À Genève, des missions nocturnes pour protéger la faune
L'agglomération du Grand Genève a créé un Plan lumière. Objectif : restaurer des zones d'obscurité pour protéger certaines espèces menacées par la pollution lumineuse. Zoom sur deux initiatives.
L'agglomération du Grand Genève a créé un Plan lumière. Objectif : restaurer des zones d'obscurité pour protéger certaines espèces menacées par la pollution lumineuse. Zoom sur deux initiatives.
Sauvetage des grands murins
Les combles de l’église de Satigny, un village niché dans l’ouest de Genève, sont vides de ses habituels occupants. Mais au sol et sur les massives poutres, des amas de guano trahissent la présence saisonnière des grands murins. Le grenier de ce lieu saint sert de nurserie à cette espèce très grégaire de chauve-souris. Les premiers individus arrivent en général dès la fin du mois de mars, après leur hibernation, et les naissances des jeunes se produisent entre la mi-juin et début juillet.
Aujourd’hui, c’est encore l’hiver. Il neigeote dehors. Les grands murins hibernent quelque part dans des cavités souterraines de la région, pendant qu’Aline Wuillemin pénètre dans l’église.
Cette correspondante régionale du Centre de coordination ouest (CCO) pour l’étude et la protection des chauves-souris est sereine. Elle sait que les grands murins seront de retour dans quelques semaines. Un retour qui n’était pas assuré il y a quelques années.
Entre 2010 et 2015, la population de la colonie s’est effondrée, chutant de 750 à 89 individus. Un élément d’explication a vite été identifié : « On s’est rendu compte que les lampadaires du parking voisin éclairaient la façade de l’église par laquelle les grands murins sortaient. Ils se sont mis à s’envoler de l’autre côté de l’église, avec un accès beaucoup plus difficile les obligeant à ramper sur 1 m de long. »
Le CCO de Genève a alors conseillé à la commune de Satigny d’installer des caches sur l’extrémité des éclairages qui donnaient sur l’abri des grands murins. Le succès de l’opération est éclatant. « Cela a participé à diminuer le halo. Les chauves-souris ressortent par la sortie historique », se félicite Aline Wuillemin. La colonie regonfle et comptait 356 individus à l’été 2023.
Un corridor nocture pour les cerfs
C’est un bout de campagne qui paraît terriblement banal. Entre deux villages français, à un jet de pierre de la frontière avec la Suisse, une route file entre les champs usés par l’hiver. Ce lieu est pourtant précieux. C’est là que les cerfs traversent pour se déplacer du nord à l’ouest du Grand Genève. Un trajet indispensable pour les cervidés qui doivent naviguer entre plusieurs abris forestiers. Et le long de cet axe de circulation, sur quelques centaines de mètres, aucun lampadaire ne vient perturber l’obscurité. C’est un luxe rare et vital pour ces grands mammifères.
Dans la voiture, Claude Fischer a activé les essuie-glaces. Une pluie froide tombe des lourds nuages gris qui précipitent le crépuscule. D’un geste de la main, il balaie la zone. « Nous bénéficions des données GPS des cerfs et en regardant leurs déplacements de nuit, il est clair qu’ils utilisent les zones à l’ombre », explique ce professeur à la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève, spécialiste de la grande faune.
Coauteur d’une cartographie de la pollution lumineuse dans l’agglomération, il estime que les cerfs peuvent être gênés jusqu’à une distance de 250 m. « Pour eux, la lumière est synonyme de risque, de présence humaine. »
Pour ménager de cruciaux corridors aux cerfs, Claude Fischer conseille donc aux communes d’adapter leur éclairage nocturne à la présence de ces voisins sauvages. « Plus la lumière est chaude, dans le jaune, moins elle dérange. Si une source de nuisance ne peut être supprimée, nous conseillons de changer l’ampoule ou d’apposer un filtre pour la rendre plus jaune. Il y a ces préconisations dans le plan lumière de la ville de Genève », se félicite le chercheur.
Dans la nuit noire, il allume soudainement ses phares pour tenter d’apercevoir les grands herbivores dans le pâturage qui borde la chaussée. Rien en vue.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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