Le crépuscule des lavandières
On la connaît solitaire, perchée sur un chéneau ou trottant dans la cour. Mais les soirs d'automne, la bergeronnette grise a l'âme sociable.
On la connaît solitaire, perchée sur un chéneau ou trottant dans la cour. Mais les soirs d'automne, la bergeronnette grise a l'âme sociable.
« Tssli-vit... tsiwic... ». Sur le faîte du toit, ces cris familiers signent la présence de l'élégante bergeronnette grise. Une scène commune, quoique souvent peu remarquée. Notre passereau masqué de blanc est en effet moins illustre que le rougegorge ou la tourterelle turque.
En cette fin d'été, ce fin vigile est rejoint par un, deux, puis trente de ses semblables. Les cris s'entremêlent au gré des petits vols et des hochements de queue sur ce prédortoir. Au fur et à mesure que le ciel s'assombrit, les oiseaux descendent un à un ou par groupes désordonnés dans le feuillage mouvant des saules.
La nuit venue, ces rassemblements postnuptiaux ou hivernaux forment de véritables dortoirs parfois gigantesques. On a ainsi compté 490 bergeronnettes à la gare de Berne en janvier 2007 et même 3200 près de Nantes en janvier 1999. Se regrouper est souvent une question de sécurité, car les chances de détecter un prédateur sont accrues.
Le phénomène était déjà décrit avant même que notre oiseau ne se nomme bergeronnette. Buffon, naturaliste français du XVIIIe siècle, en parlait ainsi: «Sur la fin de l'automne, les lavandières s'attroupent en plus grandes bandes ; le soir on les voit s'abattre sur les saules et dans les oseraies, au bord des canaux et des rivières, d'où elles appellent celles qui passent, et font ensemble un chamaillis bruyant jusqu'à la nuit tombante.»
Ce matin de novembre, les bergeronnettes grises quittent le dortoir dès l'aurore et prennent vite de l'altitude. Quelques cris les trahissent dans la brume. C'est le départ. Provence, Espagne, Maghreb, qui sait ?
La douceur des hivers récents et le microclimat urbain incitent bon nombre d'entre elles à passer la saison froide dans certaines agglomérations. Il devient possible d'observer, un soir de décembre, des boules de Noël animées et sonores qui s'aglutinent dans les arbres de la grande place. Grâce aux lumières de la ville en fête, on peut même les regarder dormir.
So british
Si vous observez un individu au dos totalement noir et aux flancs très sombres, il s'agit probablement d'un représentant de la race yarrellii originaire des îles Britanniques et des côtes françaises de la Manche. Rare dans l'est de la France, elle y est observée chaque année au passage. En Suisse, cette Pied Wagtail (littéralement hochequeue de couleur pie) a été observée seulement cinq fois.
Vagabonde
Dès la fin août, de petits groupes en errance préludent à une migration automnale qui culmine en octobre. La bergeronnette grise ne passe pas l'hiver dans les régions les plus froides. Difficile de l'observer en décembre et janvier dans la campagne du nord-est de la France comme en Suisse. Elle devient plus citadine ou part carrément dans le Midi et dans le sud de l'Europe. Dès février-mars, les labours et les prairies inondées scintillent de nouveau des vols et des trottinements de l'oiseau arlequin. Bientôt les couples se répartiront partout pour nicher, de la plaine jusqu'aux alpages de haute montagne.
Nom d'une bergeronnette !
La bergeronnette aime à déambuler le long des berges. Son nom ne vient pourtant pas de là mais de son habitude de «petite bergère» à accompagner les troupeaux pour profiter de l'abondance de mouches. Elle fut même qualifiée autrefois de bergerette . Pas une étable, pas une pâture ni même un terrain vague sans que ce hochequeue batte la mesure de son errance. Remarquée autrefois autour des femmes qui lavaient le linge au bord de l'eau, elle fut dénommée lavandière . Son appellation espagnole actuelle, lavandera, y fait toujours référence.
Ô miroir
La bergeronnette grise est l'oiseau type des grands parkings de zones commerciales. Il n'est pas rare d'observer un mâle territorial voletant avec fougue devant un rétroviseur de voiture. Il aura croisé son propre reflet en picorant quelques insectes écrasés. Persuadé d'être face à un concurrent, le voilà engagé dans un duel sans fin.
En pratique, lisez nos conseils pour observer les bergeronnettes.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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