encadré en-bas de l'article Pourquoi grenouilles et crapauds n'ont-ils pas encore disparu?
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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